Total SA v European Commission.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:207
CourtCourt of Justice (European Union)
Docket NumberC-597/13
Date26 March 2015
Procedure TypeRecurso de casación - infundado
Celex Number62013CC0597
62013CC0597

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 26 mars 2015 ( 1 )

Affaire C‑597/13 P

Total SA

contre

Commission européenne

«Pourvoi — Concurrence — Ententes — Marché des cires de paraffine dans l’Espace économique européen et marché allemand du ‘gatsch’ — Fixation des prix et répartition des marchés — Décision constatant une infraction aux règles de la concurrence — Infraction commise par une société filiale détenue à 100 % par une société mère — Présomption d’influence déterminante exercée par la société mère sur la filiale — Responsabilité de la société mère découlant exclusivement du comportement infractionnel de sa filiale — Effets d’un arrêt visant la filiale sur la situation juridique de la société mère»

I – Introduction

1.

La présente affaire a pour objet un pourvoi dirigé contre l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 septembre 2013, Total/Commission ( 2 ).

2.

Cette affaire invite notamment la Cour à définir les effets d’un arrêt ( 3 ) visant une filiale sur la situation juridique de la société mère, lorsque la responsabilité de la société mère découle exclusivement du comportement infractionnel de sa filiale. Elle offre, à mon sens, l’occasion de souligner que, en vertu de l’article 266, premier alinéa, TFUE ( 4 ), il incombe en tout premier lieu à la Commission européenne de tirer les conséquences des arrêts de la Cour et du Tribunal. Outre certaines précisions sur la portée de cette obligation d’exécution en cas de recours introduit par une entité juridique condamnée conjointement et solidairement avec d’autres entités au paiement d’une amende, la Cour est ainsi amenée, dans le prolongement des enseignements de l’arrêt Commission/Tomkins ( 5 ), à apporter certains éclaircissements sur la portée et les limites de l’intervention du juge lorsqu’il est saisi de recours parallèles introduits par des entités condamnées et sanctionnées solidairement pour une infraction aux règles du droit de l’Union en matière de concurrence.

3.

Par ailleurs, la Cour est également appelée à se prononcer sur la portée du contrôle juridictionnel de la motivation du rejet des indices et des arguments présentés par une société mère en vue de renverser la présomption d’exercice d’influence déterminante sur le comportement de sa filiale.

II – Les antécédents du litige

4.

Les antécédents du litige ainsi que le contenu de la décision litigieuse ont été résumés par le Tribunal aux points 1 à 16 de l’arrêt attaqué, auxquels le lecteur est renvoyé pour davantage de détails.

5.

Pour les besoins de l’analyse du présent pourvoi, je me limiterai à rappeler ce qui suit.

6.

Par la décision C (2008) 5476 final, du 1er octobre 2008, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/39.181 – Cires de bougie) (ci‑après la «décision litigieuse»), la Commission a constaté que la requérante et sa filiale détenue à près de 100 %, à savoir Total France SA (ci‑après «Total France»), avaient, avec d’autres entreprises, enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53, paragraphe 1, de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), en participant à une entente sur le marché des cires de paraffine dans l’Espace économique européen (EEE) et sur le marché allemand du «gatsch». La requérante, Total SA (ci‑après «Total»), et sa filiale, Total France, figuraient parmi les destinataires de la décision litigieuse.

7.

Selon la Commission, des employés de Total France avaient participé directement à l’infraction pendant toute sa durée. La Commission a donc tenu Total France pour responsable au titre de sa participation à l’entente (considérants 555 et 556 de la décision litigieuse). En outre, Total France était, entre l’année 1990 et la fin de l’infraction, directement ou indirectement détenue à plus de 98 % par Total. La Commission a considéré qu’il pouvait être présumé sur cette base que Total exerçait une influence déterminante sur le comportement de Total France, les deux sociétés faisant partie d’une même entreprise (considérants 557 à 559 de la décision litigieuse).

8.

Le montant des amendes infligées en l’espèce a été calculé sur la base des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) no 1/2003 ( 6 ), en vigueur au moment de la notification de la communication des griefs.

9.

En application desdites lignes directrices, la Commission est, s’agissant de la requérante et de sa filiale, parvenue à un montant total d’amende s’élevant à 128163000 euros (considérant 785 de la décision litigieuse).

10.

Aux termes du dispositif de la décision litigieuse:

«Article premier

Les entreprises suivantes ont enfreint l’article 81, paragraphe 1, [CE] et, à partir du 1er janvier 1994, l’article 53 de l’accord EEE en participant, pendant les périodes indiquées, à un accord continu et/ou [à] une pratique concertée dans le secteur des cires de paraffine dans le marché commun et, à partir du 1er janvier 1994, dans l’EEE:

[…]

Total France […]: du 3 septembre 1992 au 28 avril 2005; et

[Total]: du 3 septembre 1992 au 28 avril 2005.

En ce qui concerne les entreprises suivantes, l’infraction concerne également, pour les périodes indiquées, le gatsch vendu à des clients finals sur le marché allemand:

[…]

Total France […]: du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004; et

[Total]: du 30 octobre 1997 au 12 mai 2004.

Article 2

Les amendes suivantes sont infligées pour l’infraction visée à l’article 1er:

[…]

Total France […] conjointement et solidairement avec [Total]: 128163000 [euros].

[…]»

III – L’arrêt attaqué et l’arrêt rendu dans l’affaire Total Raffinage Marketing/Commission (T‑566/08)

11.

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 décembre 2008, la requérante a introduit un recours articulant un total de neuf moyens. Les sept premiers moyens étaient invoqués à l’appui de ses conclusions tendant à l’annulation de la décision litigieuse en ce qu’elle la concerne et visaient, en substance, à faire valoir que le comportement infractionnel de sa filiale, Total France, ne pouvait lui être imputé. Les deux derniers moyens étaient, quant à eux, soulevés à l’appui des conclusions formulées à titre subsidiaire et tendant à la suppression ou à la réduction de l’amende qui avait été infligée à la requérante.

12.

Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté l’ensemble des moyens avancés et, partant, a rejeté le recours dans son ensemble. S’agissant, en particulier, de la demande tendant à la réformation du montant de l’amende, le Tribunal a retenu, au point 224 de l’arrêt attaqué, la conclusion suivante:

«S’agissant de l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, le Tribunal conclut que la requérante n’a démontré aucune erreur ou irrégularité dans la décision [litigieuse] qui justifierait la suppression de l’amende qui lui a été infligée ou la réduction du montant de celle‑ci. Il estime également que, au regard de toutes les circonstances de l’espèce, en particulier de la gravité et de la durée de l’infraction commise par la requérante, le montant de l’amende infligée à cette dernière est approprié.»

13.

Dans l’arrêt attaqué, rendu le même jour dans l’affaire Total Raffinage Marketing/Commission (T‑566/08, EU:T:2013:423), le Tribunal a rejeté tous les moyens, à l’exception du huitième, qui était tiré de l’illégalité de la méthode de calcul consacrée au paragraphe 24 des lignes directrices de 2006. Le Tribunal a considéré que la Commission avait, lors de la détermination du coefficient multiplicateur reflétant la durée de la participation de Total France à l’infraction, violé les principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, en assimilant une période de participation de 7 mois et 28 jours (pour les cires de paraffine) et une période de participation de 6 mois et 12 jours (pour le «gatsch») à une participation d’une année entière. En conséquence, le Tribunal a fait passer le montant total de l’amende infligée à la requérante de 128163000 euros à 125459842 euros.

IV – La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

14.

Par son pourvoi, Total conclut à ce qu’il plaise à la Cour:

à titre principal:

annuler l’arrêt attaqué;

faire droit à ses conclusions présentées en première instance devant le Tribunal, et

en conséquence, annuler la décision litigieuse en ce qu’elle concerne Total;

à titre subsidiaire, réduire, dans l’exercice de son pouvoir de réformation, le montant de l’amende qui lui a été infligée, et

en tout état de cause, condamner la Commission aux entiers dépens, y compris à ceux encourus devant le Tribunal.

15.

La Commission conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens, y compris à ceux encourus devant le Tribunal.

16.

Les parties ont exposé leurs positions respectives par écrit et oralement lors de l’audience du 15 janvier 2015.

V – Analyse du pourvoi

17.

Le pourvoi repose, à titre principal, sur trois moyens d’annulation et, à titre subsidiaire, sur trois moyens tendant à la réformation du montant de l’amende infligée à Total.

18.

La Commission est d’avis que plusieurs des moyens avancés sont irrecevables et que, en tout état de cause, aucun desdits moyens n’est fondé.

19.

Force est de constater que certains moyens se recoupent largement et qu’il doit donc être envisagé de regrouper l’examen de certains d’entre eux.

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