Banca popolare di Cremona Soc. coop. arl v Agenzia Entrate Ufficio Cremona.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:172
Docket NumberC-475/03
Celex Number62003CC0475(01)
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date14 March 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme CHRISTINE Stix-Hackl

présentées le 14 mars 2006 (1)

Affaire C‑475/03

Banca popolare di Cremona soc. coop.arl

contre

Agenzia Entrate Ufficio Cremona

[demande de décision préjudicielle formée par la Commissione tributaria provinciale di Cremona (Italie)]

«TVA – Imposition intérieure – Impôt régional sur les activités de production»





Introduction

La procédure

1. Dans la présente affaire, la Commissione tributaria provinciale di Cremona (Italie) soulève la question de savoir si l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive TVA (2) interdit le prélèvement d’une taxe comme l’imposta regionale sulle attività produttive italienne, généralement désignée par l’acronyme «IRAP». Dans la procédure au principal, la Banca popolare di Cremona soc. Coop.arl (ci-après la «Banca popolare») demande le remboursement de divers montants payés au titre de l’IRAP en 1998 et en 1999.

2. À la suite des observations écrites et orales formulées par la Banca popolare, le gouvernement italien et la Commission des Communautés européennes, l’avocat général Jacobs a présenté ses conclusions le 17 mars 2005 (3), indiquant qu’une taxe nationale qui:

– est perçue à charge de toutes les personnes physiques et morales exerçant régulièrement des activités en vue de produire ou d’échanger des biens ou de prester des services,

– frappe la différence entre les revenus et les coûts de l’activité taxable,

– est perçue à chaque stade du processus de production et de distribution qui correspond à une ou à plusieurs livraisons de biens ou prestations de services par un assujetti, et

– impose à chacun de ces stades une charge qui est globalement proportionnelle au prix auquel les biens ou les services sont vendus

doit être considérée comme une taxe sur le chiffre d’affaires prohibée par l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive.

3. Toutefois, compte tenu de ce que l’obligation de rembourser d’importants montants de taxes dont la perception était contraire au droit communautaire pourrait gravement perturber le financement des régions en Italie et compte tenu de ce que la Commission semble avoir contribué par son attitude à renforcer le gouvernement italien dans sa conviction que l’IRAP était compatible avec le droit communautaire, il recommandait également à la Cour de fixer une limite aux effets de la décision dans le temps.

4. De plus, eu égard à l’effet des différentes tactiques éventuellement mises en œuvre dans l’attente de cette décision, il envisageait la possibilité d’adopter une nouvelle approche de cette limitation. Il a constaté que certaines juridictions nationales pouvaient déclarer une mesure illégale tout en fixant une date future avant laquelle les particuliers ne peuvent pas invoquer cette illégalité dans un recours dirigé contre l’État, la date en question étant choisie de façon à laisser suffisamment de temps pour qu’une nouvelle législation puisse être adoptée. Il estimait toutefois souhaitable, si une telle solution devait être envisagée, que la Cour rouvre les débats sur ce point. Sept États membres ont ensuite demandé la réouverture de la procédure orale à cette fin.

5. Le 21 octobre 2005, la grande chambre a décidé de rouvrir la procédure orale et a fixé une nouvelle audience au 14 décembre 2005, demandant aux parties au principal, aux États membres, au Conseil de l’Union européenne et à la Commission de prendre position sur les questions suivantes (4):

a) Quels sont les critères permettant de qualifier une taxe de taxe sur le chiffre d’affaires au sens de l’article 33, paragraphe 1, de la sixième directive, compte tenu de l’objectif de cette disposition et du fonctionnement du marché?

b) Dans quelle mesure les opérations des banques sont-elles susceptibles de faire l’objet d’une telle taxe?

c) Eu égard aux conclusions de l’avocat général Jacobs, dans quelles conditions et de quelle manière peuvent être limités dans le temps les effets d’un arrêt rendu par la Cour à titre préjudiciel?

6. La Banca popolare, treize États membres et la Commission ont déposé des observations écrites, bien que seuls quelques-uns des États membres aient abordé les première et deuxième questions, et la Banca popolare, douze États membres et la Commission ont défendu oralement leur position lors de la seconde audience, les États membres se concentrant une fois encore pour la plupart exclusivement sur l’aspect de la limitation dans le temps.

Les caractéristiques de l’IRAP

7. Comme l’a souligné l’avocat général Jacobs, seules les juridictions italiennes sont compétentes pour déterminer les caractéristiques précises de l’IRAP. Le rôle de la Cour est d’interpréter le droit communautaire d’une façon telle que le juge de renvoi puisse l’appliquer utilement à la taxe dont il doit apprécier la légalité (5). Ce faisant, la Cour doit donc supposer que la nature de la taxe est telle que décrite dans la décision de renvoi.

8. Cette description est la suivante:

«1) Comme le montre la définition de l’article 2 [(6)], l’IRAP s’applique de façon généralisée à toute opération commerciale de production ou d’échange ayant pour objet des biens ou des services, qui est réalisée dans l’exercice habituel d’une activité destinée à cette fin, à savoir l’exploitation d’entreprises ou la pratique d’arts et de professions.

Il existe de ce fait une correspondance précise entre la ‘condition de perception de la taxe’ qu’est l’IRAP, visée à l’article 2, et l’ensemble des ‘opérations imposables’ définies à l’article 1er du décret instituant la TVA et qui constituent la condition de la perception de cette dernière.

2) En vertu de l’article 4, premier alinéa, l’IRAP frappe la valeur nette découlant d’activités productives ou la valeur nette ‘ajoutée’ au produit par le producteur.

L’IRAP est donc une taxe sur la ‘valeur ajoutée’ produite et l’on parle justement de ‘vap’ [(7)] pour désigner la base de calcul de la nouvelle taxe.

L’objet imposable de l’IRAP coïncide aussi de ce fait en tout et pour tout à celui de la TVA. Dans le cas de la TVA, la détermination et la taxation de la fraction ou du segment de valeur ajoutée (vap) qui a été produite par le producteur sont réalisées par le mécanisme de la déduction de taxe de la taxe (la taxe en aval payée sur les achats est déduite de la taxe en amont encaissée sur les ventes). Dans le cas de l’IRAP, la fraction est calculée et taxée en déduisant quasi de la recette des ‘ventes’ le coût d’acquisition du ‘vendu’.

Dans la taxation ‘fractionnée’, la TVA et l’IRAP se ressemblent comme deux gouttes d’eau. Il ne faut pas se laisser tromper par la diversité des expédients techniques utilisés pour la détermination de l’imposable et de la taxe. Dans le cas de la TVA, pour déterminer ce que chaque opérateur doit payer, on recourt à l’expédient consistant à déduire de la TVA sur les ventes la TVA sur le coût de ce qui est vendu; la différence, si elle est positive pour le fisc, est la TVA due à partir de laquelle on peut remonter à la détermination quantitative de la valeur ajoutée taxée auprès de l’opérateur.

Dans le cas de l’IRAP, le procédé est renversé.

On ne part pas de la taxe due pour remonter à la valeur ajoutée taxée mais l’on part de la valeur ajoutée et, à partir d’elle, on remonte à la taxe. Cette diversité n’affecte pas la substance des choses qui est la suivante: les deux taxes frappent, à chaque phase du processus de production et de distribution, la fraction de valeur ajoutée qui s’est formée auprès du producteur qui a pris part au processus de production et/ou de distribution. Dans un cas (TVA), en déduisant la taxe de la taxe, dans l’autre (IRAP), en déduisant la base de la base, les coûts des recettes.

3) L’IRAP est perçue à chaque phase du processus de production ou de distribution, puisque chaque opérateur qui s’insère dans une phase du cycle, en produisant de la valeur ajoutée taxable, est élevé par la loi au rang d’assujetti. Si, par hypothèse, les phases du cycle sont au nombre de trois, dans le chef de Pierre, Paul, Jacques, ceux-ci sont tous les trois de façon distincte et autonome assujettis à l’IRAP, chacun avec une taxation sur 100. Il en va de même dans le cas de la TVA.

4) Il faut enfin observer que la somme des IRAP perçues durant les différentes phases du cycle, de la production à la mise à la consommation, est égale au taux de l’IRAP appliqué au prix de vente de biens et de services appliqué lors de la mise à la consommation. Ainsi, en dépit du fractionnement, l’IRAP finit par agir comme une taxe générale et proportionnelle sur le prix de cession à la consommation de biens et de services.»

9. L’avocat général Jacobs a fondé son analyse sur cette description, mais aussi sur les constatations faites par la Corte costituzionale (cour constitutionnelle) dans son arrêt n° 256/2001 du 10 mai 2001, par lequel elle rejette divers recours contre l’IRAP fondés sur une prétendue incompatibilité avec la Constitution italienne.

10. Il remarque, plus précisément, que l’IRAP «n’est pas perçue sur le revenu personnel de contribuables, mais plutôt sur la valeur ajoutée produite par les activités organisées de façon autonome» et que «la charge économique de la taxe peut en fait être transférée dans le prix des biens ou services, conformément aux lois applicables au marché, ou être couverte en tout ou en partie par des choix d’organisation appropriés» (8).

11. Dans la mesure où certains aspects de la description de l’IRAP donnée par les juridictions nationales pourraient s’écarter de celle donnée par les pièces déposées devant la Cour – la Banca popolare, le gouvernement italien et la Commission ayant chacun donné leur propre description –, la Cour est en principe tenue d’accepter le compte-rendu des faits qui lui a été exposé dans la décision de renvoi. Cependant, l’existence même et la nature de pareilles divergences pourraient être révélatrices de domaines dans lesquels il pourrait être utile pour la Cour...

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