European Commission v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2015:209
CourtCourt of Justice (European Union)
Date26 March 2015
Docket NumberC-63/14
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62014CC0063
62014CC0063

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MELCHIOR WATHELET

présentées le 26 mars 2015 ( 1 )

Affaire C‑63/14

Commission européenne

contre

République française

«Manquement d’État — Aides d’État — Obligation de récupération — Compensations pour délégation de service public»

I – Introduction

1.

La présente affaire s’inscrit dans la longue liste des affaires concernant les aides d’État accordées par la République française à la Société nationale maritime Corse-Méditerranée (SNCM) SA (ci-après la «SNCM») ( 2 ).

2.

Par sa requête introduite le 10 février 2014, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, premièrement, en n’ayant pas pris, dans les délais prescrits, toutes les mesures nécessaires afin de récupérer auprès des bénéficiaires les aides d’État déclarées illégales et incompatibles avec le marché intérieur par l’article 2, paragraphe 1, de la décision 2013/435/UE de la Commission, du 2 mai 2013, concernant l’aide d’État SA.22843 (2012/C) (ex 2012/NN) mise à exécution par la France en faveur de la Société Nationale Maritime Corse Méditerranée et la Compagnie Méridionale de Navigation ( 3 ) (ci‑après la «décision litigieuse»), deuxièmement, en n’ayant pas annulé, dans les délais prescrits, tous les versements des aides visées à cet article 2, paragraphe 1, et, troisièmement, en n’ayant pas informé la Commission, dans le délai imparti, des mesures prises pour se conformer à cette décision, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 288, quatrième alinéa, TFUE ainsi que des articles 3 à 5 de ladite décision.

II – Le cadre juridique

3.

L’article 108, paragraphe 2, TFUE dispose:

«Si, après avoir mis les intéressés en demeure de présenter leurs observations, la Commission constate qu’une aide accordée par un État ou au moyen de ressources d’État n’est pas compatible avec le marché intérieur aux termes de l’article 107, ou que cette aide est appliquée de façon abusive, elle décide que l’État intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu’elle détermine.

Si l’État en cause ne se conforme pas à cette décision dans le délai imparti, la Commission ou tout autre État intéressé peut saisir directement la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation aux articles 258 [TFUE] et 259 [TFUE].

[…]»

4.

L’article 14 du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] ( 4 ), prévoit:

«1. En cas de décision négative concernant une aide illégale, la Commission décide que l’État membre concerné prend toutes les mesures nécessaires pour récupérer l’aide auprès de son bénéficiaire (ci‑après dénommée ‘décision de récupération’). La Commission n’exige pas la récupération de l’aide si, ce faisant, elle allait à l’encontre d’un principe général de droit communautaire.

2. L’aide à récupérer en vertu d’une décision de récupération comprend des intérêts qui sont calculés sur la base d’un taux approprié fixé par la Commission. Ces intérêts courent à compter de la date à laquelle l’aide illégale a été mise à la disposition du bénéficiaire jusqu’à celle de sa récupération.

3. Sans préjudice d’une ordonnance de la Cour de justice prise en application de l’article [278 TFUE], la récupération s’effectue sans délai et conformément aux procédures prévues par le droit national de l’État membre concerné, pour autant que ces dernières permettent l’exécution immédiate et effective de la décision de la Commission. À cette fin et en cas de procédure devant les tribunaux nationaux, les États membres concernés prennent toutes les mesures prévues par leurs systèmes juridiques respectifs, y compris les mesures provisoires, sans préjudice du droit [de l’Union].»

III – Le cadre factuel

A – Les faits ayant conduit à l’adoption de la décision litigieuse

5.

Par la délibération du 7 juin 2007, l’Assemblée de Corse a attribué au groupement constitué de la SNCM et de la Compagnie méridionale de navigation SA (ci-après la «CMN») la délégation de service public de la desserte maritime entre le port de Marseille et les ports de Corse. Par décision du même jour, le président du Conseil exécutif de la collectivité territoriale de Corse (CTC) a été autorisé à signer la convention de délégation de service public (ci-après la «CDSP»).

6.

La CDSP a été signée pour la période allant du 1er juillet 2007 au 31 décembre 2013. Son article 1er définit son objet comme étant la fourniture de services maritimes réguliers sur l’ensemble des lignes de la délégation de service public entre le port de Marseille et les ports corses d’Ajaccio, de Balagne, de Bastia, de Porto-Vecchio et de Propriano.

7.

Le cahier des charges contenu dans l’annexe 1 de la CDSP définit la nature de ces services et distingue ce qui suit:

le service permanent «passagers et fret» que le groupement SNCM-CMN doit assurer pendant toute l’année (ci-après le «service de base»), et

le service complémentaire «passagers» à fournir pour les pointes de trafic, couvrant environ 37 semaines sur les lignes Marseille-Ajaccio et Marseille-Bastia ainsi que pour la période allant du 1er mai au 30 septembre pour la ligne Marseille-Propriano (ci-après le «service complémentaire»).

8.

En vertu de la CDSP, les deux délégataires reçoivent une contribution annuelle de la part de l’Office des transports de la Corse (OTC), en contrepartie du service de base et du service complémentaire. La compensation financière finale de chaque délégataire pour chaque année est limitée au montant du déficit d’exploitation, entraîné par les obligations résultant du cahier des charges, en tenant compte d’un rendement raisonnable du capital nautique engagé au prorata des journées de son utilisation effective pour les traversées correspondant à ces obligations. Dans l’hypothèse où les recettes réalisées seraient inférieures aux recettes prévisionnelles fixées par les délégataires dans leur offre, ladite convention prévoit un ajustement de la compensation publique.

9.

Postérieurement à sa signature, la CDSP a été modifiée, de telle sorte que plus de 100 traversées par an, entre la Corse et Marseille, ont été supprimées, que les montants annuels de la compensation financière de référence ont été réduits de 6,5 millions d’euros pour les deux délégataires et que le mécanisme d’ajustement annuel des recettes par délégataire a été plafonné.

B – La décision litigieuse

10.

À la suite d’une plainte de Corsica Ferries France SAS (ci-après «Corsica Ferries») au sujet d’aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur dont la SNCM et la CMN auraient bénéficié grâce à la CDSP, la Commission a, par lettre du 27 juin 2012, informé les autorités françaises de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE sur les aides potentielles au bénéfice de la SNCM et de la CMN contenues dans la CDSP ( 5 ).

11.

En décidant que les compensations prévues par la CDSP constituaient des aides d’État illégales et incompatibles avec le marché intérieur, la Commission a considéré que deux des quatre critères fixés par la Cour dans l’arrêt Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415) n’étaient pas remplis.

12.

La Commission a constaté, en premier lieu, que le service complémentaire fourni par la SNCM n’était ni nécessaire ni proportionné à la satisfaction d’un besoin réel de service public. Elle a estimé, en second lieu, d’une part, que les conditions de l’appel d’offres n’avaient pas permis d’assurer une concurrence effective et, d’autre part, que les compensations financières n’avaient pas été définies par référence à une base de coûts établie a priori ou par comparaison avec la structure de charges d’autres entreprises maritimes comparables.

13.

La Commission en a conclu que les compensations reçues par la SNCM et la CMN au titre du service complémentaire constituaient des aides d’État. Elle a constaté qu’elles étaient illégales dans la mesure où elles n’avaient pas fait l’objet d’une notification préalable à la Commission. Elle a, en outre, estimé que les compensations reçues par la SNCM et la CMN au titre du service de base étaient compatibles avec le marché intérieur, ce qui n’était pas le cas de celles reçues par la SNCM depuis le 1er juillet 2007 au titre du service complémentaire.

14.

Au vu des éléments susmentionnés, la Commission a, par la décision litigieuse, arrêté ce qui suit:

«Article premier

Les compensations versées à la SNCM et à la CMN dans le cadre de la [CDSP] du 7 juin 2007 constituent des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [...] TFUE. Ces aides d’État ont été octroyées en violation des obligations prévues à l’article 108, paragraphe 3, [...] TFUE.

Article 2

1. Les compensations versées à la SNCM au regard de la mise en place des capacités supplémentaires prévues aux I a) 2), I b) 2) et I d) 1.4) du cahier des charges de la [CDSP] susmentionnée, sont incompatibles avec le marché intérieur.

2. Les compensations versées à la SNCM et à la CMN pour l’opération des autres services prévus par la [CDSP] susmentionnée sont compatibles avec le marché intérieur.

Article 3

1. La France est tenue de se faire rembourser les aides visées à l’article 2, paragraphe 1, par le bénéficiaire.

2. Les sommes à récupérer produisent des intérêts, qui courent à partir de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition du bénéficiaire jusqu’à leur récupération effective.

3. Les intérêts sont calculés sur une base composée conformément au chapitre V du règlement (CE) no 794/2004 et au règlement (CE) no 271/2008 modifiant le règlement...

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