Opinion of Advocate General Saugmandsgaard Øe delivered on 4 July 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:530
Docket NumberC-220/17
Celex Number62017CC0220
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date04 July 2018
62017CC0220

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 4 juillet 2018 ( 1 )

Affaire C‑220/17

Planta Tabak‑Manufaktur Dr. Manfred Obermann GmbH & Co. KG

contre

Land Berlin

[demande de décision préjudicielle formée par le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Rapprochement des législations – Fabrication, présentation et vente des produits du tabac – Directive 2014/40/UE – Article 7, paragraphes 1 et 7 – Interdiction de mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant – Article 7, paragraphe 14 – Période transitoire concernant les produits du tabac contenant un arôme caractérisant particulier, dont le volume des ventes à l’échelle de l’Union européenne représente 3 % ou plus dans une catégorie de produits déterminée – Appréciation de validité – Principe d’égalité de traitement – Article 13, paragraphe 1, sous c) – Interprétation – Interdiction des éléments ou dispositifs évoquant un goût, une odeur, tout arôme ou tout autre additif, ou l’absence de ceux‑ci – Application aux produits du tabac contenant un arôme caractérisant toujours autorisés à la vente après le 20 mai 2016 »

I. Introduction

1.

Par ses questions préjudicielles, le Verwaltungsgericht Berlin (tribunal administratif de Berlin, Allemagne) interroge la Cour sur l’interprétation et la validité, au regard du droit primaire de l’Union, d’un certain nombre de dispositions de la directive 2014/40/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE ( 2 ).

2.

Ces questions ont été posées dans le cadre d’un litige opposant Planta Tabak-Manufaktur Dr. Manfred Obermann GmbH & Co. KG (ci‑après « Planta Tabak »), un fabricant de tabac, au Land Berlin (Land de Berlin, Allemagne), au sujet de l’application, aux produits que cette entreprise commercialise, de la réglementation allemande transposant ladite directive.

3.

Les nombreuses questions posées par la juridiction de renvoi invitent la Cour à examiner de nouveau certains aspects déjà discutés dans le cadre de ses arrêts du 4 mai 2016, Pologne/Parlement et Conseil ( 3 ) ainsi que Philip Morris Brands e.a. ( 4 ), en particulier l’interdiction de mise sur le marché des produits du tabac contenant un arôme caractérisant et les règles de présentation des produits du tabac prohibant l’ensemble des éléments ou dispositifs susceptibles d’inciter à la consommation de ces produits, prévues respectivement à l’article 7, paragraphes 1 et 7, ainsi qu’à l’article 13, paragraphe 1, de la directive 2014/40.

4.

Conformément à la demande de la Cour, les présentes conclusions se limiteront cependant à l’analyse des deux aspects suivants. J’examinerai d’abord la validité de la première interdiction au regard du principe d’égalité de traitement, dans la mesure où le législateur de l’Union a prévu, à l’article 7, paragraphe 14, de la directive 2014/40, une période transitoire applicable pour les produits du tabac contenant un arôme caractérisant particulier, dont le volume des ventes dans l’Union dépasse 3 % dans une catégorie de produits déterminée. Puis je me pencherai sur l’interprétation de la seconde disposition, afin de déterminer si celle-ci prohibe la mention, sur les produits du tabac contenant un arôme caractérisant pouvant encore être vendus, de l’arôme qu’ils contiennent.

5.

Je proposerai à la Cour de répondre, d’une part, que l’article 7, paragraphes 1, 7 et 14, de la directive 2014/40 est conforme au principe d’égalité de traitement et, d’autre part, que l’article 13, paragraphe 1, de cette directive interdit effectivement une telle mention d’un arôme caractérisant sur les emballages des produits toujours autorisés à la vente.

II. Le cadre juridique

A. La directive 2014/40

6.

Les considérants 16, 25 et 27 de la directive 2014/40 énoncent :

« (16)

Les inquiétudes qui entourent les produits du tabac contenant un arôme caractérisant autre que celui du tabac, qui pourrait faciliter l’initiation à la consommation de tabac ou avoir une incidence sur les habitudes de consommation, augmentent encore le risque de réglementations divergentes. Il convient d’éviter les mesures instaurant des différences de traitement injustifiées entre différents types de cigarettes aromatisées. Toutefois, la suppression des produits contenant un arôme caractérisant présentant un volume de ventes élevé devrait s’étaler sur une période étendue, pour accorder aux consommateurs le temps nécessaire pour passer à d’autres produits.

[…]

(25)

Les dispositions en matière d’étiquetage devraient également être adaptées aux nouvelles données scientifiques. Ainsi, il est établi que les niveaux des émissions de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone figurant sur les unités de conditionnement des cigarettes peuvent induire en erreur, car ils incitent les consommateurs à croire que certaines cigarettes sont moins nocives que d’autres. […]

[…]

(27)

Les produits du tabac ou leurs conditionnements pourraient induire en erreur les consommateurs, notamment les jeunes, en suggérant une nocivité moindre. Cela est par exemple le cas si certains mots ou éléments sont utilisés, tels que les mots “à faible teneur en goudron”, “léger”, “ultra-léger”, “doux”, “naturel”, “bio”, “sans additifs”, “non aromatisé” ou “slim” (cigarettes fines), ou certains noms, images et signes, figuratifs ou non. Les autres éléments trompeurs comprennent notamment des encarts et d’autres éléments tels que des étiquettes adhésives, des autocollants, des suppléments, des éléments à gratter et des pochettes (liste non exhaustive), ou ils peuvent également concerner la forme du produit du tabac proprement dite. Certains emballages et produits du tabac pourraient également induire les consommateurs en erreur en suggérant des effets bénéfiques en termes de perte de poids, de “sex appeal”, de statut social, de vie sociale ou de qualités telles que la féminité, la masculinité ou l’élégance. De la même façon, la longueur et la présentation des cigarettes pourraient induire les consommateurs en erreur en créant l’impression qu’elles sont moins nocives. […] »

7.

L’article 1er de cette directive, intitulé « Objet », dispose :

« La présente directive a pour objectif le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres concernant :

a)

les ingrédients et émissions des produits du tabac et les obligations de déclaration y afférentes, notamment les niveaux d’émissions maximaux de goudron, de nicotine et de monoxyde de carbone pour les cigarettes ;

b)

certains aspects de l’étiquetage et du conditionnement des produits du tabac […] ;

[…]

en vue de faciliter le bon fonctionnement du marché intérieur des produits du tabac et des produits connexes, en prenant pour base un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes, et de respecter les obligations de l’Union découlant de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (CCLAT). »

8.

L’article 7 de ladite directive, intitulé « Réglementation relative aux ingrédients », dispose :

« 1. Les États membres interdisent la mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme caractérisant.

[…]

7. Les États membres interdisent la mise sur le marché de produits du tabac contenant des arômes dans l’un de leurs composants tels que les filtres, le papier, le conditionnement et les capsules, ou tout dispositif technique permettant de modifier l’odeur ou le goût des produits du tabac concernés ou leur intensité de combustion. Les filtres, le papier et les capsules ne doivent pas contenir de tabac ni de nicotine.

[…]

12. Les produits du tabac autres que les cigarettes et le tabac à rouler sont exemptés des interdictions visées aux paragraphes 1 et 7. La Commission adopte des actes délégués conformément à l’article 27 pour retirer cette exemption pour une catégorie particulière de produits en cas d’évolution notable de la situation établie par un rapport de la Commission.

[…]

14. En ce qui concerne les produits du tabac contenant un arôme caractérisant particulier, dont le volume des ventes à l’échelle de l’Union représente 3 % ou plus dans une catégorie de produits déterminée, les dispositions du présent article s’appliquent à compter du 20 mai 2020.

[…] »

9.

Aux termes de l’article 13 de cette même directive, intitulé « Présentation du produit » :

« 1. L’étiquetage des unités de conditionnement, tout emballage extérieur ainsi que le produit du tabac proprement dit ne peuvent comprendre aucun élément ou dispositif qui :

a)

contribue à la promotion d’un produit du tabac ou incite à sa consommation en donnant une impression erronée quant aux caractéristiques, effets sur la santé, risques ou émissions du produit ; les étiquettes ne comprennent aucune information sur la teneur en nicotine, en goudron ou en monoxyde de carbone du produit du tabac ;

b)

suggère qu’un produit du tabac donné est moins nocif que d’autres ou vise à réduire l’effet de certains composants nocifs de la fumée ou présente des propriétés vitalisantes, énergisantes, curatives, rajeunissantes, naturelles, biologiques ou a des effets bénéfiques sur la santé ou le mode de vie ;

c)

évoque un goût, une odeur, tout arôme ou tout autre additif, ou l’absence de ceux-ci ;

[...]

3. Les éléments et dispositifs qui sont interdits en vertu des paragraphes 1...

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