Hummel Holding A/S v Nike Inc. and Nike Retail B.V.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2017:13
Date12 January 2017
Celex Number62015CC0617
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-617/15
62015CC0617

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. EVGENI TANCHEV

présentées le 12 janvier 2017 ( 1 )

Affaire C‑617/15

Hummel Holding A/S

contre

Nike Inc. et

Nike Retail B.V.

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf, Allemagne)]

«Renvoi préjudiciel — Propriété intellectuelle — Marque de l’Union européenne — Compétence internationale — Compétence internationale étendue à l’ensemble de l’Union européenne — “Actor sequitur forum rei — Notion d’“établissement” au sens de l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 sur la marque de l’Union européenne — Action en contrefaçon de marque dirigée contre une entreprise ayant son siège hors de l’Union — Compétence fondée sur le siège dans un État membre de la filiale juridiquement distincte de l’entreprise dans l’État tiers»

1.

Les marques de l’Union européenne nécessitent une protection effective dans toute l’Union ( 2 ).

2.

La meilleure façon d’y parvenir est de permettre aux juridictions de rendre des décisions ayant une portée paneuropéenne, c’est-à–dire couvrant les atteintes aux marques survenant non seulement dans l’État membre du for mais également dans n’importe quel État membre de l’Union ( 3 ). Le législateur de l’Union a prévu une solution globale de cette nature ( 4 ), mais confère la compétence étendue ( 5 ) nécessaire exclusivement à la juridiction qui fonde sa compétence internationale sur l’article 97, paragraphes 1 à 4, du règlement (CE) no 207/2009 ( 6 ). Il suspend ainsi les règles de compétence plus générales du règlementno 207/2009 ainsi que celles prévues par le règlement (CE) no 44/2001 ( 7 ) ( 8 ).

3.

L’Oberlandesgericht Düsseldorf (tribunal régional supérieur de Düsseldorf (Allemagne), en sa qualité de tribunal des marques de l’Union européenne, demande à la Cour de justice de lui préciser s’il dispose de cette compétence étendue au regard d’une action en contrefaçon formée par une entreprise danoise contre un défendeur établi aux États-Unis d’Amérique. Aux termes de l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 207/2009, une juridiction est investie d’une compétence internationale si le défendeur, qui n’a pas son domicile dans l’Union, a un établissement sur le territoire de l’État membre du for. Le défendeur établi aux États-Unis disposant d’une sous-filiale en Allemagne, la question se pose de savoir si cette entité est un « établissement » au sens de l’article 97, paragraphe 1, du règlementno 207/2009.

I. Le cadre juridique

A. Le règlementno 207/2009

4.

Aux termes du considérant 16 du règlementno 207/2009 :

« (16)

Il est indispensable que les décisions sur la validité et la contrefaçon des marques de l’Union européenne produisent effet et s’étendent à l’ensemble de la Communauté, seul moyen d’éviter des décisions contradictoires des tribunaux et de l’Office [de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO)], et des atteintes au caractère unitaire des marques de l’Union européenne. Ce sont les dispositions du [règlement Bruxelles I] qui devraient s’appliquer à toutes les actions en justice relatives aux marques de l’Union européenne, sauf si le présent règlement y déroge».

5.

L’article 97 est intitulé « Compétence internationale » et prévoit en ses paragraphes 1 et 2 :

« 1. Sous réserve des dispositions du présent règlement ainsi que des dispositions du [règlement Bruxelles I] applicables en vertu de l’article 94, les procédures résultant des actions et demandes visées à l’article 96 sont portées devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel le défendeur a son domicile ou, si celui-ci n’est pas domicilié dans l’un des États membres, de l’État membre sur le territoire duquel il a un établissement.

2. Si le défendeur n’a ni son domicile, ni un établissement sur le territoire d’un État membre, ces procédures sont portées devant les tribunaux de l’État membre sur le territoire duquel le demandeur a son domicile ou, si ce dernier n’est pas domicilié dans l’un des États membres, de l’État membre sur le territoire duquel il a un établissement ».

6.

L’article 98 du règlement no 207/2009, intitulé « Étendue de la compétence », dispose en son paragraphe 1 :

« Un tribunal des marques de l’Union européenne dont la compétence est fondée sur l’article 97, paragraphes 1 à 4, est compétent pour statuer sur :

a)

les faits de contrefaçon commis ou menaçant d’être commis sur le territoire de tout État membre ;

b)

les faits visés à l’article 9, paragraphe 3, deuxième phrase, commis sur le territoire de tout État membre ».

B. Le règlement Bruxelles I

7.

Les considérants 11 et 12 du règlement Bruxelles I sont libellés comme suit :

« (11)

Les règles de compétence doivent présenter un haut degré de prévisibilité et s’articuler autour de la compétence de principe du domicile du défendeur et cette compétence doit toujours être disponible, sauf dans quelques cas bien déterminés où la matière en litige ou l’autonomie des parties justifie un autre critère de rattachement. S’agissant des personnes morales, le domicile doit être défini de façon autonome de manière à accroître la transparence des règles communes et à éviter les conflits de juridictions.

(12)

Le for du domicile du défendeur doit être complété par d’autres fors autorisés en raison du lien étroit entre la juridiction et le litige ou en vue de faciliter une bonne administration de la justice ».

8.

Les articles 2 et 4 figurant sous la section 1 du chapitre II intitulé « Compétence », et relative aux « Dispositions générales », disposent en leurs paragraphes 1 respectifs :

Article 2

« 1. Sous réserve des dispositions du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre ».

Article 4

« 1. Si le défendeur n’est pas domicilié sur le territoire d’un État membre, la compétence est, dans chaque État membre, réglée par la loi de cet État membre, sous réserve de l’application des dispositions des articles 22 et 23 ».

II. Les faits au principal et la question préjudicielle

9.

Hummel Holding A/S, la partie requérante au principal, est un fabricant d’articles de sport, de vêtements de sport et de loisirs établi au Danemark. Estimant que deux sociétés du groupe Nike vendent des articles de vêtement de sport contrefaisant la marque figurative internationale no 943057 dont elle est titulaire et dont l’enregistrement produit également ses effets dans l’Union pour des produits de la classe 25, la requérante a intenté contre ces deux dernières un recours devant le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf, Allemagne).

10.

La première défenderesse, Nike Inc., est la société de tête du groupe Nike, et a son siège aux États-Unis.

11.

La seconde défenderesse, Nike Retail B.V., établie aux Pays-Bas, appartient également à ce groupe. Elle exploite le site Internetwww.nike.com/de, sur lequel les produits Nike sont présentés et proposés, en anglais et en allemand, à destination de l’Allemagne ainsi que d’autres pays.

12.

La requérante fait valoir que la plupart des contrefaçons ont eu lieu en Allemagne. Dans ce pays, les produits peuvent être commandés en ligne par le site Internet de Nike Retail ou par l’intermédiaire de revendeurs indépendants ne faisant pas partie du groupe Nike et qui, eux-mêmes, commandent ces produits auprès de Nike Retail. Les services de prévente et d’après-vente en Allemagne sont assurés par la société Nike Deutschland GmbH. Elle ne vend pas de produits NIKE mais assiste les clients par téléphone ou par messagerie électronique lors des commandes, et représente Nike Retail pour les contrats conclus avec les distributeurs. En ce qui concerne les services après-vente, Nike Deutschland se charge des questions relatives aux échanges ou aux réclamations et assiste les distributeurs pour la publicité et l’exécution des contrats.

13.

Nike Deutschland a son siège à Francfort-sur-le-Main (Allemagne) et n’est pas partie à la procédure au principal. Elle est cependant une sous-filiale de la première défenderesse, Nike, et sa présence en Allemagne est l’élément central de l’argumentation que fait valoir la partie requérante en faveur de la compétence des juridictions allemandes.

14.

La requérante au principal a demandé au Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) d’ordonner i) la cessation de l’importation et de l’exportation, de la publicité, de l’offre, de la mise sur le marché et du consentement à la mise sur le marché de ces produits, ii) la production, notamment, de copies de factures, le retrait des marchandises contrefaisantes des circuits de distribution et leur destruction ainsi que iii) la reconnaissance de son droit à indemnisation.

15.

Les conclusions de la requérante portent, en ce qui concerne la première défenderesse, 1) sur le territoire de l’Union et, à titre subsidiaire, 2) sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne. Pour ce qui concerne la deuxième défenderesse, l’objet du recours ne porte que sur le territoire de la République fédérale d’Allemagne. La décision de renvoi ne concerne que le premier chef de demande.

16.

Estimant que Nike Deutschland devait être considérée comme un établissement de la première défenderesse, créant ainsi un lien entre la défenderesse établie aux États-Unis et la République fédérale d’Allemagne, le Landgericht Düsseldorf (tribunal régional de Düsseldorf) a jugé qu’il disposait de la compétence internationale...

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