Banque Fédérative du Crédit Mutuel v Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:41
Date24 January 2008
Celex Number62007CC0027
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-27/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme ELEaNOR Sharpston

présentées le 24 janvier 2008 (1)

Affaire C‑27/07

Banque Fédérative du Crédit Mutuel

contre

Ministre de l’Économie, des Finances et de l’Industrie

«Directive 90/435/CEE – Imposition des dividendes transfrontaliers – ‘Bénéfices distribués par [une] filiale’»





1. Le Conseil d’État français demande à la Cour de lui fournir une interprétation de l’article 4 et de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 90/435/CEE (2).

2. La meilleure façon de comprendre cette directive est de l’examiner en liaison avec le problème plus large qu’elle vise à résoudre.

Imposition des dividendes distribués à l’intérieur d’un groupe

3. Les filiales versent à leurs sociétés mères des dividendes sur les bénéfices qu’elles réalisent. Lorsque toutes les sociétés d’un groupe ont leur domicile fiscal dans le même État membre, la filiale sera imposée sur les bénéfices au titre desquels elle a versé les dividendes tandis que la société mère sera imposée (comme n’importe quel autre actionnaire) sur les dividendes qu’elle reçoit et qui constituent pour elle un revenu. Le même revenu est donc taxé à deux reprises dans le chef de deux contribuables différents. C’est ce qu’on appelle la double imposition économique.

4. Pour remédier à cette double imposition, certains États membres ont mis en place des «systèmes d’imputation» conformément auxquels les actionnaires reçoivent un crédit d’impôt représentant tout ou partie de l’impôt des sociétés payé au titre des bénéfices sur lesquels sont payés les dividendes. Le crédit d’impôt est imputé sur la dette fiscale des actionnaires relative à ces dividendes, ce qui a pour effet d’éliminer ou de réduire la double imposition. La République française appliquait naguère ce type de crédit d’impôt national: c’est ce qu’on appelait l’avoir fiscal (3).

5. Les États membres qui accordent de tels crédits d’impôt pour les dividendes voudront s’assurer que l’impôt des sociétés a bel et bien été payé sur les bénéfices distribués sous la forme de dividendes. C’est la raison pour laquelle les systèmes d’imputation prévoient que les sociétés versant des dividendes donnant lieu à un crédit d’impôt devront s’acquitter d’une taxe spéciale, généralement retenue à la source. C’était jadis le cas de la République française, qui imposait un précompte mobilier (4).

6. Lorsqu’un groupe de sociétés comprend une société mère établie dans un État membre et une ou plusieurs filiales établies dans un ou plusieurs autres États membres, le paiement transfrontalier de dividendes par les filiales à la société mère soulèvera manifestement diverses questions fiscales.

7. La plupart des États membres imposent les revenus étrangers des sociétés dont le siège est établi sur leur territoire, revenus qui comprenaient traditionnellement les dividendes versés par des filiales étrangères. La plupart des États membres imposaient également les revenus des sociétés non-résidentes engendrés sur leur territoire et déduisaient les taxes acquittées à la source sur les dividendes transfrontaliers. Un tel précompte permettait à l’État membre de la filiale de recevoir l’impôt dû par les actionnaires qu’il ne pouvait pas atteindre par imposition directe.

8. Lorsqu’une société mère reçoit des dividendes d’une filiale étrangère, ce revenu a donc généralement déjà été imposé deux fois, à savoir qu’il a été, une première fois, assujetti à l’impôt des sociétés étranger, acquitté par la filiale au titre des bénéfices qui ont donné lieu au versement des dividendes; en second lieu, il a été soumis au précompte étranger frappant les dividendes eux-mêmes, qui est l’impôt dû par la société mère (lequel, en réalité, a été retenu à la source par la filiale, qui l’a versé aux autorités fiscales étrangères). Il s’agit à nouveau d’une double taxation économique. Si les dividendes sont soumis à la fois au précompte dans l’État membre de la filiale et à l’impôt sur les sociétés dans l’État membre de la société mère, celle-ci sera imposée sur les mêmes revenus dans deux États membres. Il s’agit d’une double imposition juridique.

9. Afin de réduire ou d’éliminer une telle double taxation, qu’elle soit économique ou juridique, voire les deux, la plupart des États membres accordaient traditionnellement des allègements fiscaux aux bénéficiaires de dividendes possédant leur domicile fiscal sur leur territoire, que ce soit unilatéralement ou en exécution d’une convention contre la double imposition. À cette fin, ils utilisent soit un système d’exemption, soit un système d’imputation.

10. Lorsqu’ils utilisent le système d’exemption, ils exonèrent complètement de l’impôt national sur les revenus ou sur les sociétés tous les revenus étrangers qui remplissent les conditions d’exonération. Lorsqu’ils appliquent le système d’imputation, en revanche, ils continuent à imposer les revenus étrangers, mais accordent à la société mère un crédit pour certains impôts étrangers acquittés en amont sur ces revenus (c’est-à-dire l’impôt versé au titre des bénéfices sur lesquels les dividendes ont été alloués ou le précompte qui a grevé les dividendes), crédit qu’elle pourra imputer ultérieurement sur sa dette fiscale nationale.

11. Conformément aux traités fiscaux conclus par la République française avec d’autres États membres, un tel crédit d’impôt étranger est accordé à une société mère établie en France pour les dividendes qu’elle reçoit d’une filiale établie dans un autre État membre qui les a déjà soumis à un précompte. Le crédit d’impôt étranger est égal au montant de ce précompte.

La directive

12. La directive vise à éliminer le désavantage fiscal que les sociétés établies dans différents États membres qui souhaitent coopérer en créant des groupes de sociétés mères et de filiales subissent par rapport aux sociétés dont les filiales sont établies dans le même État membre (5).

13. L’article 3, paragraphe 1, sous a), impose aux États membres de reconnaître la qualité de société mère au moins à toute société (6) dont le domicile fiscal est établi dans un État membre et qui détient une participation minimale de 25 % (7) dans le capital d’une société d’un autre État membre [définie comme étant une «filiale» à l’article 3, paragraphe 1, sous b)].

14. L’article 4, paragraphe 1, dispose que, lorsqu’une société mère établie dans un État membre reçoit des bénéfices distribués par une filiale établie dans un autre État membre, l’État membre de la société mère soit s’abstient d’imposer ces bénéfices (méthode d’exemption), soit les impose, tout en autorisant cette société mère à déduire du montant de son impôt la fraction de l’impôt de la filiale afférente à ces bénéfices (méthode d’imputation).

15. Conformément à l’article 4, paragraphe 2, cependant, tout État membre garde la faculté de prévoir que des charges se rapportant à la participation et des moins-values résultant de la distribution des bénéfices de la société filiale ne sont pas déductibles du bénéfice imposable de la société mère. Si, dans ce cas, les frais de gestion se rapportant à la participation sont fixés forfaitairement, le montant forfaitaire «ne peut excéder 5 % des bénéfices distribués par la société filiale».

16. L’article 5, paragraphe 1, exige des États membres qu’ils exemptent de retenue à la source les bénéfices distribués par une société filiale à sa société mère. La République fédérale d’Allemagne, la République hellénique et la République portugaise, cependant, bénéficient de dérogations les autorisant, pendant une période transitoire propre à chacun d’entre eux, à appliquer une retenue à la source sur les «bénéfices distribués» par les filiales à leur société mère établie dans un autre État membre (8).

17. L’article 7, paragraphe 2, dispose ce qui suit:

«La présente directive n’affecte pas l’application de dispositions nationales ou conventionnelles visant à supprimer ou à atténuer la double imposition économique des dividendes, en particulier les dispositions relatives au paiement de crédits d’impôt aux bénéficiaires de dividendes.»

18. Conformément à l’article 1er, paragraphe 2, la directive «ne fait pas obstacle à l’application de dispositions nationales ou conventionnelles nécessaires afin d’éviter des fraudes et abus».

19. Sans préjudice des dispositions transitoires énoncées à l’article 5, les États membres étaient tenus de transposer la directive pour le 1...

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