Maciej Brzeziński v Dyrektor Izby Celnej w Warszawie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:598
Date21 September 2006
Celex Number62005CC0313
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-313/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEANOR SHARPSTON

présentées le 21 septembre 2006 (1)

Affaire C-313/05

Maciej Brzeziński

contre

Dyrektor Izby Celnej w Warszawie

[demande de décision préjudicielle formée par le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warzawie (Pologne)]





1. Par la présente demande de décision préjudicielle, le Wojewódzki Sąd Administracyjny w Warzawie (Pologne) demande, pour l’essentiel, si est compatible avec les articles 25 CE, 28 CE et 90 CE, ainsi qu’avec l’article 3, paragraphe 3, de la directive 92/12/CEE du Conseil (2) le fait, pour un État membre, d’imposer sur les voitures de tourisme un droit d’accises:

– qui s’applique lors de l’acquisition de tout véhicule, indépendamment du lieu de son origine avant sa première immatriculation dans l’État membre,

– qui s’applique, à un taux déterminé en fonction de l’âge et de la cylindrée du véhicule, aux véhicules d’occasion importés d’autres États membres, mais non à ceux qui sont déjà immatriculés dans l’État membre en question, au titre desquels il a déjà été perçu antérieurement à leur première immatriculation et dont il affecte ainsi le prix de revente,

– en vertu duquel les personnes procédant à l’acquisition de véhicules dans un autre État membre sont obligées de déposer une déclaration simplifiée au bureau des douanes dans un délai de cinq jours à compter de l’acquisition.

Dans l’hypothèse où existerait une incompatibilité avec ces dispositions, la juridiction de renvoi demande à la Cour de décider s’il devrait y avoir une limitation quelconque à l’effet dans le temps de son arrêt.

Le droit communautaire applicable

Les dispositions du traité CE et la législation

2. L’article 23 CE (3) dispose que:

«1. La Communauté est fondée sur une union douanière qui s’étend à l’ensemble des échanges de marchandises et qui comporte l’interdiction, entre les États membres, des droits de douane à l’importation et à l’exportation et de toutes taxes d’effet équivalent, ainsi que l’adoption d’un tarif douanier commun dans leurs relations avec les pays tiers.

2. Les dispositions de l’article 25 […] s’appliquent aux produits qui sont originaires des États membres, ainsi qu’aux produits en provenance de pays tiers qui se trouvent en libre pratique dans les États membres.»

3. L’article 25 CE dispose que:

«Les droits de douane à l’importation et à l’exportation ou taxes d’effet équivalent sont interdits entre les États membres. Cette interdiction s’applique également aux droits de douane à caractère fiscal.»

4. L’article 28 CE dispose que:

«Les restrictions quantitatives à l’importation, ainsi que toutes mesures d’effet équivalent, sont interdites entre les États membres.»

5. L’article 90 CE dispose que:

«Aucun État membre ne frappe directement ou indirectement les produits des autres États membres d’impositions intérieures, de quelque nature qu’elles soient, supérieures à celles qui frappent directement ou indirectement les produits nationaux similaires.

En outre, aucun État membre ne frappe les produits des autres États membres d’impositions intérieures de nature à protéger indirectement d’autres productions.»

6. L’article 3, paragraphe 1, de la directive 92/12 prévoit que la directive s’applique au niveau communautaire aux huiles minérales, à l’alcool et aux boissons alcooliques, ainsi qu’aux tabacs manufacturés. Pour ce qui concerne d’autres produits, l’article 3, paragraphe 3, dispose que:

«Les États membres conservent la faculté d’introduire ou de maintenir des impositions frappant des produits autres que ceux mentionnés au paragraphe 1, à condition toutefois que ces impositions ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

[…]»

La jurisprudence

7. Les dispositions du traité que nous venons de citer ont été examinées par la Cour dans un certain nombre d’affaires concernant spécifiquement des impôts nationaux perçus sur des véhicules à moteur importés d’autres États membres.

8. Tout d’abord, la Cour a jugé que la prohibition des restrictions quantitatives énoncée à l’article 28 CE ne s’étend pas aux obstacles au commerce couverts par d’autres dispositions spécifiques du traité, tels que les obstacles ayant un effet équivalent aux droits de douane ou les obstacles de nature fiscale, qui sont couverts par les articles 25 CE et 90 CE respectivement (4). Les dispositions de ces deux articles ne peuvent pas non plus s’appliquer conjointement: un prélèvement ne saurait appartenir aux deux catégories en même temps (5).

9. À cet égard, une taxe sur l’enregistrement de véhicules à moteur, prélevée non pas en raison du franchissement de la frontière d’un État membre, mais lors de la première immatriculation du véhicule sur le territoire de cet État, doit être considérée comme relevant d’un régime général de redevances intérieures sur les marchandises et doit donc être examinée à l’aune de l’article 90 CE (6).

10. En ce qui concerne l’appréciation sous l’angle de l’article 90 CE de la taxation des véhicules d’occasion, j’ai résumé les arrêts les plus importants de la Cour (7) aux points 4 à 22 de mes conclusions dans l’affaire Nádasdi et Németh (8), auxquelles je renvoie.

11. On peut dire, pour résumer cette jurisprudence, que, pour être compatible avec l’article 90, premier alinéa, CE, une taxe nationale prélevée une seule fois sur chaque véhicule, lors de la première immatriculation de celui-ci dans un État membre, doit, dans la mesure où elle frappe des véhicules d’occasion, être calculée de manière à éviter toute discrimination à l’encontre des véhicules d’occasion provenant d’autres États membres. Une telle taxe ne doit donc pas grever les véhicules d’occasion importés dans une mesure qui dépasse celle de la charge que représente la taxe résiduelle comprise dans le coût d’un véhicule équivalent qui a fait l’objet d’une première immatriculation dans le même État membre.

12. Dans ces décisions, la Cour a également précisé, entre autres choses, qu’un examen de la compatibilité d’une taxe avec l’article 90 CE suppose que l’on tienne compte des modalités de perception de ladite taxe; que la poursuite d’un objectif de protection de l’environnement ne dispense pas un État membre de l’obligation d’éviter toute discrimination; que la dépréciation ne doit pas nécessairement être calculée dans chaque cas particulier, mais qu’elle peut être estimée sur la base de barèmes ou de tableaux fondés sur des critères pertinents afin de fournir une estimation valable de la valeur dépréciée, et qu’un propriétaire doit pouvoir contester l’application de ces barèmes ou tableaux au cas où ceux-ci ne refléteraient pas les véritables caractéristiques du véhicule en question.

13. Il est bien évident que l’imposition des véhicules neufs ne relève de l’article 90, premier alinéa, CE que s’il en existe une production nationale. (Et, dans le cas présent, on notera qu’il existe une telle production en Pologne.) Si cette imposition ne comporte pas une discrimination patente contre les véhicules importés d’autres États membres, ce qui serait clairement contraire à cette disposition, la question peut néanmoins se poser de savoir si elle structurée de manière à avoir un effet indirectement discriminatoire ou protecteur.

14. À ce propos, la Cour a estimé qu’un système de taxation ne pouvait pas être considéré comme discriminatoire pour l’unique raison que seuls des produits importés, notamment d’autres États membres, se situaient dans la catégorie la plus fortement taxée, dès lors que la différence de taux n’avait pas pour effet de favoriser la vente de véhicules de fabrication nationale par rapport à celle des véhicules importés d’autres États membres (9).

15. L’article 90, second alinéa, CE interdit les impositions intérieures de nature à créer un «protectionnisme fiscal indirect dans le cas de produits qui, sans être similaires, au sens du premier alinéa [de l’article 90 CE], à des produits nationaux, se trouvent néanmoins, avec certains d’entre eux, dans un rapport de concurrence même partielle, indirecte ou potentielle» (10). Des véhicules sont «similaires» si leurs caractéristiques et les besoins auxquels ils répondent les placent dans un rapport de cette nature. Le degré de concurrence entre deux modèles dépend de la mesure dans laquelle ils répondent aux mêmes exigences en matière de prix, de dimensions, de confort, de performances, de consommation, de longévité, de fiabilité et ainsi de suite (11). Il ne me semble exister aucune affaire dans laquelle il aurait été jugé, voire allégué, que la taxation des véhicules à moteur importés créait un protectionnisme indirect favorisant des produits autres que des véhicules à moteur.

Le droit national applicable

16. Selon la décision de renvoi, l’article 80 de la loi polonaise relative aux droits d’accises (12) soumet à accises les voitures de tourisme non immatriculées en Pologne en application des dispositions du code de la route. Sont redevables de ce droit d’accises les personnes procédant à la vente d’un véhicule de ce type avant sa première immatriculation en Pologne, ainsi que les importateurs et les personnes procédant à l’«acquisition intracommunautaire» de ces véhicules. L’expression «acquisition intracommunautaire» fait référence à l’achat d’un véhicule dans un autre État membre et son introduction en Pologne, et cette acquisition est réputée avoir lieu, selon l’article 2 de la loi tel que le rapportent le gouvernement polonais et la Commission dans leurs observations, à la date d’introduction effective du véhicule en Pologne et non à la date de l’achat. Il est en outre apparu à l’audience qu’un fabricant polonais de voitures de tourisme serait tenu de payer le droit d’accises s’il devait immatriculer une voiture à son propre nom avant de la vendre, auquel cas aucun autre droit d’accises ne serait dû en pratique par la suite.

17. En vertu de l’article 81 de la même loi, les personnes effectuant une...

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