VELECLAIR SA v Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l'État.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:748
Date17 November 2011
Celex Number62010CC0414
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑414/10
62010CC0414

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 17 novembre 2011 ( 1 )

Affaire C-414/10

Véleclair SA

contre

Ministre du Budget, des Comptes publics et de la Réforme de l’État

[demande de décision préjudicielle formée par le Conseil d’État (France)]

«Système commun de taxe sur la valeur ajoutée — Sixième directive — Taxe sur la valeur ajoutée à l’importation — Droit à déduction — Réglementation nationale subordonnant le droit à déduction au paiement effectif de ladite taxe par le redevable»

I – Introduction

1.

Le présent renvoi préjudiciel concerne l’interprétation de la sixième directive 77/388/CEE ( 2 ). Pour l’essentiel, il s’agit de déterminer si un État membre peut, en cas d’importation de biens, subordonner le droit à déduction accordé à l’assujetti par la sixième directive ( 3 ) au paiement préalable de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA») à l’importation par ledit assujetti.

2.

Cette question se pose dans le cadre d’un litige dans lequel une entreprise, à savoir Véléclair SA (ci-après «Véléclair»), souhaite obtenir le remboursement de la TVA à l’importation au titre de sa déductibilité, alors qu’elle ne l’a pas acquittée ( 4 ) ni ne l’acquittera jamais, bien qu’elle en soit redevable. En effet, le patrimoine de l’entreprise a fait l’objet d’une procédure de redressement judiciaire, la créance fiscale de l’État étant forclose en raison de sa production tardive.

II – Le cadre juridique

A – Le droit de l’Union

3.

L’article 10 de la sixième directive est libellé comme suit:

«1. Sont considérés comme:

a)

fait générateur de la taxe: le fait par lequel sont réalisées les conditions légales, nécessaires pour l’exigibilité de la taxe;

b)

exigibilité de la taxe: le droit que le Trésor peut faire valoir aux termes de la loi, à partir d’un moment donné, auprès du redevable pour le paiement de la taxe, même si le paiement peut en être reporté.

[...]

3. Le fait générateur a lieu et la taxe devient exigible au moment où l’importation du bien est effectuée. [...]

Toutefois, lorsque les biens importés sont soumis à des droits de douane, à des prélèvements agricoles ou à des taxes d’effet équivalent établies dans le cadre d’une politique commune, le fait générateur a lieu et la taxe devient exigible au moment où interviennent le fait générateur et l’exigibilité de ces droits communautaires.

[...]»

4.

L’article 17 de la sixième directive porte sur la naissance et l’étendue du droit à déduction. Cet article est libellé comme suit, dans sa version résultant de l’article 28 septies, point 1, de la sixième directive ( 5 ):

«1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a)

la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

b)

la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens importés à l’intérieur du pays;

[...]

d)

la taxe sur la valeur ajoutée due conformément à l’article 28 bis paragraphe 1 point a).

[...]».

5.

L’article 18 de la sixième directive dispose, sous l’intitulé «Modalités d’exercice du droit à déduction»:

«1. Pour pouvoir exercer le droit à déduction, l’assujetti doit:

a)

pour la déduction visée à l’article 17 paragraphe 2 point a), détenir une facture établie conformément à l’article 22 paragraphe 3;

b)

pour la déduction visée à l’article 17 paragraphe 2 point b), détenir un document constatant l’importation qui le désigne comme destinataire ou importateur et qui mentionne ou permet de calculer le montant de la taxe due;

[...]

2. La déduction est opérée globalement par l’assujetti par imputation, sur le montant de la taxe due pour une période de déclaration, du montant de la taxe pour laquelle le droit à déduction a pris naissance et est exercé en vertu du paragraphe 1, au cours de la même période.

[...]

3. Les États membres fixent les conditions et modalités suivant lesquelles un assujetti peut être autorisé à procéder à une déduction à laquelle il n’a pas procédé conformément aux paragraphes 1 et 2.

[...]»

6.

L’article 20, paragraphe 1, de la sixième directive énonce, sous l’intitulé «Régularisation des déductions»:

«La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les États membres, notamment:

a)

lorsque la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer;

b)

lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus; toutefois, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 5 paragraphe 6. En cas d’opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol, les États membres peuvent toutefois exiger la régularisation».

7.

L’article 21 de la sixième directive dispose, sous l’intitulé «Redevables de la taxe envers le Trésor»:

«La taxe sur la valeur ajoutée est due:

[...]

2. à l’importation: par la ou les personnes désignées ou reconnues par l’État membre d’importation.»

8.

L’article 23, second alinéa, de la sixième directive énonce sous l’intitulé «Obligations à l’importation»:

«Les États membres peuvent notamment prévoir que, pour les importations de biens, effectuées par les assujettis ou les redevables ou par certaines catégories d’entre eux, la taxe sur la valeur ajoutée due en raison de l’importation ne soit pas payée au moment de l’importation, à condition qu’elle soit mentionnée comme telle dans une déclaration établie conformément à l’article 22 paragraphe 4.»

9.

La disposition transitoire de l’article 28, paragraphe 3, de la sixième directive est libellée comme suit:

«Au cours de la période transitoire visée au paragraphe 4, les États membres peuvent:

[...]

d)

continuer à appliquer des dispositions dérogeant au principe de la déduction immédiate prévue à l’article 18 paragraphe 2 premier alinéa;

[...]»

B – Le droit français

10.

L’article 271, paragraphe II, point 1, du code général des impôts (ci-après le «CGI»), dans sa version applicable au 31 décembre 1997, dispose:

«Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon les cas:

[...]

b)

celle qui est perçue à l’importation.

[...]»

III – Les faits et la question préjudicielle

11.

La demande de décision préjudicielle a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Véléclair au ministère français du Budget.

12.

Entre 1992 et 1995, Véléclair a importé dans la Communauté européenne des bicyclettes en provenance de pays tiers en vue de les revendre. Considérant que Véléclair n’avait pas correctement déclaré la provenance des bicyclettes, l’administration des douanes a assujetti a posteriori Véléclair à des droits de douane et à des droits antidumping de quatre millions d’euros, eux-mêmes assortis de la TVA à l’importation pour un montant de 735437 euros.

13.

Ce montant n’avait toujours pas été acquitté au moment où une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l’encontre de Véléclair. Par ordonnance du 12 février 1999, le juge commissaire a constaté la forclusion de cette créance, au motif qu’elle n’avait pas été déclarée à titre définitif dans les douze mois suivant la publication du redressement judiciaire.

14.

Dans la procédure au principal, Véléclair réclame le remboursement de la TVA. Elle considère en effet que la TVA à l’importation, établie a posteriori, lui permet de déduire le montant correspondant en tant que taxe en amont.

15.

L’administration fiscale, en revanche, estime que la déductibilité de la TVA à l’importation suppose le paiement préalable de la taxe par le redevable.

16.

C’est dans ce contexte que le Conseil d’État (France), saisi de l’affaire dans le cadre d’un pourvoi, a déféré à la Cour la question préjudicielle suivante:

«Le paragraphe 2, sous b), de l’article 17 de la sixième directive permet-il à un État membre de subordonner le droit à déduction de la [TVA] à l’importation, compte tenu notamment des risques de fraude, au paiement effectif de cette taxe par le redevable, lorsque le redevable de la [TVA] à l’importation et le titulaire du droit à déduction correspondant sont, comme en France, la même personne?»

17.

Véléclair, les gouvernements français, allemand, néerlandais et portugais et la Commission européenne ont pris part à la procédure devant la Cour, les gouvernements allemand, néerlandais et portugais ayant uniquement présenté des observations écrites.

IV – Appréciation juridique

18.

Il convient d’indiquer, à titre liminaire, que le litige au principal doit être examiné sous l’angle de la sixième directive, étant donné que les faits se sont déroulés avant le 31 décembre 2006, date à laquelle la...

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