B. Martens v Minister van Onderwijs, Cultuur en Wetenschap.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2240
Docket NumberC-359/13
Celex Number62013CC0359
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date24 September 2014
62013CC0359

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

MME ELEANOR SHARPSTON

présentées le 24 septembre 2014 ( 1 )

Affaire C‑359/13

B. Martens

contre

Minister van Onderwijs, Cultuur en Wetenschap

[demande de décision préjudicielle formée par le Centrale Raad van Beroep (Pays-Bas)]

«Financement d’études supérieures dans les territoires d’outre-mer — Condition de résidence — Règle des trois ans sur six — Ancien travailleur frontalier»

1.

La demande de décision préjudicielle dans la présente affaire porte, de nouveau, sur la possibilité de prétendre au financement accordé par le Royaume des Pays-Bas pour des études supérieures en dehors des Pays-Bas eux-mêmes – ce qu’on désigne par les termes meeneembare studie financiering (ci-après le «MNSF» ou «financement portable des études»). Dans son arrêt Commission/Pays-Bas (C‑542/09) ( 2 ), la Cour a jugé que la règle néerlandaise en vertu de laquelle tout demandeur d’un tel financement devait, en plus d’avoir droit à un financement des études aux Pays-Bas, avoir légalement résidé aux Pays-Bas pendant au moins trois années au cours des six années précédant son inscription (ci-après la «règle des trois ans sur six») était contraire à l’article 45 TFUE et à l’article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) no 1612/68 ( 3 ), au motif qu’elle était indirectement discriminatoire.

2.

La règle des trois ans sur six a néanmoins été appliquée à Mme Martens, une ressortissante néerlandaise résidant en Belgique pendant la quasi-totalité de sa scolarité, qui a demandé aux autorités néerlandaises un financement portable des études pour aller à Curaçao (Antilles néerlandaises) en vue d’y poursuivre des études supérieures. Son père (également ressortissant néerlandais résidant en Belgique) a travaillé à temps partiel aux Pays-Bas pendant un certain temps et Mme Martens a obtenu un MNSF pour ses études universitaires pour cette période. Toutefois, il lui a été refusé un financement pour la poursuite de ses études dès que son père a cessé d’être travailleur frontalier parce que la règle des trois ans sur six a été alors appliquée à son cas et qu’elle n’y satisfaisait pas.

3.

Le Centrale Raad van Beroep (Tribunal central du contentieux administratif, Pays-Bas) demande, en substance, si i) la libre circulation des travailleurs ou ii) les droits attachés à la citoyenneté de l’Union s’opposent à ce que le Royaume des Pays-Bas applique la règle des trois ans sur six dans une telle situation. En particulier, il demande si M. Martens peut opposer au Royaume des Pays-Bas des droits tirés de la libre circulation des travailleurs après avoir cessé d’être travailleur frontalier dans cet État membre. S’il ne le peut pas, la juridiction de renvoi demande à être éclairée sur la question de savoir si Mme Martens peut invoquer ses propres droits en tant que citoyen de l’Union.

Le droit de l’Union

Le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

4.

L’article 20, paragraphe 1, TFUE institue la citoyenneté de l’Union. En vertu de l’article 20, paragraphe 2, les citoyens de l’Union «jouissent des droits et sont soumis aux devoirs prévus par les traités». En particulier, l’article 20, paragraphe 2, sous a), confère aux citoyens de l’Union «le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres». L’article 21 confirme ce droit, ajoutant qu’il vaut «sous réserve des limitations et conditions prévues par les traités et par les dispositions prises pour leur application».

5.

L’article 45 TFUE dispose:

«1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de l’Union.

2. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

[…]»

6.

Tandis que l’article 52, paragraphe 1, TUE dispose que les traités s’appliquent notamment «au Royaume des Pays-Bas», dont Curaçao fait partie ( 4 ), l’article 52, paragraphe 2, TUE renvoie à l’article 355 TFUE pour la définition du champ d’application territoriale des traités. En vertu de l’article 355, paragraphe 2, TFUE, les pays et territoires d’outre-mer (ci-après les «PTOM») dont la liste figure à l’annexe II dudit traité font l’objet du régime spécial d’association défini dans la quatrième partie du TFUE ( 5 ). Cette liste à l’annexe II inclut les Antilles néerlandaises, qui comprennent Curaçao. Ces pays et territoires sont décrits à l’article 198, premier alinéa, TFUE (la première disposition de la quatrième partie) comme des «pays et territoires non européens entretenant avec le Danemark, la France, les Pays-Bas et le Royaume‑Uni des relations particulières» que les États membres «conviennent d’associer à l’Union».

7.

La quatrième partie du TFUE concerne «[l]’association des pays et territoires d’outre-mer». L’article 202 TFUE indique que «[s]ous réserve des dispositions qui régissent la santé publique, la sécurité publique et l’ordre public, la liberté de circulation des travailleurs des pays et territoires dans les États membres et des travailleurs des États membres dans les pays et territoires est régie par des actes adoptés conformément à l’article 203» ( 6 ).

Le règlement no 1612/68

8.

Le règlement no 1612/68 prévoit des règles complémentaires pour garantir la liberté des ressortissants d’un État membre de travailler dans un autre État membre et met ainsi en œuvre les dispositions du traité sur la libre circulation des travailleurs. Le premier considérant de ce règlement en décrit l’objectif général comme étant celui de réaliser «l’abolition, entre les travailleurs des États membres, de toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail, ainsi que le droit pour ces travailleurs de se déplacer librement à l’intérieur de [l’Union] pour exercer une activité salariée, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique».

9.

Les troisième et quatrième considérants indiquent respectivement que «la libre circulation constitue pour les travailleurs et leur famille un droit fondamental» et que ce droit doit être reconnu «aux travailleurs ‘permanents’, saisonniers, frontaliers ou qui exercent leur activité à l’occasion d’une prestation de services».

10.

Aux termes du cinquième considérant, l’exercice de ce droit fondamental «dans des conditions objectives de liberté et de dignité» exige «que soit assurée, en fait et en droit, l’égalité de traitement pour tout ce qui se rapporte à l’exercice même d’une activité salariée et à l’accès au logement, et aussi que soient éliminés les obstacles qui s’opposent à la mobilité des travailleurs notamment en ce qui concerne le droit pour le travailleur de se faire rejoindre par sa famille, et les conditions d’intégration de cette famille dans le milieu du pays d’accueil».

11.

L’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 dispose qu’un travailleur ressortissant d’un État membre «bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux» sur le territoire d’un autre État membre.

12.

L’article 12 du règlement no 1612/68 dispose:

«Les enfants d’un ressortissant d’un État membre qui est ou a été employé sur le territoire d’un autre État membre sont admis aux cours d’enseignement général, d’apprentissage et de formation professionnelle dans les mêmes conditions que les ressortissants de cet État, si ces enfants résident sur son territoire.

[…]»

La directive 2004/38/CE

13.

L’article 24 de la directive 2004/38/CE ( 7 ) dispose:

«1. Sous réserve des dispositions spécifiques expressément prévues par le traité et le droit dérivé, tout citoyen de l’Union qui séjourne sur le territoire de l’État membre d’accueil en vertu de la présente directive bénéficie de l’égalité de traitement avec les ressortissants de cet État membre dans le domaine d’application du traité. Le bénéfice de ce droit s’étend aux membres de la famille, qui n’ont pas la nationalité d’un État membre et qui bénéficient du droit de séjour ou du droit de séjour permanent.

2. Par dérogation au paragraphe 1, l’État membre d’accueil n’est pas obligé […], avant l’acquisition du droit de séjour permanent, d’octroyer des aides d’entretien aux études, y compris pour la formation professionnelle, sous la forme de bourses d’études ou de prêts, à des personnes autres que les travailleurs salariés, les travailleurs non salariés, les personnes qui gardent ce statut, et les membres de leur famille».

Le droit néerlandais

La Charte du Royaume des Pays-Bas

14.

La Charte du Royaume des Pays-Bas, tel qu’amendée en 2010, prévoit que le Royaume des Pays-Bas se compose des Pays-Bas, d’Aruba, de Curaçao et de Saint-Martin ( 8 ). Les Pays-Bas et les autres entités formant le Royaume des Pays‑Bas partagent une nationalité, un chef d’État et une politique étrangère et de défense uniques. Toutefois, des domaines tels que l’enseignement et le financement des études demeurent autonomes, bien qu’une coopération soit possible.

La loi sur le financement des études

15.

La loi sur le financement des études (Wet Studiefinanciering, ci‑après la «Wsf 2000») établit les conditions de financement des études aux Pays-Bas et à l’étranger. Un financement des études supérieures aux Pays-Bas est ouvert aux étudiants, ayant entre 18 et 29 ans, qui étudient dans un établissement d’enseignement désigné ou agréé et remplissent une condition de nationalité. L’article 2.2 définit la condition de nationalité. Les personnes pouvant prétendre au financement comprennent les ressortissants néerlandais et les ressortissants non...

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