Opinion of Advocate General Kokott delivered on 8 September 2016.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2016:665
Date08 September 2016
Celex Number62015CC0444
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-444/15
62015CC0444

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 8 septembre 2016 ( 1 )

Affaire C‑444/15

Associazione Italia Nostra Onlus

contre

Comune di Venezia e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale per il Veneto (tribunal administratif régional pour la Vénétie, Italie)]

«Environnement — Incidences sur l’environnement de certains plans et programmes — Niveau élevé de protection de l’environnement visé à l’article 191 TFUE et à l’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne — Nécessité d’une évaluation environnementale en vertu de la directive 2001/42/CE lorsqu’une évaluation des incidences est requise en vertu de la directive 92/43/CEE — Interprétation de la notion de “petites zones au niveau local”»

I – Introduction

1.

Le présent renvoi préjudiciel a pour objet de préciser le champ d’application de la directive 2001/42/CE relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement ( 2 ). Il donne également à la Cour l’occasion de se prononcer à nouveau, après un certain temps, sur le niveau de protection élevé qu’ambitionne la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement.

2.

Le litige dans l’affaire au principal porte sur un projet de construction dans la lagune de Venise (Italie). Si une évaluation des incidences de ce projet a bien été réalisée en vertu de la directive 92/43/CEE ( 3 ), l’administration italienne a cependant décidé, dans le cadre d’un examen préalable, qu’une évaluation stratégique des incidences sur l’environnement en vertu de la directive ESIE n’était pas nécessaire, estimant que seule une petite zone au niveau local serait concernée et que le projet ne serait pas susceptible d’avoir des incidences notables sur l’environnement. La directive ESIE prévoit dans un tel cas qu’il ne faut pas réaliser d’évaluation stratégique des incidences sur l’environnement.

3.

La juridiction de renvoi se demande d’abord si cette exception à l’obligation de réaliser une évaluation stratégique des incidences sur l’environnement est conforme au niveau élevé de protection de l’environnement requis par le droit de l’Union, ce qui soulève des questions intéressantes notamment, sur le contrôle juridictionnel de cet objectif de la politique de l’Union concernée.

4.

À titre subsidiaire, la juridiction de renvoi sollicite une interprétation des conditions auxquelles la directive ESIE dispense certains plans et programmes d’une évaluation stratégique complète des incidences sur l’environnement, alors que lesdits plans et programmes requièrent une évaluation en vertu de la directive « habitats ». Il s’agit ici avant tout de savoir ce que l’on entend par « petite zone au niveau local ».

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

1. Le droit primaire

5.

L’article 191, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ( 4 ) pose les principes de la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement :

« La politique de l’Union dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de l’Union. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur. »

6.

L’article 3, paragraphe 3, deuxième phrase, du traité sur l’Union européenne ( 5 ) vise un objectif similaire dans la protection de l’environnement :

« [L’Union] œuvre pour le développement durable de l’Europe fondé sur une croissance économique équilibrée et sur la stabilité des prix, une économie sociale de marché hautement compétitive, qui tend au plein emploi et au progrès social, et un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement. »

7.

L’article 37 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 6 ) prévoit également à l’égard de la politique de l’environnement :

« Un niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable. »

2. La directive « habitats »

8.

L’article 6, paragraphe 3, de la directive « habitats » prévoit une évaluation des incidences de certains plans et projets sur les sites européens protégés :

« Tout plan ou projet non directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site. Compte tenu des conclusions de l’évaluation des incidences sur le site et sous réserve des dispositions du paragraphe 4, les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public. »

3. La directive ESIE

9.

Le considérant 10 de la directive ESIE se réfère à la relation qu’entretient cette dernière avec la directive « habitats » :

« L’ensemble des plans et des programmes […] pour lesquels une évaluation a été estimée nécessaire conformément à la directive [“habitats”] sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement et devraient, en règle générale, être soumis à une évaluation environnementale systématique ; lorsqu’ils définissent l’utilisation de zones limitées au niveau local ou sont des modifications mineures des plans ou des programmes susmentionnés, ils devraient uniquement être évalués lorsque les États membres établissent qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement. »

10.

Conformément à son article 1er, la directive ESIE a pour objet d’assurer que (certains) plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient soumis à une évaluation environnementale durant leur élaboration et avant leur adoption. Elle fixe les exigences minimales relatives à l’élaboration du rapport, la réalisation de consultations, la prise en compte des résultats de l’évaluation environnementale ainsi que la communication de la décision prise après évaluation.

11.

Dans l’esprit de son considérant 10, la directive ESIE définit en son article 3 le champ d’application de l’évaluation environnementale stratégique :

« 1.

Une évaluation environnementale est effectuée, conformément aux articles 4 à 9, pour les plans et programmes visés aux paragraphes 2, 3 et 4 susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

2.

Sous réserve du paragraphe 3, une évaluation environnementale est effectuée pour tous les plans et programmes :

[…]

b)

pour lesquels, étant donné les incidences qu’ils sont susceptibles d’avoir sur des sites, une évaluation est requise en vertu des articles 6 et 7 de la directive 92/43/CEE.

3.

Les plans et programmes visés au paragraphe 2 qui déterminent l’utilisation de petites zones au niveau local […] ne sont obligatoirement soumis à une évaluation environnementale que lorsque les États membres établissent qu’ils sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

[…]

5.

Les États membres déterminent si les plans ou programmes visés aux paragraphes 3 et 4 sont susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement, soit en procédant à un examen au cas par cas, soit en déterminant des types de plans et programmes ou en combinant ces deux approches. À cette fin, les États membres tiennent compte, en tout état de cause, des critères pertinents fixés à l’annexe II, afin de faire en sorte que les plans et programmes susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement soient couverts par la présente directive.

[…] »

12.

L’annexe II énumère les critères permettant de déterminer l’ampleur probable des incidences visées à l’article 3, paragraphe 5, de la directive ESIE.

B – Le droit italien

13.

La République italienne a transposé la directive ESIE dans son ordre juridique interne par le decreto legislativo no 152 (décret législatif no 152), du 3 avril 2006. La réglementation nationale reflète le texte de la directive ; elle ne comporte en particulier pas davantage de définition de la notion de « petites zones au niveau local ». La jurisprudence nationale a défini des seuils à cet égard, sur la base de la superficie du projet, à savoir 40 ha en principe pour les projets de développement de zones urbaines, mais dix ha pour les projets s’inscrivant à l’intérieur de zones urbaines existantes.

III – Le litige au principal et la demande de décision préjudicielle

14.

La procédure au principal porte sur un projet de construction dans la lagune de Venise, sur la pointe sud, dénommée Ca’ Roman, de l’île Pellestrina. La Società Ca’ Roman Srl projette de construire 42 bâtiments au total sur une superficie de trois ha. Dans le voisinage immédiat se trouvent des sites faisant partie du réseau écologique Natura 2000, qui sont protégés pour avoir été désignés comme zone de protection spéciale pour la conservation des oiseaux sauvages au sens de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7) ou en tant que site d’importance communautaire pour la protection des habitats naturels ainsi que de la flore et de la faune sauvages au sens...

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