Robin John Feakins v The Scottish Ministers.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2014
Docket NumberC-335/13
Celex Number62013CC0335
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date19 June 2014
62013CC0335

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 19 juin 2014 ( 1 )

Affaire C‑335/13

Robin John Feakins

contre

The Scottish Ministers

[demande de décision préjudicielle formée par la Scottish Land Court (Royaume‑Uni)]

«Politique agricole commune — Règlement (CE) no 1782/2003 — Règlement (CE) no 795/2004 — Régime de paiement unique — Circonstances exceptionnelles — Réserve nationale — Cumul de droits»

I – Introduction

1.

Ainsi qu’en atteste une série d’affaires ( 2 ), l’année 2003 marque un tournant dans le régime des aides directes au revenu versées aux exploitants agricoles dans l’Union européenne. Les aides, qui étaient fonction de la production, ont alors été remplacées, pour l’essentiel, par le «paiement unique» dont le montant est indépendant de la production réelle de l’exploitation.

2.

Cependant, la production antérieure de l’exploitant était encore déterminante pour établir pour la première fois le montant du paiement unique auquel il pouvait prétendre au titre du nouveau régime: le paiement unique était en effet fondamentalement fonction du montant des aides qui avaient été perçues selon l’ancien régime, encore fondé sur la production, pendant la période de référence fixée, à savoir les années 2000 à 2002.

3.

Si la production avait été réduite pendant cette période pour quelque raison que ce soit, cela avait nécessairement des effets sur le montant du paiement unique. Ces conséquences devaient être compensées, en cas de circonstances exceptionnelles, par un régime permettant de modifier la période de référence.

4.

Le nouveau régime ouvrait en outre encore, sous certaines conditions, la possibilité de faire valoir des droits au paiement au titre d’une «réserve nationale».

5.

La présente affaire concerne un agriculteur qui n’a pas pu percevoir de prestations au titre de la réserve nationale parce qu’il avait déjà bénéficié du régime des circonstances exceptionnelles aux fins de modifier sa période de référence. Une règle particulière de la «valeur la plus élevée» empêche en effet le cumul de droits. Il conviendra ci-après de préciser l’interprétation de cette disposition et d’examiner sa validité.

II – Cadre juridique

6.

Le cadre juridique de cette affaire en droit de l’Union est formé par le règlement (CE) no 1782/2003 ( 3 ), abrogé dans l’intervalle, ainsi que par le règlement (CE) no 795/2004 ( 4 ), pris pour son application.

A – Le règlement de base

7.

L’essentiel du règlement de base est constitué par les dispositions instaurant le paiement unique. Celui-ci regroupe la plupart des aides au revenu proportionnelles à la production prévues jusqu’alors pour les exploitants agricoles.

8.

Son considérant 29 énonce:

«Pour établir le montant auquel un agriculteur doit pouvoir prétendre dans le cadre du nouveau régime, il convient de se référer aux montants qui lui ont été accordés au cours d’une période de référence. Une réserve nationale devrait être constituée en vue de tenir compte des situations particulières. Cette réserve peut être utilisée également pour faciliter la participation des nouveaux agriculteurs au régime. […]»

9.

En vertu de l’article 22 du règlement de base («Demandes d’aide»), l’agriculteur introduit chaque année une demande pour les paiements directs soumis au «système intégré», indiquant notamment toutes les parcelles agricoles de l’exploitation ainsi que le nombre et le montant des droits au paiement.

10.

Son article 37, paragraphe 1, stipule que le montant de l’aide est fixé sur la base d’un montant de référence. Ce montant de référence est la moyenne sur trois ans des montants totaux des paiements accordés à un agriculteur au titre des régimes de soutien au cours de chaque année civile de la période de référence.

11.

La période de référence est formée, en vertu de l’article 38 du règlement de base, par les années civiles 2000, 2001 et 2002.

12.

En vertu de l’article 40, tout agriculteur dont la production a été gravement affectée au cours de la période de référence par un cas de force majeure ou des circonstances exceptionnelles est habilité à demander que, par dérogation à l’article 37, le montant de référence soit calculé sur la base de l’année ou des années civiles de la période de référence qui n’ont pas été affectées (ci-après le «régime des circonstances exceptionnelles»).

13.

L’article 40, paragraphe 5, du règlement de base assimile à des circonstances exceptionnelles notamment le cas de l’agriculteur qui a été soumis, au cours de la période de référence, à certains engagements agroenvironnementaux.

14.

L’article 42 prévoit des dispositions sur la réserve nationale. Aux termes de ses paragraphes 1 et 7, les États membres appliquent, pour satisfaire les droits, un pourcentage de réduction linéaire aux montants de référence. L’article 42, paragraphes 3, 4 et 5, mentionne les cas dans lesquels la réserve nationale peut être utilisée.

15.

En vertu de l’article 42, paragraphes 3 et 5, les États membres peuvent utiliser la réserve nationale pour octroyer des montants de référence aux agriculteurs qui commencent à exercer une activité agricole ou sont soumis à des programmes de restructuration et de développement.

16.

L’article 42, paragraphe 4, du règlement de base est libellé comme suit:

«Les États membres utilisent la réserve nationale pour établir, selon des critères objectifs et de manière à assurer l’égalité de traitement entre les agriculteurs et à éviter des distorsions du marché et de la concurrence, les montants de référence pour les agriculteurs se trouvant dans une situation spéciale, que la Commission définit […]».

B – Le règlement d’application

17.

Le considérant 13 du règlement d’application dispose:

«L’article 42, paragraphe 4, du règlement [de base] dispose que la Commission définit les situations spéciales qui autorisent l’établissement de montants de référence pour les agriculteurs se trouvant dans des situations qui les ont empêchés de percevoir la totalité ou une partie des paiements directs durant la période de référence. Il y a lieu, par conséquent, de dresser une liste de ces situations spéciales et de prévoir des règles visant à éviter qu’un même agriculteur puisse cumuler le bénéfice des différentes possibilités d’octroi de droits au paiement, sans préjudice de la possibilité, pour la Commission, de compléter cette liste, le cas échéant. Il convient, en outre, d’offrir aux États membres une marge de manœuvre pour fixer les montants de référence à allouer.»

18.

L’article 12 du règlement d’application porte sur l’octroi initial de droits au paiement. L’article 12, paragraphe 8, dispose, notamment:

«Excepté aux fins de l’établissement de droits au paiement issus de la réserve nationale visés aux articles […] 18 à 23 bis, […], aucune parcelle ne doit être déclarée aux fins de l’établissement des droits au paiement».

19.

L’article 18, paragraphe 1, stipule que les «agriculteurs se trouvant dans une situation spéciale» sont ceux auxquels peuvent s’appliquer les articles 19 à 23 bis du règlement d’application. Ces articles concernent les cas dans lesquels un agriculteur n’a pas perçu la totalité ou une partie des paiements directs durant la période de référence.

20.

L’article 18, paragraphe 2, prévoit une interdiction du cumul sous la forme d’une règle de la «valeur la plus élevée»:

«Lorsqu’un agriculteur qui se trouve dans une situation spéciale remplit les conditions pour l’application de plusieurs des articles 19 à 23 bis du présent règlement ou de l’article 37, paragraphe 2, de l’article 40, de l’article 42, paragraphe 3, ou de l’article 42, paragraphe 5, du règlement [de base], il reçoit un nombre de droits au paiement inférieur ou égal au nombre d’hectares qu’il déclare au cours de la première année d’application du régime de paiement unique et dont la valeur est égale à la valeur la plus élevée qu’il puisse obtenir en appliquant séparément chacun des articles pour lesquels il remplit les conditions.»

21.

En vertu de l’article 22 du règlement d’application, l’achat de terres affermées fonde une situation spéciale. Des droits au paiement sont octroyés à l’agriculteur qui a acheté une exploitation dont les terres étaient cédées à bail pendant la période de référence, dans l’intention d’entreprendre une activité agricole ou de développer la sienne dans les douze mois suivant l’expiration du bail, si certaines autres conditions sont remplies.

III – Litige au principal et questions préjudicielles

22.

M. Feakins possédait une exploitation agricole au Royaume-Uni. En 2001, son cheptel a dû être abattu en totalité en raison de l’épizootie de fièvre aphteuse, de sorte que, jusqu’à l’année 2002, il n’a pas pu reconstituer un nouveau cheptel et n’a pas pu faire fonctionner son exploitation.

23.

C’est pourquoi le montant de référence à allouer pour le calcul du paiement unique a été fixé, à sa demande, au titre des circonstances exceptionnelles visées par le règlement de base. C’est l’année 2000 qui a été retenue comme période de référence.

24.

En 2002, M. Feakins a acquis deux autres exploitations agricoles, qui avaient jusqu’alors été affermées à des tiers. M. Feakins avait l’intention de les exploiter lui-même après l’expiration du bail et a pris personnellement possession des exploitations en 2005 et 2007 respectivement. Il a présenté durant l’année considérée une demande d’aide pour l’exploitation concernée. M. Feakins avait déjà demandé auparavant, en 2005, l’octroi provisoire de...

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