Société Régie Networks v Direction de contrôle fiscal Rhône-Alpes Bourgogne.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:371
Date26 June 2008
Celex Number62007CC0333
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-333/07

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME JULIANE KOKOTT

présentées le 26 juin 2008 (1)

Affaire C‑333/07

Régie Networks

contre

Direction de contrôle fiscal Rhône-Alpes Bourgogne

[demande de décision préjudicielle introduite par la cour administrative d’appel de Lyon (France)]

«Concurrence – Aides d’État – Article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) et article 93 du traité CE (devenu article 88 CE) – Invalidité d’une décision de la Commission – Fonds français de soutien à l’expression radiophonique – Régime d’aide dont les bénéficiaires sont uniquement des entreprises nationales – Financement par une taxe parafiscale sur la publicité radiophonique et télévisée diffusée à l’intérieur du territoire – Perception de la taxe sur la publicité radiophonique et télévisée diffusée au départ de l’étranger également – Maintien provisoire des effets d’une décision déclarée invalide»





I – Introduction

1. La juridiction de renvoi interroge la Cour sur la validité d’une décision en matière d’aides d’État de 1997 par laquelle la Commission des Communautés européennes a décidé de ne pas soulever d’objection à l’encontre d’un régime français amendé de soutien à l’expression radiophonique – aide n° N 679/97 (ci‑après la «décision litigieuse»).

2. Le régime d’aide vise à soutenir financièrement de petites stations de radio à audience locale, appelées radios associatives (2). Un Fonds de soutien à l’expression radiophonique (3) avait d’ores et déjà été institué à cette fin dans les années 1980. Il était financé par une taxe parafiscale sur la publicité – tant radiophonique que télévisée – diffusée en France. Au moment des faits, la taxe s’appliquait également à la publicité radiodiffusée et télévisée à partir de l’étranger vers la France.

3. C’est la question de savoir si la Commission pouvait accepter ce mode de financement d’un régime d’aide national qui est au centre de la présente affaire. Elle offre à la Cour l’occasion de préciser sa jurisprudence, qui date de l’arrêt van Calster e.a. (4), ainsi que les effets qui s’y attachent, et de le faire pour la première fois à propos d’un régime d’aide notifié à la Commission.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

4. La décision litigieuse a été adoptée en 1997. Ce sont donc les dispositions du traité CE dans la version du traité de Maastricht (5) qui constituent le cadre juridique de la présente procédure.

5. L’article 92 du traité CE (devenu, après modification, article 87 CE) s’énonçait à l’époque comme suit:

«1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions.

[…]

3. Peuvent être considérées comme compatibles avec le marché commun:

[…]

c) les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun;

d) les aides destinées à promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l’intérêt commun;

[…]»

6. L’article 93, paragraphe 3, du traité CE (devenu article 88, paragraphe 3, CE) dispose ce qui suit:

«La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l’article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale.»

B – Le droit national

7. Le régime d’aide français en cause a été institué en 1982 et est entré en vigueur le 1er janvier 1983. Il a été prorogé et amendé à plusieurs reprises depuis cette date. Dans sa version en vigueur en 2001, il s’appuyait, d’une part, sur la loi n° 86‑1067, du 30 septembre 1986, relative à la liberté de communication (6), et, d’autre part, sur le décret n° 97‑1263, du 29 décembre 1997, portant création d’une taxe parafiscale au profit d’un Fonds de soutien à l’expression radiophonique, qui a été adopté pour la mise en œuvre de cette loi (7).

8. L’article 80 de la loi n° 86‑1067 dispose ce qui suit:

«Les services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dont les ressources commerciales provenant de messages diffusés à l’antenne et présentant le caractère de publicité de marques ou de parrainages sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total bénéficient d’une aide selon les modalités fixées par décret […].

Le financement de cette aide est assuré par un prélèvement sur les ressources provenant de la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision.

La rémunération perçue par les services de radiodiffusion sonore par voie hertzienne lors de la diffusion de messages destinés à soutenir des actions collectives ou d’intérêt général n’est pas prise en compte pour la détermination du seuil visé à l’alinéa 1er du présent article.»

9. L’article 1er du décret n° 97-1263 est rédigé dans les termes suivants:

«Il est institué, à compter du 1er janvier 1998 et pour une durée de cinq ans, une taxe parafiscale sur la publicité diffusée par voie de radiodiffusion sonore et de télévision destinée à financer un fonds d’aide aux titulaires d’une autorisation de service de radiodiffusion sonore par voie hertzienne dont les ressources commerciales provenant de messages diffusés à l’antenne et présentant le caractère de publicité de marque ou de parrainage sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total.

Cette taxe a pour objet de favoriser l’expression radiophonique.»

10. L’article 2 du décret n° 97-1263 dispose ce qui suit:

«La taxe est assise sur les sommes, hors commission d’agence et hors taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs pour la diffusion de leurs messages publicitaires à destination du territoire français.

Elle est due par les personnes qui assurent la régie de ces messages publicitaires.

Un arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de la communication fixe le tarif d’imposition par paliers de recettes trimestrielles perçues par les régies assujetties, dans les limites suivantes: […]

II. Publicité télévisée

Jusqu’à 3 millions inclus: 6 500

[…]

De 780 à 840 millions inclus: 7 602 070

De 840 à 900 millions inclus: 8 181 250

Au-dessus de 900 millions: 8 760 480» (8).

11. L’article 3 du décret n° 97‑1263 prévoit que le produit de la taxe est versé au Fonds de soutien à l’expression radiophonique, qui est un compte individualisé ouvert dans la comptabilité de l’Institut national de l’audiovisuel (9).

12. Aux termes de l’article 4 du décret n° 97‑1263, la taxe est assise, liquidée et recouvrée, pour le compte du fonds, par la direction générale des impôts (10) selon les mêmes règles, garanties et sanctions que celles qui sont prévues pour la taxe sur la valeur ajoutée.

13. Les articles 7 à 20 du décret n° 97‑1263 énoncent le régime des aides versées par l’Institut national de l’audiovisuel et financées par le produit net de la taxe sur les régies publicitaires versé au Fonds de soutien à l’expression radiophonique. Sont bénéficiaires de ces aides les titulaires d’une autorisation de service de radiodiffusion sonore au sens de l’article 1er du décret n° 97‑1263.

14. Conformément à l’article 7 du décret n° 97‑1263, les aides sont attribuées, dans la limite des fonds disponibles, par une commission dont la composition et le fonctionnement sont réglés par ce même article 7 et par les articles 8 à 11 inclus du décret n° 97‑1263.

15. Le décret n° 97‑1263 instaure trois types d’aides:

– une subvention d’installation attribuée aux stations de radio nouvellement autorisées dont le montant est plafonné à 100 000 FRF (articles 12 et 13 du décret);

– une aide à l’équipement attribuée, conformément à l’article 14 du décret, aux stations de radio sur la base d’un dossier une fois par période de cinq ans; elle ne peut excéder 50 % du montant de l’investissement et est plafonnée à 100 000 FRF;

– une subvention annuelle de fonctionnement attribuée conformément aux conditions d’octroi fixées par les articles 16 et 17 du décret.

16. Le montant de base de la subvention de fonctionnement est fixé sur la base d’un barème établi par la commission du Fonds de soutien à l’expression radiophonique (11) compte tenu des produits d’exploitation normale et courante du service considéré, avant déduction des frais de régie publicitaire.

17. Le montant de base de la subvention de fonctionnement peut être majoré de 60 % en fonction des efforts accomplis par la station de radio pour diversifier les ressources économiques directement liées à l’activité radiophonique, des actions qui l’engagent en faveur de la formation professionnelle de son personnel, de ses actions dans le domaine éducatif et culturel, de la participation qu’il apporte à des actions collectives en matière de programmes et des efforts accomplis dans les domaines de la communication sociale de proximité et de l’intégration.

18. Enfin, il convient d’observer que le régime d’aide litigieux a été une nouvelle fois amendé en 2003 et que, depuis ce remaniement, seules les publicités diffusées au départ du territoire français sont encore soumises à la taxe, tandis que les publicités diffusées au départ de l’étranger à destination de la France ne le sont plus (12).

III – Contexte du litige

A – Les décisions de la Commission sur le régime d’aide français

19. Le régime d’aide français litigieux a déjà été notifié à la Commission à plusieurs reprises –...

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