Opinion of Advocate General Campos Sánchez-Bordona delivered on 26 February 2019.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2019:140
Docket NumberC-129/18
Celex Number62018CC0129
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
Date26 February 2019
62018CC0129

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MANUEL CAMPOS SÁNCHEZ-BORDONA

présentées le 26 février 2019 ( 1 )

Affaire C‑129/18

SM

contre

Entry Clearance Officer, UK Visa Section

[demande de décision préjudicielle formée par la Supreme Court (Cour suprême, Royaume-Uni)]

« Renvoi préjudiciel – Droit des citoyens de l’Union européenne et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres – Directive 2004/38/CE – Notion de “descendant direct” d’un citoyen de l’Union – Regroupement familial – Enfant sous tutelle en vertu du régime de la kafala algérienne – Droit à la vie familiale – Protection de l’intérêt supérieur de l’enfant »

1.

Deux conjoints de nationalité française, résidant au Royaume‑Uni, ont demandé aux autorités de ce pays un permis d’entrée pour une mineure algérienne, en qualité d’enfant adopté, dont la prise en charge (recueil légal) leur avait été confiée en Algérie dans le cadre du régime de la kafala ( 2 ).

2.

Devant le refus opposé par les autorités britanniques d’accorder le permis, contre lequel l’enfant a introduit les recours correspondants, la Supreme Court (Cour suprême, Royaume‑Uni) demande à la Cour, en substance, si la directive 2004/38/CE ( 3 ) permet de la considérer comme un « descendant direct » des personnes qui l’ont recueillie en kafala. Si tel était le cas, cela faciliterait son regroupement familial dans l’État membre de résidence de ces dernières.

I. Le cadre juridique

A. Le droit international

1. La convention relative aux droits de l’enfant

3.

L’article 20 de la convention relative aux droits de l’enfant ( 4 ) dispose :

« 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’État.

2. Les États parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale.

3. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafala de droit islamique, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié […] »

2. La convention de La Haye de 1993

4.

Le texte de la convention de La Haye du 29 mars 1993 ( 5 ) ne fait pas référence à la kafala.

3. La convention de La Haye de 1996

5.

L’article 3 de la convention de La Haye du 19 octobre 1996 ( 6 ) est libellé comme suit :

« Les mesures prévues à l’article premier peuvent porter notamment sur :

[…]

e)

le placement de l’enfant dans une famille d’accueil ou dans un établissement, ou son recueil légal par kafala ou par une institution analogue ;

[…] »

6.

L’article 33 de la convention de La Haye de 1996 énonce ce qui suit :

« 1. Lorsque l’autorité compétente, en vertu des articles 5 à 10, envisage le placement de l’enfant dans une famille d’accueil ou dans un établissement, ou son recueil légal par kafala ou par une institution analogue, et que ce placement ou ce recueil aura lieu dans un autre État contractant, elle consulte au préalable l’autorité centrale ou une autre autorité compétente de ce dernier État. Elle lui communique à cet effet un rapport sur l’enfant et les motifs de sa proposition sur le placement ou le recueil.

2. La décision sur le placement ou le recueil ne peut être prise dans l’État requérant que si l’autorité centrale ou une autre autorité compétente de l’État requis a approuvé ce placement ou ce recueil, compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant. »

B. Le droit de l’Union

1. La Charte

7.

En vertu de l’article 7 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ( 7 ) :

« Toute personne a droit au respect de sa vie […] familiale […] »

8.

L’article 24, paragraphe 2, de la Charte :

« Dans tous les actes relatifs aux enfants, qu’ils soient accomplis par des autorités publiques ou des institutions privées, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. »

2. La directive 2004/38

9.

L’article 2, point 2, sous c), de la directive 2004/38 énonce :

« Au sens de la présente directive, on entend par :

[…]

2)

“membre de la famille” :

[…]

c)

les descendants directs qui sont âgés de moins de vingt et un ans ou qui sont à charge, et les descendants directs du conjoint ou du partenaire tel que visé au point b) ».

10.

L’article 3 de la directive 2004/38 dispose :

« 1. La présente directive s’applique à tout citoyen de l’Union qui se rend ou séjourne dans un État membre autre que celui dont il a la nationalité, ainsi qu’aux membres de sa famille, tels que définis à l’article 2, point 2), qui l’accompagnent ou le rejoignent.

2. Sans préjudice d’un droit personnel à la libre circulation et au séjour de l’intéressé, l’État membre d’accueil favorise, conformément à sa législation nationale, l’entrée et le séjour des personnes suivantes :

a)

tout autre membre de la famille, quelle que soit sa nationalité, qui n’est pas couvert par la définition figurant à l’article 2, point 2), si, dans le pays de provenance, il est à charge ou fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal […] ;

[…]

L’État membre d’accueil entreprend un examen approfondi de la situation personnelle et motive tout refus d’entrée ou de séjour visant ces personnes. »

11.

L’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38 prévoit :

« Le droit de séjour prévu au paragraphe 1 s’étend aux membres de la famille n’ayant pas la nationalité d’un État membre lorsqu’ils accompagnent ou rejoignent dans l’État membre d’accueil le citoyen de l’Union, pour autant que ce dernier satisfasse aux conditions énoncées au paragraphe 1, points a), b) ou c). »

12.

L’article 27 de la directive 2004/38 est libellé comme suit :

« 1. Sous réserve des dispositions du présent chapitre, les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d’un citoyen de l’Union ou d’un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d’ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. Ces raisons ne peuvent être invoquées à des fins économiques.

[…] »

13.

L’article 35 de la directive 2004/38 dispose :

« Les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour refuser, annuler ou retirer tout droit conféré par la présente directive en cas d’abus de droit ou de fraude, tels que les mariages de complaisance. […] »

C. Le droit du Royaume-Uni

1. Le règlement de 2006 sur l’immigration

14.

Conformément à l’article 7 de l’Immigration Regulations 2006 ( 8 ) (règlement de 2006 sur l’immigration) :

« 1) Sous réserve du paragraphe 2, aux fins du présent règlement, les personnes suivantes sont considérées comme les membres de la famille d’une autre personne :

[…]

(b)

ses descendants directs et ceux de son conjoint ou de son partenaire civil qui sont :

(i)

âgés de moins de vingt et un ans ; ou

(ii)

à sa charge ou à charge de son conjoint ou de son partenaire civil ;

[…] »

15.

L’article 8 du règlement de 2006 sur l’immigration prévoit :

« 1) Aux fins du présent règlement, on entend par “membre de la famille élargie”, toute personne qui n’est pas un membre de la famille d’un ressortissant de l’EEE en vertu de l’article 7, paragraphe 1, sous a), b), ou c), et qui répond aux conditions prévues aux paragraphes 2, 3, 4 ou 5.

[…] »

2. Loi de 2002 sur l’adoption et l’enfance

16.

Aux termes de l’article 83 de l’Adoption and Children Act 2002 ( 9 ) (loi de 2002 sur l’adoption et l’enfance), le fait de faire entrer au Royaume‑Uni un enfant soit en vue de son adoption dans ce pays, soit ayant fait l’objet d’une adoption dans un autre pays constitue un délit, sauf si une évaluation de la capacité des adoptants à adopter a été conduite par une agence d’adoption du Royaume-Uni.

17.

L’article 66, paragraphe 1, de la loi de 2002 sur l’adoption et l’enfance énumère les adoptions qui sont reconnues comme telles par le droit d’Angleterre et du pays de Galles. La kafala ne figure pas dans cette liste.

D. Le droit algérien

18.

Le code de la famille algérien (ci-après « CFA ») contient respectivement, dans le livre I, chapitre V, intitulé « De la filiation », et dans le livre II, chapitre VII, intitulé « Du recueil légal (kafala) », les règles suivantes :

Article 46 : « L’adoption (tabanni) est interdite par la charia et la loi. »

Article 116 : « Le recueil légal est l’engagement de prendre bénévolement en charge l’entretien, l’éducation et la protection d’un enfant mineur, au même titre que le ferait un père pour son fils. Il est établi par acte légal. »

Article 117 : « Le recueil légal est accordé par devant le juge ou le notaire avec le consentement de l’enfant quand celui-ci a un père et une mère. »

Article 118 : « Le titulaire du droit de recueil légal (kafil) doit être musulman, sensé, intègre, à même d’entretenir l’enfant recueilli (makfoul) et capable de le protéger. »

Article 119 : « L’enfant recueilli peut être de filiation connue ou inconnue. »

Article 120 : « L’enfant recueilli doit garder sa filiation d’origine s’il est de parents connus. Dans le cas contraire, il lui est fait application de l’article 64 du code de l’état civil. »

Article 121 : « Le recueil légal confère à son bénéficiaire la tutelle légale et lui ouvre droit aux mêmes prestations familiales et scolaires que pour l’enfant légitime. »

Article 122 : « L’attribution du droit de...

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