Opinion of Advocate General Szpunar delivered on 23 April 2020.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2020:307
Date23 April 2020
Celex Number62018CC0806
CourtCourt of Justice (European Union)

Édition provisoire

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. MACIEJ SZPUNAR

présentées le 23 avril 2020(1)

Affaire C-806/18

JZ

[Demande de décision préjudicielle adressée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas)]

« Renvoi préjudiciel – Espace de liberté, de sécurité et de justice – Directive 2008/115/CE – Article 11 – Interdiction d’entrée – Ressortissant d’un pays tiers frappé d’une interdiction d’entrée mais n’ayant jamais quitté l’État membre concerné – Peine d’emprisonnement »






1. Dans la présente demande de décision préjudicielle adressée par le Hoge Raad der Nederlanden (Cour suprême des Pays-Bas), la Cour est une nouvelle fois appelée à apprécier si les dispositions de la directive 2008/115/CE (2) s’opposent à une règle de droit pénal national sanctionnant le séjour irrégulier d’une peine d’emprisonnement.

2. Si, en l’espèce, l’État membre en cause peut, en principe, prévoir une telle peine, la question vise à savoir, plus particulièrement, s’il l’a fait de manière régulière.

Le cadre juridique

Le droit de lUnion

3. L’objectif de la directive 2008/115 est défini comme suit à l’article 1er de celle-ci, intitulé « Objet » :

« La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu’au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l’homme. »

4. L’article 3 de la directive, intitulé « Définitions », dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

2) “séjour irrégulier” : la présence sur le territoire d’un État membre d’un ressortissant d’un pays tiers qui ne remplit pas, ou ne remplit plus, les conditions d’entrée énoncées à l’article 5 du code frontières Schengen, ou d’autres conditions d’entrée, de séjour ou de résidence dans cet État membre ;

3) “retour” : le fait, pour le ressortissant d’un pays tiers, de rentrer – que ce soit par obtempération volontaire à une obligation de retour ou en y étant forcé – dans :

– son pays d’origine, ou

– un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux, ou

– un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis ;

4) “décision de retour” : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour ;

5) “éloignement” : l’exécution de l’obligation de retour, à savoir le transfert physique hors de l’État membre ;

6) “interdiction d’entrée” : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire interdisant l’entrée et le séjour sur le territoire des États membres pendant une durée déterminée, qui accompagne une décision de retour ;

[...]

8) “départ volontaire” : l’obtempération à l’obligation de retour dans le délai imparti à cette fin dans la décision de retour ;

[...] »

5. L’article 6 de la directive 2004/38, intitulé « Décision de retour », dispose :

« 1. Les État membres prennent une décision de retour à l’encontre de tout ressortissant d’un pays tiers en séjour irrégulier sur leur territoire, [...]

6. La présente directive n’empêche pas les États membres d’adopter une décision portant sur la fin du séjour régulier en même temps qu’une décision de retour et/ou une décision d’éloignement et/ou d’interdiction d’entrée dans le cadre d’une même décision ou d’un même acte de nature administrative ou judiciaire, conformément à leur législation nationale, sans préjudice des garanties procédurales offertes au titre du chapitre III ainsi que d’autres dispositions pertinentes du droit communautaire et du droit national. »

6. L’article 8 de la directive, intitulé « Éloignement », se lit comme suit :

« 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n’a été accordé pour un départ volontaire conformément à l’article 7, paragraphe 4, ou si l’obligation de retour n’a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l’article 7.

[...]

3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l’éloignement.

[...] »

7. L’article 11 de la directive, intitulé « Interdiction d’entrée », est rédigé comme suit :

« 1. Les décisions de retour sont assorties d’une interdiction d’entrée :

a) si aucun délai n’a été accordé pour le départ volontaire, ou

b) si l’obligation de retour n’a pas été respectée.

Dans les autres cas, les décisions de retour peuvent être assorties d’une interdiction d’entrée.

2. La durée de l’interdiction d’entrée est fixée en tenant dûment compte de toutes les circonstances propres à chaque cas et ne dépasse pas cinq ans en principe. Elle peut cependant dépasser cinq ans si le ressortissant d’un pays tiers constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale.

3. Les États membres examinent la possibilité de lever ou de suspendre une interdiction d’entrée lorsqu’un ressortissant d’un pays tiers faisant l’objet d’une telle interdiction décidée conformément au paragraphe 1, deuxième alinéa, peut démontrer qu’il a quitté le territoire d’un État membre en totale conformité avec une décision de retour.

[...] »

8. Aux termes de l’article 12, paragraphe 1, premier alinéa, de la même directive, « [l]es décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d’interdiction d’entrée ainsi que les décisions d’éloignement sont rendues par écrit et sont motivées en fait et en droit, ainsi que des informations concernant les voies de recours disponibles ».

Le droit néerlandais

9. La Vreemdelingenwet 2000 (loi de 2000 sur les étrangers), du 23 novembre 2000 (Stb 2000, n° 495), telle que modifiée avec effet au 31 décembre 2011 pour transposer la directive 2008/115 (ci-après la « Vw 2000 »), prévoit, à son article 61, paragraphe 1, que l’étranger qui n’est pas ou n’est plus en séjour régulier doit spontanément quitter les Pays-Bas dans le délai défini à l’article 62 de cette loi, dont les paragraphes 1 et 2 transposent l’article 7, paragraphes 1 et 4, de la directive 2008/115.

10. L’article 66a de la Vw 2000, qui vise à transposer l’article 11, paragraphe 2, de la directive 2008/115, prévoit, à son paragraphe 1, qu’une décision d’interdiction d’entrée est prise à l’encontre de l’étranger qui n’a pas spontanément quitté les Pays-Bas dans le délai imparti.

11. En vertu de l’article 66a, paragraphe 4, de la Vw 2000, l’interdiction d’entrée a une durée déterminée de cinq ans maximum sauf si l’étranger constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. La durée est calculée à partir de la date à laquelle l’étranger a effectivement quitté les Pays-Bas.

12. Aux termes de l’article 66a, paragraphe 7, de la Vw 2000, l’étranger qui fait l’objet d’une interdiction d’entrée ne peut en aucun cas séjourner régulièrement :

a. s’il a été condamné par un jugement, devenu définitif, en raison d’une infraction pour laquelle il encourt une peine d’emprisonnement de trois ans ou plus ;

b. s’il constitue un danger pour l’ordre public ou la sécurité nationale ;

c. s’il constitue une menace grave au sens du paragraphe 4, ou

d. tout séjour doit lui être refusé en vertu d’un traité, ou dans l’intérêt des relations internationales des Pays-Bas. »

13. Aux termes de l’article 197 du Wetboek van Strafrecht (code pénal), dans la version issue de la loi du 15 décembre 2011 (Stb. 2011, n° 663), un étranger qui séjourne aux Pays-Bas alors qu’il sait ou qu’il a des raisons sérieuses de croire qu’il a, sur le fondement d’une disposition légale, été déclaré indésirable, ou qu’il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée en application de l’article 66 a, paragraphe 7, de la Vw 2000, encourt notamment une peine d’emprisonnement de six mois maximum.

Les faits à l’origine du litige, la procédure et la question préjudicielle

14. Par ordonnance du 14 avril 2000, JZ a été déclaré étranger indésirable au sens de la loi en vigueur à l’époque (3).

15. Par une ordonnance du Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (secrétaire d’État à la Sécurité et à la Justice, Pays-Bas), du 19 mars 2013, cette déclaration d’indésirabilité a été levée à la demande de JZ dans le cadre de la modification du 31 décembre 2011 de la Vw 2000 intervenue à la suite de la transposition de la directive 2008/115. Par cette décision, une interdiction d’entrée d’une durée de cinq ans a également été prononcée à l’encontre de JZ sur le fondement de l’article 66 bis, paragraphe 7, de la Vw 2000, emportant levée de la déclaration d’indésirabilité dès la prise d’effet de cette interdiction d’entrée. Selon cette ordonnance, cette levée n’a toutefois entraîné aucune modification de l’obligation de JZ de quitter le territoire. Il incombait donc à JZ de quitter le territoire néerlandais immédiatement et spontanément au risque d’être éloigné. En vertu de l’article 62 bis, paragraphe 2, de la Vw 2000, ladite ordonnance constitue une décision de retour.

16. À titre de motivation...

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