Ministre de l'Économie et des Finances v Gérard de Ruyter.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2307
Docket NumberC-623/13
Celex Number62013CC0623
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date21 October 2014
62013CC0623

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 21 octobre 2014 ( 1 )

Affaire C‑623/13

Ministre de l’Économie et des Finances

contre

Gérard de Ruyter

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

«Sécurité sociale — Règlement (CEE) no 1408/71 — Champ d’application matériel — Revenus du patrimoine — Lien direct et suffisamment pertinent entre des contributions et les lois qui régissent les branches de sécurité sociale énumérées à l’article 4 du règlement no 1408/71»

1.

La présente demande de décision préjudicielle, qui émane du Conseil d’État (France), concerne le point de savoir si le règlement (CEE) no 1408/71 ( 2 ) s’applique à des contributions qui sont perçues sur les revenus du patrimoine et qui sont ensuite spécifiquement affectées au financement de la sécurité sociale. La réponse à cette question dépend de l’interprétation de l’article 4 de ce règlement, qui énumère les branches de sécurité sociale relevant de son champ d’application matériel.

2.

Dans deux arrêts rendus en 2000 ( 3 ), la Cour a déjà jugé en substance que la contribution sociale généralisée (ci-après la «CSG») et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (ci-après la «CRDS») perçues par la République française sur les revenus d’activité et de remplacement ( 4 ) ont un lien direct et suffisamment pertinent avec les lois qui régissent les branches de sécurité sociale énumérées à l’article 4, si bien qu’elles relèvent du champ d’application matériel du règlement no 1408/71. Il en était ainsi parce que, contrairement aux prélèvements destinés à pourvoir aux charges générales des pouvoirs publics, ces contributions avaient pour objet spécifique et direct de financer la sécurité sociale en France ou d’apurer les déficits du régime général de sécurité sociale français ( 5 ). Par conséquent, le prélèvement de telles contributions sur les revenus d’activité et de remplacement des travailleurs qui résidaient en France, mais qui étaient soumis à la législation de sécurité sociale d’un autre État membre (en général parce qu’ils exerçaient une activité professionnelle dans ce dernier État), a été jugé incompatible tant avec l’interdiction du cumul des législations applicables en matière de sécurité sociale, consacrée à l’article 13, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, qu’avec la libre circulation des travailleurs et la liberté d’établissement garanties par le traité.

3.

La juridiction de renvoi demande en substance si ce raisonnement s’applique également à des charges de nature similaire qui sont perçues par la République française sur les revenus du patrimoine et non sur les revenus d’activité ou de remplacement. L’objectif du règlement no 1408/71 consistant à assurer la libre circulation des travailleurs salariés et non salariés dans l’Union européenne implique-t-il que le champ d’application de ce règlement est limité aux charges prélevées sur les revenus liés à l’exercice d’une activité professionnelle?

4.

Le litige tire son origine du fait que M. de Ruyter, un ressortissant néerlandais ayant sa résidence fiscale en France, s’oppose au paiement de la CSG, de la CRDS et d’autres contributions sociales spécifiquement affectées au financement de la sécurité sociale que cet État membre lui réclame sur les revenus découlant de certains contrats de rente viagère qu’il a conclus aux Pays-Bas (ci‑après les «rentes viagères») et qui ne sont pas liés à son activité professionnelle. Il soutient que, en sa qualité de travailleur salarié aux Pays-Bas, il relève exclusivement de la législation de sécurité sociale de cet État membre.

Le cadre juridique

Le droit de l’Union

5.

Se fondant notamment sur l’article 51 du traité CEE (devenu article 48 TFUE), le Conseil de l’Union européenne a adopté le règlement no 1408/71 qui a pour but de coordonner les législations de sécurité sociale des États membres et, partant, de réduire autant que possible les entraves constituées par ces législations à la libre circulation de tous les travailleurs, salariés ou non salariés. Le préambule du règlement no 1408/71 énonce en particulier:

«[…]

[…] les règles de coordination des législations nationales de sécurité sociale s’inscrivent dans le cadre de la libre circulation des personnes et doivent contribuer à l’amélioration de leur niveau de vie et des conditions de leur emploi [premier considérant];

[…]

[…] il convient de respecter les caractéristiques propres aux législations nationales de sécurité sociale et d’élaborer uniquement un système de coordination [quatrième considérant];

[…] il convient, dans le cadre de cette coordination, de garantir à l’intérieur de la Communauté aux travailleurs ressortissants des États membres […] l’égalité de traitement au regard des différentes législations nationales [cinquième considérant];

[…] les règles de coordination doivent assurer aux travailleurs qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté […] le maintien des droits et des avantages acquis et en cours d’acquisition [sixième considérant];

[…]

[…] il convient de soumettre les travailleurs salariés et non salariés qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté au régime de la sécurité sociale d’un seul État membre, de sorte que les cumuls de législations nationales applicables et les complications qui peuvent en résulter soient évités [huitième considérant];

[…]

[…] en vue de garantir le mieux l’égalité de traitement de tous les travailleurs occupés sur le territoire d’un État membre, il est approprié de déterminer comme législation applicable, en règle générale, la législation de l’État membre sur le territoire duquel l’intéressé exerce son activité salariée ou non salariée [dixième considérant];

[…]»

6.

L’article 1er, sous a), du règlement no 1408/71 définit l’expression «travailleur salarié» comme s’entendant, notamment, de «toute personne qui est assurée au titre d’une assurance obligatoire ou facultative continuée contre une ou plusieurs éventualités correspondant aux branches d’un régime de sécurité sociale s’appliquant aux travailleurs salariés ou non salariés ou par un régime spécial des fonctionnaires».

7.

Aux termes de l’article 1er, sous j), du règlement no 1408/71, le terme «législation» désigne, «pour chaque État membre, les lois, les règlements, les dispositions statutaires et toutes les autres mesures d’application, existants ou futurs, qui concernent les branches et les régimes de sécurité sociale visés à l’article 4 paragraphes 1 et 2 ou les prestations spéciales à caractère non contributif visées à l’article 4 paragraphe 2 bis».

8.

L’article 2, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 définit les personnes auxquelles il s’applique, à savoir les «travailleurs salariés ou non salariés et [les] étudiants qui sont ou ont été soumis à la législation d’un ou de plusieurs États membres et qui sont des ressortissants de l’un des États membres ou bien des apatrides ou des réfugiés résidant sur le territoire d’un des États membres ainsi [que les] membres de leur famille et […] leurs survivants».

9.

L’article 4 du règlement no 1408/71, intitulé «Champ d’application matériel», dispose:

«1. Le présent règlement s’applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent:

a)

les prestations de maladie et de maternité;

b)

les prestations d’invalidité, y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain;

c)

les prestations de vieillesse;

d)

les prestations de survivants;

e)

les prestations d’accident du travail et de maladie professionnelle;

f)

les allocations de décès;

g)

les prestations de chômage;

h)

les prestations familiales.

2. Le présent règlement s’applique aux régimes de sécurité sociale généraux et spéciaux, contributifs et non contributifs, ainsi qu’aux régimes relatifs aux obligations de l’employeur ou de l’armateur concernant les prestations visées au paragraphe 1.

[…]»

10.

Aux termes de l’article 13 du règlement no 1408/71, qui relève du titre II («Détermination de la législation applicable»):

«1. Sous réserve des articles 14 quater et 14 septies, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu’à la législation d’un seul État membre. Cette législation est déterminée conformément aux dispositions du présent titre.

2. Sous réserve des articles 14 à 17:

a)

la personne qui exerce une activité salariée sur le territoire d’un État membre est soumise à la législation de cet État, même si elle réside sur le territoire d’un autre État membre ou si l’entreprise ou l’employeur qui l’occupe a son siège ou son domicile sur le territoire d’un autre État membre;

[…]» ( 6 ).

Le droit français

11.

En vertu de l’article 1600‑0 C du code général des impôts, les personnes physiques fiscalement résidentes en France sont assujetties à la CSG, qui est assise sur le montant net retenu pour l’établissement de l’impôt sur le revenu afférent aux revenus du patrimoine énumérés à cet article ( 7 ). La CSG est perçue en particulier sur les revenus fonciers, les rentes viagères constituées à titre onéreux ( 8 ), les revenus de capitaux mobiliers et certaines plus-values (article L. 136‑6 du code de la sécurité sociale).

12.

En vertu des articles 1600‑0 G et 1600‑0 H du code général des impôts, qui doivent eux aussi être lus en combinaison avec l’article L. 136‑6 du code de la sécurité sociale, ces personnes sont également assujetties à la CRDS, qui est assise sur les mêmes revenus.

13.

Enfin, en vertu...

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