Opinion of Advocate General Wahl delivered on 20 June 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:474
Celex Number62017CC0256
CourtCourt of Justice (European Union)
Date20 June 2018

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 20 juin 2018 (1)

Affaire C‑256/17

Sandd BV

contre

Autoriteit Consument en Markt

en présence de :

Koninklijke PostNL BV

[demande de décision préjudicielle formée par le rechtbank Rotterdam (tribunal de Rotterdam, Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Libre prestation des services – Services postaux – Prestataire du service universel – Principes tarifaires et transparence des comptes – Obligation pour le prestataire du service universel de tenir des comptes séparés pour chacun des services relevant de l’obligation de service universel – Orientation des tarifs postaux en fonction des coûts — Rendement raisonnable »






1. Quel degré ou quel type de contrôle des prestataires du service postal universel le droit de l’Union exige-t-il ? Tel est l’objet essentiel des questions posées par le rechtbank Rotterdam (tribunal de Rotterdam, Pays-Bas).

2. Le gouvernement néerlandais préconise un degré de contrôle plutôt faible. Au contraire, le gouvernement polonais plaide en faveur d’un degré de contrôle élevé. Les réponses proposées par les gouvernements espagnol et italien semblent représenter des positions intermédiaires. Tous ces gouvernements fondent leurs observations sur le libellé de la directive 97/67/CE concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (2).

3. Considérées d’un point de vue national, toutes ces positions sont correctes.

4. Dans les présentes conclusions, je soutiens que les exigences que le droit de l’Union impose aux États membres dépendent intrinsèquement de la forme et de la portée de l’obligation de service universel définie par chacun d’entre eux. De plus, lorsqu’il a rédigé la directive 97/67 et l’a modifiée à plusieurs reprises, le législateur de l’Union a sciemment décidé de ne pas harmoniser certains aspects de la prestation de services postaux, en raison des spécificités nationales existantes.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

5. La directive 97/67 a été adoptée en vue de l’ouverture progressive du marché des services postaux à la concurrence. Depuis lors, elle a été modifiée de façon substantielle à deux reprises, à savoir par la directive 2002/39/CE (3) et par la directive 2008/6/CE (4).

1. La directive 97/67 (modifiée)

6. L’article 3 de la directive 97/67 met en place le service postal universel :

« 1. Les États membres veillent à ce que les utilisateurs jouissent du droit à un service universel qui correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs.

[…]

4. Chaque État membre adopte les mesures nécessaires pour que le service universel comprenne au minimum les prestations suivantes :

– la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à 2 kilogrammes,

– la levée, le tri, le transport et la distribution des colis postaux jusqu’à 10 kilogrammes,

– les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée.

[…] »

7. L’article 7, relatif au financement des services universels, est libellé comme suit :

« 1. Les États membres n’accordent pas ou ne maintiennent pas en vigueur de droits exclusifs ou spéciaux pour la mise en place et la prestation de services postaux. Les États membres peuvent financer la prestation de services universels par un ou plusieurs des moyens prévus aux paragraphes 2, 3 et 4 ou par tout autre moyen compatible avec le traité.

2. Les États membres peuvent garantir la prestation des services universels en les confiant en sous-traitance dans le respect de la réglementation applicable à la passation de marchés publics, y compris en recourant au dialogue compétitif ou aux procédures négociées avec ou sans publication d’un avis de marché […].

3. Lorsqu’un État membre détermine que les obligations de service universel prévues par la présente directive font supporter un coût net […] et constituent une charge financière inéquitable pour le ou les prestataires du service universel, il peut introduire :

a) un mécanisme de dédommagement des entreprises concernées par des fonds publics ; ou

b) un mécanisme de répartition du coût net des obligations de service universel entre les prestataires de services et/ou les utilisateurs.

4. Lorsque le coût net est partagé conformément au paragraphe 3, point b), les États membres peuvent mettre en place un fonds de compensation […]. »

8. L’article 12 de la directive 97/67 prévoit ce qui suit :

« Les États membres prennent des mesures pour que les tarifs de chacun des services faisant partie du service universel soient conformes aux principes suivants :

– les prix sont abordables et doivent être tels que tous les utilisateurs, [quel] que soit le lieu géographique et compte tenu des conditions nationales spécifiques, aient accès aux services offerts. Les États membres peuvent maintenir ou introduire la prestation de services postaux gratuits destinés aux personnes aveugles et malvoyantes,

– les prix sont orientés sur les coûts et fournissent des incitations à une prestation efficace du service universel. Lorsque des raisons liées à l’intérêt public l’imposent, les États membres peuvent décider qu’un tarif uniforme est appliqué sur l’ensemble de leur territoire national et/ou au courrier transfrontière pour des services prestés au tarif unitaire et pour d’autres envois postaux,

– l’application d’un tarif uniforme n’exclut pas le droit pour le ou les prestataires du service universel de conclure des accords tarifaires individuels avec les utilisateurs,

– les tarifs sont transparents et non discriminatoires,

– lorsqu’ils appliquent des tarifs spéciaux, par exemple pour les services aux entreprises, aux expéditeurs d’envois en nombre ou aux intermédiaires chargés de grouper les envois de plusieurs utilisateurs, les prestataires du service universel respectent les principes de transparence et de non-discrimination en ce qui concerne tant les tarifs proprement dits que les conditions qui s’y rapportent. […] »

9. L’article 14 dispose :

« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que la comptabilité des prestataires du service universel réponde aux dispositions du présent article.

2. Le ou les prestataires du service universel tiennent dans leur comptabilité interne des comptes séparés pour établir une nette distinction entre, d’une part, les services et produits qui font partie du service universel et, d’autre part, les services et produits qui n’en font pas partie. Cette distinction est prise en compte lorsque les États membres calculent le coût net du service universel. Cette comptabilité interne se fonde sur l’application cohérente des principes de la comptabilité analytique, qui peuvent être objectivement justifiés.

3. Sans préjudice du paragraphe 4, la comptabilité visée au paragraphe 2 répartit les coûts comme suit :

a) les coûts qui peuvent être directement affectés à un service ou un produit particulier le sont ;

b) les coûts communs, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent pas être directement affectés à un service ou un produit particulier, sont répartis comme suit :

i) chaque fois que cela est possible, les coûts communs sont répartis sur la base d’une analyse directe de l’origine des coûts eux-mêmes ;

ii) lorsqu’une analyse directe n’est pas possible, les catégories de coûts communs sont affectées sur la base d’un rapport indirect à une autre catégorie de coûts ou à un autre groupe de catégories de coûts pour lesquels une affectation ou imputation directe est possible ; le rapport indirect est fondé sur des structures de coût comparables ;

iii) lorsqu’il n’y a pas moyen de procéder à une imputation directe ou indirecte, la catégorie de coûts est imputée sur la base d’un facteur de répartition général calculé en établissant le rapport entre, d’une part, toutes les dépenses directement ou indirectement affectées ou imputées à chacun des services universels et, d’autre part, toutes les dépenses directement ou indirectement affectées ou imputées aux autres services ;

iv) les coûts communs nécessaires pour assurer à la fois les services universels et non universels sont imputés de la manière qu’il convient ; les mêmes facteurs de coût sont appliqués aux services tant universels que non universels.

4. D’autres systèmes de comptabilité analytique ne peuvent être appliqués que s’ils sont compatibles avec les dispositions du paragraphe 2 et s’ils ont été approuvés par l’autorité réglementaire nationale. La Commission est informée avant l’application de ces autres systèmes.

5. Les autorités réglementaires nationales veillent à ce que la conformité avec l’un des systèmes de comptabilité analytique décrits aux paragraphes 3 ou 4 soit vérifiée par un organe compétent indépendant du prestataire du service universel. Les États membres veillent à ce qu’une déclaration de conformité soit publiée périodiquement.

[…]

7. Sur demande, les informations comptables détaillées découlant de ces systèmes sont fournies à l’autorité réglementaire nationale et à la Commission de manière confidentielle.

8. Lorsqu’un État membre n’a pas eu recours à un mécanisme de financement pour la prestation du service universel, comme le permet l’article 7, et si l’autorité réglementaire nationale est convaincue qu’aucun des prestataires du service universel désignés dans cet État membre ne reçoit d’aide publique sous une forme déguisée ou autre et que la concurrence joue pleinement sur le marché, l’autorité réglementaire nationale peut décider de ne pas appliquer les exigences du présent article.

[…] »

10. L’article 22, paragraphe 3, prévoit notamment que :

« Les États membres veillent à ce qu’il existe au niveau national des mécanismes efficaces permettant à tout utilisateur ou à tout prestataire de services postaux affecté par une décision prise par une autorité réglementaire nationale d’introduire un...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT