Merck KGaA v Merck & Co. Inc. and Others.
Jurisdiction | European Union |
ECLI | ECLI:EU:C:2017:330 |
Date | 03 May 2017 |
Celex Number | 62016CC0231 |
Court | Court of Justice (European Union) |
Procedure Type | Reference for a preliminary ruling |
Docket Number | C-231/16 |
CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL
M. MACIEJ SZPUNAR
présentées le 3 mai 2017 ( 1 )
Affaire C‑231/16
Merck KGaA
contre
Merck & Co. Inc.,
Merck Sharp & Dohme Corp,
MSD Sharp & Dohme GmbH
[demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne)]
« Renvoi préjudiciel – Marque de l’Union européenne – Règlement (CE) no 207/2009 – Lis pendens – Article 109, paragraphe 1 – Actions simultanées sur la base d’une marque de l’Union européenne et d’une marque nationale – Notion de “mêmes parties” – Sociétés économiquement liées utilisant la même marque – Notion de “mêmes faits” – Utilisation du nom “Merck” sur les sites Internet et sur des plateformes en ligne – Action fondée sur une marque nationale suivie d’une action fondée sur une marque de l’Union européenne – Incompétence partielle de la juridiction saisie en second lieu en ce qui concerne une partie du territoire de l’Union »
Introduction
1. |
La demande de décision préjudicielle dans la présente affaire offre pour la première fois à la Cour l’opportunité d’interpréter la règle de litispendance visée à l’article 109, paragraphe 1, du règlement (CE) no 207/2009 ( 2 ), applicable dans le cas d’actions simultanées sur la base de marques de l’Union européenne et de marques nationales. |
2. |
Cette demande – qui ne constitue qu’un épisode de la bataille juridique que se livrent deux entreprises mondialement connues pour l’usage du nom « Merck » – a été présentée dans le cadre d’une action en contrefaçon formée par la société Merck KGaA devant une juridiction allemande, saisie en sa qualité de tribunal des marques de l’Union européenne. |
3. |
La société requérante vise à faire interdire aux trois défenderesses au principal – Merck & Co. Inc., Merck Sharp & Dohme Corp et MSD Sharp & Dohme GmbH – l’usage du terme « Merck », protégé par la marque de l’Union européenne, sur des sites Internet accessibles dans l’Union européenne ainsi que sur les plateformes en ligne Facebook, Twitter et Youtube. |
4. |
Au moment de la saisine de la juridiction allemande, une action était déjà pendante entre ces mêmes sociétés, à l’exception de l’une des sociétés défenderesses, devant une juridiction du Royaume-Uni . Ce recours parallèle vise, notamment, une action en contrefaçon en raison de l’usage sur Internet du terme « Merck » visé par les marques nationales. |
5. |
Le nœud du problème soulevé dans le cadre de la présente demande réside dans l’interprétation des conditions d’application de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 dans l’hypothèse où la juridiction première saisie est appelée à trancher, sur la base des marques nationales, le litige relatif à la contrefaçon sur le territoire d’un État membre, alors que la juridiction saisie en second lieu est un tribunal des marques de l’Union européenne jouissant de la compétence pour l’ensemble de l’Union. |
Le cadre juridique
6. |
L’article 109, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 dispose ce qui suit : « Lorsque des actions en contrefaçon sont formées pour les mêmes faits entre les mêmes parties devant des juridictions d’États membres différents saisies l’une sur la base d’une marque [de l’Union européenne] et l’autre sur la base d’une marque nationale :
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Le litige au principal
7. |
La requérante au principal est une société à la tête du groupe allemand Merck, qui exerce ses activités dans le secteur chimique et pharmaceutique ; son histoire remonte au 17e siècle. |
8. |
Les défenderesses au principal, deux sociétés américaines et la filiale allemande de l’une d’entre elles, appartiennent au groupe Merck & Co (Merck Sharp & Dohme), qui est l’une des plus grandes entreprises pharmaceutiques mondiales. Historiquement, ce groupe est issu de l’ancienne filiale américaine du groupe allemand Merck. Depuis l’année 1919, les deux groupes sont totalement distincts sur le plan économique. |
9. |
À la suite de cette scission, plusieurs accords de coexistence ont été conclus entre le groupe allemand et le groupe américain en ce qui concerne l’utilisation des marques qui protègent le nom « Merck ». L’accord du 1er janvier 1970 conclu entre la requérante au principal et Merck & Co en fait partie. |
10. |
La requérante au principal est titulaire de plusieurs marques protégeant ce nom, dont notamment des marques nationales protégées au Royaume-Uni, et la marque de l’Union européenne verbale « Merck », enregistrée pour des produits des classes 5, 9, 16, et des services de la classe 42 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié. |
11. |
Les défenderesses au principal exploitent plusieurs sites Internet utilisant le nom « Merck ». Dans le cadre de l’activité de ces sites Internet, la diffusion des informations n’a pas été ciblée géographiquement, les contenus étant donc accessibles sous la même forme dans le monde entier, et donc aussi dans l’ensemble de l’Union. Les défenderesses au principal ont également mis en place d’autres formes de présence sur Internet, à savoir sur les plateformes en ligne Facebook, Twitter et Youtube. |
12. |
Le 8 mars 2013, la requérante au principal a saisi la High Court of Justice (England and Wales), Chancery Division [Haute Cour de justice (Angleterre et pays de Galles), division de la Chancery, Royaume-Uni] d’un recours visant les deux premières défenderesses au principal ainsi que trois autres sociétés appartenant au même groupe. Ce recours vise, d’une part, la violation de l’accord du 1er janvier 1970 et, d’autre part, la contrefaçon des marques nationales et des marques internationales protégées au Royaume-Uni, en raison de l’utilisation par les défenderesses au principal du nom « Merck » sur Internet. |
13. |
Le 11 mars 2013, la requérante au principal a également saisi la juridiction de renvoi, le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg, Allemagne), d’une action en contrefaçon fondée sur la marque de l’Union européenne Merck, et visant les défenderesses au principal en raison de l’utilisation du nom « Merck » sur leurs sites Internet ainsi que sur les plateformes Facebook, Twitter et Youtube. |
14. |
Par mémoires du 11 novembre 2014 ainsi que des 12 mars, 10 septembre et 22 décembre 2015, la requérante au principal s’est désistée de son recours en ce qui concerne le territoire du Royaume-Uni. Ce désistement a été contesté par les défenderesses au principal. |
15. |
Les défenderesses au principal estiment que le recours pendant devant la juridiction de renvoi est irrecevable au vu de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009, à tout le moins dans la mesure où il concerne le moyen tiré de la contrefaçon de la marque de l’Union européenne de la requérante au principal dans toute l’Union. Le désistement partiel formulé par la requérante au principal serait sans incidence à cet égard. |
16. |
La requérante au principal soutient pour sa part que, dans la mesure où, dans la seconde procédure, elle fait valoir les droits qui lui sont conférés par la marque de l’Union européenne, valables pour toute l’Union, l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 n’est pas applicable et que, en tout état de cause, cette disposition n’est plus applicable en raison de son désistement partiel en ce qui concerne le territoire du Royaume-Uni. |
17. |
La juridiction de renvoi éprouve des doutes quant à l’interprétation de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 compte tenu des circonstances du cas d’espèce. Elle tend à penser que les deux procédures en cause coïncident et que le libellé de cette disposition ne permet pas de déclaration d’incompétence partielle, limitée à un seul État membre. En outre, elle s’interroge sur le choix entre l’application de l’article 109, paragraphe 1, sous a), du règlement no 207/2009 et l’application du paragraphe 1, sous b), de cet article, soulignant que la marque de l’Union européenne invoquée devant elle vise une liste de produits et de services plus large que celle de la marque nationale invoquée devant la juridiction du Royaume-Uni. |
Les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour
18. |
Dans ces conditions, le Landgericht Hamburg (tribunal régional de Hambourg) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
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