Ministero dell'Ambiente e della Tutela del Territorio e del Mare and Others v Fipa Group Srl and Others.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2393
Docket NumberC-534/13
Celex Number62013CC0534
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date20 November 2014
62013CC0534

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 20 novembre 2014 ( 1 )

Affaire C‑534/13

Fipa Group Srl e.a.

[demande de décision préjudicielle formée par le Consiglio di Stato (Italie)]

«Article 191, paragraphe 2, TFUE — Directive 2004/35/CE — Responsabilité environnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages environnementaux — Principe du pollueur-payeur — Responsabilité du propriétaire qui n’est pas à l’origine du dommage environnemental»

I – Introduction

1.

La ville italienne de Carrare (Carrara) est connue pour son marbre. D’autres activités industrielles également se sont implantées autrefois à proximité de la ville, laissant derrière elles d’importantes pollutions, en tout cas sur le territoire de la ville voisine de Massa Carrara, ce qui a justifié l’établissement d’un «site d’intérêt national». Les terrains concernés ayant entre-temps changé de propriétaires, leurs actuels propriétaires, qui ne sont pas à l’origine des contaminations, s’opposent à l’administration italienne sur la question de leur mise à contribution aux fins de la réhabilitation desdits terrains.

2.

Selon les indications du Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie), le droit italien prévoit uniquement que les propriétaires de tels terrains peuvent être tenus d’assumer les coûts de la réhabilitation dans les limites de la valeur des terrains. En revanche, ils n’ont selon le droit italien aucune obligation de prendre eux‑mêmes de telles mesures ou d’assumer des coûts de réhabilitation supérieurs. Le Consiglio di Stato demande donc à la Cour si les principes énoncés à l’article 191, paragraphe 2, TFUE, à savoir le principe du pollueur-payeur, les principes de précaution et d’action préventive et le principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement, ainsi que la directive 2004/35/CE ( 2 ) exigent que ces propriétaires soient davantage mis à contribution.

II – Cadre juridique

A – Droit de l’Union

3.

Les principes de la politique environnementale de l’Union, en particulier le principe du pollueur-payeur, sont établis à l’article 191, paragraphe 2, TFUE:

«La politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d’action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur.

[…]»

4.

Ainsi que le souligne son article 1er, la directive sur la responsabilité environnementale s’attache en particulier à mettre en œuvre ce principe du pollueur-payeur:

«La présente directive a pour objet d’établir un cadre de responsabilité environnementale fondé sur le principe du ‘pollueur-payeur’, en vue de prévenir et de réparer les dommages environnementaux.»

5.

Le considérant 13 de la directive sur la responsabilité environnementale montre toutefois les limites de ce principe:

«Toutes les formes de dommages environnementaux ne peuvent être réparées dans le cadre d’un régime de responsabilité. Pour que ce dernier fonctionne, il faut un ou plusieurs pollueurs identifiables, le dommage devrait être concret et quantifiable, et un lien de causalité devrait être établi entre le dommage et le ou les pollueurs identifiés. La responsabilité ne constitue pas de ce fait un instrument approprié face à la pollution à caractère étendu et diffus, pour laquelle il est impossible d’établir un lien entre les incidences environnementales négatives et l’acte ou l’omission de certains acteurs individuels.»

6.

L’article 8, paragraphe 3, de la directive sur la responsabilité environnementale limite dans certains cas la responsabilité financière des opérateurs:

«Un exploitant n’est pas tenu de supporter le coût des actions de prévention ou de réparation entreprises en application de la présente directive lorsqu’il est en mesure de prouver que le dommage en question ou la menace imminente de sa survenance:

a)

est le fait d’un tiers, en dépit de mesures de sécurité appropriées;

b)

résulte du respect d’un ordre ou d’une instruction émanant d’une autorité publique autre qu’un ordre ou une instruction consécutifs à une émission ou à un incident causés par les propres activités de l’exploitant.

Dans ces cas, les États membres prennent les mesures qui s’imposent pour permettre à l’exploitant de recouvrer les coûts encourus.»

7.

L’article 16, paragraphe 1, de la directive sur la responsabilité environnementale autorise les États membres à adopter certaines dispositions allant au-delà de ce que prévoit la directive:

«La présente directive ne fait pas obstacle au maintien ou à l’adoption par les États membres de dispositions plus strictes concernant la prévention et la réparation des dommages environnementaux, notamment l’identification d’autres activités en vue de leur assujettissement aux exigences de la présente directive en matière de prévention et de réparation, ainsi que l’identification d’autres parties responsables.»

8.

Enfin, la décision de renvoi fait référence au considérant 24, qui concerne la transposition de la directive sur la responsabilité environnementale:

«Il est nécessaire de garantir l’existence de moyens efficaces de mise en œuvre et d’exécution, tout en assurant une protection adéquate des intérêts légitimes des exploitants concernés ainsi que des autres parties intéressées. Il convient que les autorités compétentes soient responsables de tâches spécifiques pour lesquelles elles disposeraient d’un pouvoir discrétionnaire approprié de l’administration, notamment pour ce qui est d’évaluer l’importance des dommages et de déterminer les mesures de réparation à prendre.»

B – Droit italien

9.

L’article 3 ter du Decreto legislativo no 152 du 3 avril 2006 (ci-après le «Decreto legislativo») renvoie expressément à la version antérieure de l’article 191, paragraphe 2, TFUE, à savoir l’article 174, paragraphe 2, du traité sur l’Union européenne – ce qui correspond vraisemblablement au traité instituant la Communauté européenne. Cette disposition oblige toutes les personnes physiques ainsi que les entités publiques et privées à protéger l’environnement par des mesures appropriées axées sur les principes de précaution et d’action préventive, le principe de correction, par priorité à la source, des atteintes à l’environnement et sur le principe du pollueur-payeur.

10.

L’article 244, paragraphes 1 et 2, du Decreto legislativo prévoit que les autorités compétentes, après avoir découvert la contamination d’un site, adressent une mise en demeure au responsable. Selon le paragraphe 3, celle-ci est également notifiée au propriétaire du site. Conformément au paragraphe 4, les autorités compétentes prennent les mesures nécessaires pour la sécurisation et la réhabilitation du site, si le responsable n’est pas identifiable et que ni le propriétaire du site ni une autre personne intéressée n’y procèdent.

11.

L’article 245, paragraphe 1, du Decreto legislativo autorise le propriétaire et les autres intéressés à prendre les mesures nécessaires à la sécurisation et à la restauration du site. En vertu du paragraphe 2, le propriétaire ou le gestionnaire du terrain sont tenus, indépendamment des obligations du responsable de la pollution, d’informer les autorités compétentes et de prendre certaines mesures de prévention, lorsqu’ils constatent un risque de dépassement des valeurs de concentration seuils de contamination.

12.

Conformément à l’article 250 du Decreto legislativo, les autorités compétentes prennent les mesures nécessaires si le responsable n’agit pas ou n’est pas identifiable et que ni le propriétaire et ni d’autres personnes intéressées n’interviennent.

13.

En vertu de l’article 253, paragraphe 1, du Decreto legislativo, les interventions visées par ce titre sont des charges réelles («oneri reali») portant sur les terrains. Selon le paragraphe 2, les frais engagés au titre de ces interventions sont assortis d’un privilège immobilier spécial («privilegio speciale immobiliare») sur les terrains. Lorsque la récupération des frais est demandée au propriétaire du site, lequel est étranger à la pollution, il y a lieu notamment, conformément au paragraphe 3, de justifier de l’impossibilité d’identifier le responsable ou d’engager une action récursoire contre ce dernier. Il ressort du paragraphe 4 que ces frais ne peuvent être réclamés au propriétaire que dans les limites de la valeur marchande du terrain après réhabilitation.

III – Le litige au principal et la décision de renvoi

14.

Fipa Group Srl, TWS Automation Srl et Ivan Srl (ci-après «Ivan») ont acquis des terrains qui étaient auparavant propriété du groupe Montedison. Ces terrains se trouvent sur le site d’intérêt national «Massa Carrara» et ont subi une importante pollution dont il est constant qu’elle n’a pas été causée par les trois premières sociétés citées. Il semble plutôt s’agir des suites de contaminations dont le groupe Montedison était responsable et ayant fait l’objet, dès la fin du siècle dernier, de mesures de réhabilitation.

15.

Les autorités publiques compétentes, par un décret du 7 novembre 2011, ont, selon les indications des parties au principal, demandé auxdites sociétés, en leur qualité de propriétaires des terrains concernés, de prendre un certain nombre de mesures de sécurisation d’urgence et exigé la présentation d’une version modifiée du projet de réhabilitation (datant de 1995). Dans cette décision, Montedison Srl (désormais Edison SpA, ci-après...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT