Opinion of Advocate General Bot delivered on 1 March 2017.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:146
Date01 March 2017
Celex Number62016CC0024
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-24/16,C-25/16
62016CC0024

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 1er mars 2017 ( 1 )

Affaires jointes C‑24/16 et C‑25/16

Nintendo Co. Ltd

contre

BigBen Interactive GmbH,

BigBen Interactive SA

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 44/2001 – Compétence judiciaire et exécution des décisions – Règlement (CE) no 6/2002 – Protection des dessins et modèles communautaires – Règlement (CE) no 864/2007 – Loi applicable – Portée territoriale des décisions portant sur des demandes annexes à une action en contrefaçon – Notions d’“autres sanctions” et d’“actes de reproduction à des fins d’illustration” »

1.

L’affaire présentement soumise à la Cour est l’occasion, pour cette dernière, de déterminer la portée territoriale d’une décision adoptée par une juridiction d’un État membre à l’encontre de deux codéfendeurs établis dans deux États membres différents et portant sur des demandes annexes à une action en contrefaçon intentée devant cette juridiction.

2.

La Cour est également interrogée sur le point de savoir si la notion d’« autres sanctions » au sens de l’article 89, paragraphe 1, sous d), du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires ( 2 ) comprend des demandes annexes à une action en contrefaçon, telles que la fourniture de documents de comptes, l’octroi d’une indemnisation financière, le remboursement des frais d’avocat, la destruction des produits contrefaits, le rappel de ces mêmes produits ainsi que la publication du jugement. Par ailleurs, la juridiction de renvoi cherche à savoir, afin de déterminer la loi applicable à ces demandes, quels sont les critères à prendre en compte.

3.

Enfin, la Cour sera amenée à préciser si la notion d’« actes de reproduction à des fins d’illustration », au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de ce règlement, comprend le fait, pour un tiers, d’utiliser l’image des produits incorporant des dessins et modèles communautaires protégés aux fins de la commercialisation de ses propres produits.

4.

Dans les présentes conclusions, nous indiquerons les raisons pour lesquelles nous estimons que l’article 79, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, lu en combinaison avec l’article 6, point 1, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale ( 3 ), doit être interprété en ce sens que des décisions adoptées par une juridiction nationale répondant à des demandes annexes à une action en contrefaçon à l’encontre de deux codéfendeurs établis dans deux États membres différents, telles que l’indemnisation du préjudice, la destruction ou le rappel des produits contrefaits, le remboursement des frais d’avocats ou encore la publication du jugement, ont un effet juridique sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne.

5.

Puis, nous expliquerons pourquoi, selon nous, l’article 89, paragraphe 1, sous d), du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que la notion d’« autres sanctions » renvoie à des demandes telles que la destruction des produits contrefaits, le rappel de ces mêmes produits ainsi que la publication du jugement. En revanche, ne relèvent pas de cette notion les demandes relatives à l’indemnisation du préjudice, à l’obtention de renseignements de comptes de l’entreprise ainsi qu’au remboursement des frais d’avocat.

6.

Nous proposerons, également, à la Cour de dire pour droit que cette disposition et l’article 8, paragraphe 2, du règlement (CE) no 864/2007 du Parlement européen et du Conseil, du 11 juillet 2007, sur la loi applicable aux obligations non contractuelles ( 4 ), doivent être interprétés en ce sens que la loi applicable aux demandes annexes à une action en contrefaçon relatives à la destruction des produits contrefaits, au rappel de ces mêmes produits, à la publication du jugement, à l’indemnisation du préjudice, à l’obtention de renseignements de comptes de l’entreprise ainsi qu’au remboursement des frais d’avocat est celle du territoire de l’État membre où l’événement qui est à l’origine de la contrefaçon alléguée est survenu ou risque de survenir. En l’espèce, l’événement qui est à l’origine de la contrefaçon alléguée est la fabrication des produits contrefaits.

7.

Enfin, nous exposerons les raisons pour lesquelles nous estimons que l’article 20, paragraphe 1, sous c), du règlement no 6/2002 doit être interprété en ce sens que la notion d’« actes de reproduction à des fins d’illustration » comprend le fait, pour un tiers, d’utiliser l’image des produits incorporant des dessins et modèles communautaires protégés aux fins de la commercialisation de ses propres produits. Il appartient au juge national de vérifier que cet acte de reproduction est compatible avec les pratiques commerciales loyales, qu’il ne porte pas indûment préjudice à l’exploitation normale de ces dessins ou modèles et que la source en est indiquée.

I – Le cadre juridique

A – Le règlement no 44/2001

8.

Le règlement no 44/2001 a pour objet d’unifier les règles de conflit de juridiction en matière civile et commerciale afin d’identifier la compétence judiciaire de chaque État membre, ainsi que de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l’exécution rapides des décisions émanant des États membres.

9.

L’article 2, paragraphe 1, de ce règlement prévoit que, « [s]ous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ».

10.

Aux termes de l’article 6, point 1, dudit règlement, « [une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre] peut aussi être attraite [...] s’il y a plusieurs défendeurs, devant le tribunal du domicile de l’un d’eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ».

B – Le règlement no 6/2002

11.

Le règlement no 6/2002 a pour finalité d’assurer une protection uniforme des dessins et modèles communautaires sur le territoire de l’Union ainsi que de garantir l’exercice des droits conférés par ces derniers.

12.

Selon le considérant 22 de ce règlement, « [l]es mesures destinées à garantir l’exercice de ces droits sont du ressort du législateur national. Il est donc nécessaire de prévoir certaines sanctions de base uniformes dans tous les États membres. Ces sanctions devraient permettre, quelle que soit la juridiction saisie, de mettre fin aux actes délictueux ».

13.

L’article 1er, paragraphe 3, dudit règlement prévoit que « [l]e dessin ou modèle communautaire a un caractère unitaire. Il produit les mêmes effets dans l’ensemble de la Communauté. Il ne peut être enregistré, transféré, faire l’objet d’une renonciation ou d’une décision de nullité et son usage ne peut être interdit que pour l’ensemble de la Communauté. Ce principe s’applique sauf disposition contraire du présent règlement ».

14.

Aux termes de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 :

« Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins. »

15.

L’article 20, paragraphe 1, de ce règlement introduit certaines limitations aux droits conférés par le dessin ou modèle communautaire et prévoit :

« Les droits conférés par un dessin ou modèle communautaire ne s’exercent pas à l’égard :

a)

d’actes accomplis à titre privé et à des fins non commerciales ;

b)

d’actes accomplis à des fins expérimentales ;

c)

d’actes de reproduction à des fins d’illustration ou d’enseignement, pour autant que ces actes soient compatibles avec les pratiques commerciales loyales, ne portent pas indûment préjudice à l’exploitation normale du dessin ou modèle et que la source en soit indiquée. »

16.

En vertu de l’article 79, paragraphe 1, dudit règlement :

« À moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les dispositions de la convention concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, signée à Bruxelles le 27 septembre 1968 ( 5 ), [...] sont applicables aux procédures concernant les dessins ou modèles communautaires et aux demandes d’enregistrement de dessins ou modèles communautaires, ainsi qu’aux procédures concernant les actions intentées sur la base de dessins ou modèles communautaires et de dessins ou modèles nationaux bénéficiant d’un cumul de protection. »

17.

L’article 82, paragraphes 1 et 5, du règlement no 6/2002 mentionne :

« 1. Sous réserve des dispositions du présent règlement ainsi que des dispositions de [cette convention] applicables en vertu de l’article 79, les procédures résultant des actions et demandes visées à l’article 81 sont portées devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile ou, si celui-ci n’est pas domicilié dans l’un des États membres, de tout État...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT