Opinion of Advocate General Wahl delivered on 21 March 2018.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2018:201
Docket NumberC-109/17
Celex Number62017CC0109
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date21 March 2018
62017CC0109

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. NILS WAHL

présentées le 21 mars 2018 ( 1 )

Affaire C‑109/17

Bankia SA

contre

Juan Carlos Marí Merino,

Juan Pérez Gavilán,

María de la Concepción Marí Merino

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de Primera Instancia no 5 de Cartagena (tribunal de première instance no 5 de Cartagène, Espagne)]

« Renvoi préjudiciel – Protection des consommateurs – Directive 2005/29/CE – Pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs – Contrat de prêt hypothécaire – Réévaluation du bien immeuble avant sa vente aux enchères – Examen de pratiques commerciales déloyales dans une procédure de saisie hypothécaire – “Moyens adéquats et efficaces” pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales – Interaction avec la directive 93/13/CEE – Possibilité pour le juge national de faire appliquer le code de conduite en vertu de la directive 2005/29 »

1.

Un argument tiré de l’existence de pratiques commerciales déloyales peut‑il, dans le cadre d’une procédure de saisie hypothécaire, être soulevé d’office ou doit-il l’être à la demande de l’une des parties pour garantir la protection des consommateurs prévue par la directive 2005/29/CE ( 2 ) ? C’est cette problématique qui est soulevée dans la présente affaire par le Juzgado de Primera Instancia no 5 de Cartagena (tribunal de première instance no 5 de Cartagène, Espagne).

2.

Ainsi, le problème que soulève cette affaire pendante devant la juridiction de renvoi évoque des questions similaires examinées par la Cour dans le cadre de la directive 93/13/CEE ( 3 ) concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. Dès lors, une partie des présentes conclusions sera consacrée à l’analyse des niveaux de protection conférés par ces deux instruments de protection des consommateurs.

I. Le cadre juridique

A. Le droit de l’Union

3.

L’article 2, sous f), de la directive 2005/29 définit le « code de conduite » comme « un accord ou un ensemble de règles qui ne sont pas imposés par les dispositions législatives, réglementaires ou administratives d’un État membre et qui définissent le comportement des professionnels qui s’engagent à être liés par lui en ce qui concerne une ou plusieurs pratiques commerciales ou un ou plusieurs secteurs d’activité ».

4.

L’article 3 de la directive 2005/29 définit le champ d’application de celle-ci dans les termes suivants :

« 1. La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit.

2. La présente directive s’applique sans préjudice du droit des contrats, ni, en particulier, des règles relatives à la validité, à la formation ou aux effets des contrats.

[…]

4. En cas de conflit entre les dispositions de la présente directive et d’autres règles communautaires régissant des aspects spécifiques des pratiques commerciales déloyales, ces autres règles priment et s’appliquent à ces aspects spécifiques.

[…] »

5.

L’article 10 de la directive 2005/29, intitulé « Codes de conduite », dispose :

« La présente directive n’exclut pas le contrôle, que les États membres peuvent encourager, des pratiques commerciales déloyales par les responsables de codes de conduite, ni le recours à ces derniers par les personnes ou organisations visées à l’article 11, s’il existe des procédures devant de telles entités en sus des procédures judiciaires ou administratives visées audit article.

Le recours à de tels organismes de contrôle ne vaut en aucun cas renoncement à une voie de recours judiciaire ou administrative visée à l’article 11. »

6.

L’article 11 de cette même directive traite de l’application de la législation. Il dispose :

« 1. Les États membres veillent à ce qu’il existe des moyens adéquats et efficaces pour lutter contre les pratiques commerciales déloyales afin de faire respecter les dispositions de la présente directive dans l’intérêt des consommateurs.

Ces moyens doivent inclure des dispositions juridiques aux termes desquelles les personnes ou organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à lutter contre les pratiques commerciales déloyales, y compris les concurrents, peuvent :

a)

intenter une action en justice contre ces pratiques commerciales déloyales,

et/ou

b)

porter ces pratiques commerciales déloyales devant une autorité administrative compétente soit pour statuer sur les plaintes, soit pour engager les poursuites judiciaires appropriées.

[…]

2. Dans le cadre des dispositions juridiques visées au paragraphe 1, les États membres confèrent aux tribunaux ou aux autorités administratives des pouvoirs les habilitant, dans les cas où ceux-ci estiment que ces mesures sont nécessaires compte tenu de tous les intérêts en jeu, et notamment de l’intérêt général :

a)

à ordonner la cessation de pratiques commerciales déloyales ou à engager les poursuites appropriées en vue de faire ordonner la cessation desdites pratiques,

ou

b)

si la pratique commerciale déloyale n’a pas encore été mise en œuvre mais est imminente, à interdire cette pratique ou à engager les poursuites appropriées en vue de faire ordonner son interdiction,

même en l’absence de preuve d’une perte ou d’un préjudice réels, ou d’une intention ou d’une négligence de la part du professionnel.

[…] »

7.

Selon l’article 13 de la directive 2005/29, intitulé « Sanctions », « [l]es États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive, et mettent tout en œuvre pour en assurer l’exécution. Les sanctions ainsi prévues doivent être efficaces, proportionnées et dissuasives ».

B. Le droit espagnol

1. La loi sur la concurrence déloyale

8.

Les articles 4, 5, 7 et 8 de la Ley de Competencia Desleal (loi sur la concurrence déloyale), du 10 janvier 1991, telle que modifiée par la loi no 29, du 30 décembre 2009, définissent les types d’actes considérés comme déloyaux dans les rapports entre professionnels et consommateurs en droit espagnol.

9.

L’article 32 de la loi sur la concurrence déloyale régit les actions qui peuvent être formées à l’encontre des actes de concurrence déloyale et énumère notamment les actions suivantes : i) l’action déclarative de concurrence déloyale, ii) l’action en cessation du comportement déloyal ou en interdiction de sa répétition à l’avenir, iii) l’action en annulation des effets du comportement déloyal, et iv) l’action en réparation des dommages et préjudices causés par le comportement déloyal, en cas de dol ou de faute de l’agent.

2. La loi générale relative à la défense des consommateurs et des usagers

10.

La Ley General de Defensa de Consumidores y Usuarios (loi générale relative à la défense des consommateurs et des usagers), approuvée par le Real Decreto Legislativo 1/2007 (décret royal législatif 1/2007), du 16 novembre 2007, et telle que modifiée par la loi no 29/2009, du 30 décembre 2009, définit des pratiques commerciales et impose des obligations d’information aux professionnels dans leurs rapports avec les consommateurs.

3. Le décret-loi royal 6/2012

11.

Le Real Decreto-ley 6/2012 (décret-loi royal 6/2012), du 9 mars 2012, a établi un code de bonnes pratiques auxquels les établissements de crédit peuvent adhérer volontairement (ci-après le « code des bonnes pratiques bancaires »). Ce code promeut l’implication du secteur financier espagnol dans l’effort requis pour atténuer la situation économique et sociale difficile née de la crise de 2008, en restructurant les dettes garanties par une hypothèque consentie sur le logement du débiteur. Cet objectif est réalisé au moyen de trois mesures : i) la restructuration de l’hypothèque ; ii) la réduction du capital à rembourser, et iii) la dation en paiement, c’est-à-dire le transfert du bien hypothéqué en règlement de l’entièreté de la dette.

12.

L’article 5 du décret-loi royal 6/2012 prévoit que, dès son adhésion au code de bonnes pratiques bancaires, un établissement de crédit est impérativement tenu par les dispositions de celui‑ci.

13.

Conformément à l’article 6 dudit décret-loi royal, le respect du code de bonnes pratiques bancaires par les établissements y ayant adhéré est supervisé par une commission de contrôle. Les réclamations pour non-respect du code de bonnes pratiques bancaires par les établissements de crédit peuvent être portées devant le Banco de España (Banque d’Espagne).

4. Le code de procédure civile

14.

La saisie hypothécaire ainsi que d’autres titres exécutoires en Espagne sont régis par la Ley de Enjuiciamiento Civil (code de procédure civile). La version applicable aux faits au principal est celle modifiée par la loi no 13 du 3 novembre 2009 ( 4 ) et par la loi no 1 du 14 mai 2013 ( 5 ).

15.

L’article 517 du code de procédure civile énumère les titres ayant force exécutoire, parmi lesquels figurent les actes authentiques.

16.

L’article 552 de ce même code prévoit le contrôle d’office par le juge des demandes d’exécution de titres non judiciaires, mais uniquement en ce qui concerne les clauses abusives que pourrait contenir le titre exécutoire concerné.

17.

L’article 670 dudit code régit l’approbation de la meilleure offre, le paiement et l’adjudication des biens au créancier en cas de mise aux enchères. Cette disposition vise à garantir que, dans la majorité des cas, le meilleur enchérisseur ou le demandeur à...

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