Acacia Srl v Pneusgarda Srl and Audi AG and Acacia Srl and Rolando D'Amato v Dr. Ing. h.c.F. Porsche AG.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:730
Date28 September 2017
Celex Number62016CC0397
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-435/16,C-397/16
62016CC0397

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. HENRIK SAUGMANDSGAARD ØE

présentées le 28 septembre 2017 ( 1 )

Affaires jointes C‑397/16 et C‑435/16

Acacia Srl

contre

Pneusgarda Srl, en faillite,

Audi AG

[demande de décision préjudicielle formée par la Corte d’appello di Milano (cour d’appel de Milan, Italie)]

et

Acacia Srl,

Rolando D’Amato

contre

Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Règlement (CE) no 6/2002 – Dessins ou modèles communautaires – Article 110, paragraphe 1 – Exception à la protection – Utilisation autorisée – Pièce de rechange – Jante de voiture – Notion de “pièce d’un produit complexe” – Absence d’exigence tenant à ce que la forme de la pièce soit imposée par l’apparence du produit complexe – Libéralisation extensive du marché des pièces de rechange – Exigence d’utilisation dans le but de permettre la réparation du produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale – Mesures de précaution à prendre par le fabricant ou le vendeur non titulaire – Obligation de diligence quant au respect des conditions d’utilisation par les utilisateurs situés en aval »

I. Introduction

1.

La Corte d’appello di Milano (cour d’appel de Milan, Italie) et le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) ont adressé à la Cour des demandes tendant à obtenir une décision préjudicielle sur l’interprétation de l’article 110, paragraphe 1, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires ( 2 ).

2.

Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, d’une part, Acacia Srl à Pneusgarda Srl, en faillite, et à Audi AG et, d’autre part, Acacia et M. Rolando D’Amato à Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG (ci-après « Porsche ») au sujet de la fabrication et de la commercialisation par Acacia de jantes reproduisant des dessins ou des modèles communautaires dont Audi et Porsche sont titulaires.

3.

Les questions posées par les juridictions de renvoi visent à déterminer si Acacia peut se prévaloir, dans le cadre des litiges au principal, de la clause de réparation prévue à l’article 110, paragraphe 1, du règlement no 6/2002. Cette clause établit une exception à la protection au titre de dessin ou modèle communautaire, en faveur des pièces de rechange utilisées dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale.

4.

En substance, je proposerai à la Cour de répondre à ces questions comme suit. D’une part, les jantes de voiture fabriquées par Acacia relèvent de cette clause de réparation si elles sont utilisées dans le but de permettre la réparation de la voiture en vue de lui rendre son apparence initiale. D’autre part, un fabricant ou un vendeur de jantes, tel qu’Acacia, peut se prévaloir de ladite clause s’il satisfait à une obligation de diligence quant au respect par les utilisateurs situés en aval des conditions d’utilisation mentionnées ci-avant.

II. Le cadre juridique

A. Le règlement no 6/2002

5.

Le considérant 13 du règlement no 6/2002, qui évoque les clauses de réparation respectivement incluses dans ce règlement et dans la directive 98/71/CE ( 3 ), énonce :

« La directive [98/71] ne permet pas de procéder à un rapprochement total des législations des États membres relatives à l’utilisation de dessins ou modèles protégés dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale, lorsque le dessin ou modèle est appliqué à un produit ou incorporé dans un produit qui constitue une pièce d’un produit complexe dont l’apparence conditionne le dessin ou modèle protégé. Dans le cadre de la procédure de conciliation concernant ladite directive, la Commission [européenne] s’est engagée à analyser l’impact des dispositions de cette directive trois ans après la date limite de transposition de celle-ci, en particulier sur les secteurs industriels les plus concernés. Dans ces conditions, il convient de ne pas conférer de protection au titre de dessin ou modèle communautaire à l’égard d’un dessin ou modèle qui est appliqué à un produit, ou incorporé dans un produit qui constitue une pièce d’un produit complexe dont l’apparence conditionne le dessin ou modèle et qui est utilisée dans le but de permettre la réparation d’un produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale, tant que le Conseil [de l’Union européenne] n’a pas arrêté sa politique en la matière sur la base d’une proposition de la Commission. »

6.

L’article 3 de ce règlement comporte les définitions suivantes :

« [...]

a)

“dessin ou modèle” : l’apparence d’un produit ou d’une partie de produit que lui confèrent, en particulier, les caractéristiques des lignes, des contours, des couleurs, de la forme, de la texture et/ou des matériaux du produit lui-même et/ou de son ornementation ;

b)

“produit” : tout article industriel ou artisanal, y compris, entre autres, les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, emballage, présentation, symboles graphiques et caractères typographiques, à l’exclusion, toutefois, des programmes d’ordinateur ;

c)

“produit complexe” : un produit se composant de pièces multiples qui peuvent être remplacées de manière à permettre le démontage et le remontage du produit. »

7.

L’article 4 du règlement no 6/2002, intitulé « Conditions de protection », dispose :

« 1. La protection d’un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n’est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel.

2. Un dessin ou modèle appliqué à un produit ou incorporé dans un produit qui constitue une pièce d’un produit complexe n’est considéré comme nouveau et présentant un caractère individuel que dans la mesure où :

a)

la pièce, une fois incorporée dans le produit complexe, reste visible lors d’une utilisation normale de ce produit, et

b)

les caractéristiques visibles de la pièce remplissent en tant que telles les conditions de nouveauté et de caractère individuel.

3. Par “utilisation normale” au sens du paragraphe 2, point a), on entend l’utilisation par l’utilisateur final, à l’exception de l’entretien, du service ou de la réparation. »

8.

L’article 19, paragraphe 1, de ce règlement, intitulé « Droits conférés par le dessin ou modèle communautaire », est libellé comme suit :

« Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins. »

9.

L’article 21 dudit règlement, intitulé « Épuisement des droits », prévoit :

« Les droits conférés par le dessin ou modèle communautaire ne s’étendent pas aux actes portant sur un produit dans lequel est incorporé ou auquel s’applique un dessin ou modèle entrant dans le champ de la protection du dessin ou modèle communautaire, lorsque le produit a été mis sur le marché, sur le territoire de la Communauté, par le titulaire du dessin ou modèle communautaire ou avec son consentement. »

10.

L’article 110 du règlement no 6/2002, intitulé « Disposition transitoire », prévoit :

« 1. Jusqu’à la date d’entrée en vigueur des modifications apportées au présent règlement, sur proposition de la Commission à ce sujet, une protection au titre de dessin ou modèle communautaire n’existe pas à l’égard d’un dessin ou modèle qui constitue une pièce d’un produit complexe qui est utilisée au sens de l’article 19, paragraphe 1, dans le but de permettre la réparation de ce produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale.

2. La proposition de la Commission, visée au paragraphe 1, sera présentée en même temps que les changements que la Commission soumettra sur le même sujet conformément à l’article 18 de la directive [98/71] et tiendra compte de ces changements. »

B. Le droit italien

11.

L’article 241 du Decreto legislativo, n. 30, Codice della proprietà industriale (décret législatif no 30, portant code de la propriété industrielle), du 10 février 2005 (GURI no 52, du 4 mars 2005), tel que modifié par le Decreto legislativo, n. 131(décret législatif no 131), du 13 août 2010 ( GURI no 192, du 18 août 2010), intitulé « Droits exclusifs sur les pièces d’un produit complexe », énonce :

« Aussi longtemps que la directive [98/71] n’aura pas été modifiée sur proposition de la Commission en vertu de l’article 18 de cette même directive, les droits exclusifs sur les pièces d’un produit complexe ne peuvent être invoqués pour faire obstacle à la fabrication et à la vente de ces pièces aux fins de la réparation du produit complexe en vue de lui rendre son apparence initiale. »

III. Les litiges au principal et les questions préjudicielles

A. L’affaire C-397/16

12.

Audi est titulaire de plusieurs modèles communautaires de jantes en alliage aluminium.

13.

Audi considère que certains modèles de jantes répliques en alliage de la marque WSP Italy, produits par Acacia et vendus par le revendeur indépendant Pneusgarda, constituent des contrefaçons des modèles communautaires dont elle est titulaire. Elle a donc attaqué Acacia et Pneusgarda devant le Tribunale di Milano (tribunal de Milan, Italie) afin de faire constater la violation alléguée et de faire interdire l’activité...

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