Celaya Emparanza y Galdos Internacional SA v Proyectos Integrales de Balizamientos SL.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:714
Date08 November 2011
Celex Number62010CC0488
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-488/10
62010CC0488

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 8 novembre 2011 ( 1 )

Affaire C-488/10

Celaya Emparanza y Galdos Internacional SA

contre

Proyectos Integrales de Balizamientos SL

[demande de décision préjudicielle formée par le Juzgado de lo Mercantil no 1 de Alicante et par le Juzgado de Marca Comunitaria no 1, (Espagne)]

«Dessins ou modèles communautaires — Contrefaçon — Notion de ‘tiers’»

1.

La présente affaire, qui a pour origine une procédure préjudicielle formée par le Juzgado de lo Mercantil de Alicante (Espagne), concerne une question qui fait actuellement l’objet de débats animés au sein de la doctrine et de la jurisprudence espagnoles. Le problème qui devra être examiné par la Cour est celui de définir la notion de «tiers» contre lesquels, en vertu de la réglementation de l’Union en vigueur actuellement, le titulaire d’un dessin ou d’un modèle enregistré peut introduire une action en contrefaçon.

2.

Elle devra notamment préciser si le fait que la partie défenderesse ait enregistré de manière autonome un dessin ou modèle postérieurement à l’enregistrement du dessin ou du modèle de la requérante est dépourvu de pertinence ou si, au contraire, la requérante doit, afin de pouvoir introduire une action en contrefaçon, demander préalablement à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) de déclarer la nullité du dessin de la défenderesse.

3.

Il est presque superflu de rappeler que la Cour n’est pas appelée ici à apprécier l’existence ou non de similitudes entre les dessins et/ou les produits en conflit. C’est le juge national qui devra naturellement se livrer à cette appréciation. Par ailleurs, si la Cour statuait qu’il était nécessaire d’annuler préalablement le dessin de la défenderesse, le litige national serait tranché du point de vue de la recevabilité, sans même qu’il fût procédé à l’examen des dessins. Les deux questions préjudicielles ont précisément pour objectif essentiel de préciser si, dans l’affaire au principal, le juge national doit se livrer à l’analyse du litige au fond, ou si, au contraire, il doit déclarer ce recours comme étant irrecevable et, par là même, imposer à la société requérante d’intenter une action devant l’OHMI afin de faire déclarer la nullité du dessin de la défenderesse.

I – Cadre réglementaire

4.

Les questions préjudicielles qui font l’objet de la présente affaire concernent l’interprétation du règlement (CE) no 6/2002 ( 2 ) (ci-après, également, le «règlement»), relatif aux dessins ou aux modèles communautaires.

5.

Le règlement vise à créer un système d’enregistrement des dessins ( 3 ) qui soit le plus linéaire et le plus simple possible, ainsi que cela est indiqué sans équivoque dans ses dix-huitième et vingt-quatrième considérants:

«(18)

Un dessin ou modèle communautaire enregistré exige la création et la tenue d’un registre sur lequel seront inscrites toutes les demandes qui satisfont à des conditions formelles et ont obtenu une date de dépôt de demande d’enregistrement. En principe, le système d’enregistrement ne devrait pas être basé sur un examen visant à déterminer préalablement à l’enregistrement si le dessin ou modèle remplit les conditions d’obtention de la protection, ce qui permettrait de réduire au minimum les modalités de l’enregistrement et autres démarches à accomplir par le demandeur.

[…]

(24)

L’un des objectifs fondamentaux du présent règlement est que la procédure à suivre pour faire enregistrer un dessin ou modèle communautaire s’accompagne pour le demandeur d’un minimum de frais et de difficultés, afin de la rendre facilement accessible aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux créateurs indépendants.»

6.

L’article 19, paragraphe 1, du règlement désigne les droits conférés au titulaire d’un dessin enregistré:

«Le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l’utiliser et d’interdire à tout tiers de l’utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins.»

7.

L’article 52 du règlement prévoit, en général, que les demandes en nullité d’un dessin enregistré soient présentées devant l’OHMI. En revanche, les tribunaux (nationaux) des dessins ou modèles communautaires ( 4 ) sont compétents, en vertu de l’article 81, pour les actions en matière de contrefaçon. Le même article 81 prévoit toutefois que les tribunaux des dessins ou modèles sont également compétents en matière de nullité lorsque la demande en nullité est présentée à titre reconventionnel dans le cadre d’une procédure en matière de contrefaçon.

8.

L’article 85, paragraphe 1, du règlement prévoit:

«Dans les procédures résultant d’actions en contrefaçon ou en menace de contrefaçon d’un dessin ou modèle communautaire enregistré, les tribunaux des dessins ou modèles communautaires considèrent le dessin ou modèle communautaire comme valide. La validité ne peut être contestée que par une demande reconventionnelle en nullité […]»

II – Faits, procédure au principal et questions préjudicielles

9.

La requérante dans l’affaire au principal, Celaya Emparanza y Galdos Internacional SA (ci-après «Cegasa») a enregistré, le 26 octobre 2005, un dessin communautaire ( 5 ) pour des bornes routières. Il s’agit d’objets, fabriqués normalement en matière plastique, utilisés pour la signalisation sur les chantiers, les travaux routiers, etc.

10.

La société défenderesse, Proyectos Integrales de Balizamientos SL (ci-après, également, «Proyectos»), a mis sur le marché à la fin de l’année 2007 un produit qui, de l’avis de Cegasa, violerait son dessin enregistré. Cegasa a par conséquent envoyé une lettre de mise en demeure à Proyectos, lui demandant de mettre fin à la commercialisation du produit en question.

11.

Proyectos a refusé de se conformer à la mise en demeure de Cegasa et elle a en revanche procédé, le 12 avril 2008, à l’enregistrement auprès de l’OHMI d’un dessin pour son produit ( 6 ).

12.

À titre purement informatif, les dessins enregistrés en question sont les suivants (à gauche celui de Cegasa et à droite celui de Proyectos):

Image

Image

13.

Cegasa a par conséquent décidé d’intenter une action en contrefaçon contre Proyectos devant le juge de renvoi. Dans le cadre de cette procédure, Proyectos a formé une demande reconventionnelle, demandant que soit déclarée la nullité du dessin de Cegasa. Cette demande reconventionnelle a été transmise à l’OHMI en vertu de l’article 86, paragraphe 2, du règlement.

14.

Proyectos se considère en tout état de cause protégée par l’enregistrement de son dessin, et estime par conséquent que Cegasa n’est pas en mesure d’agir en contrefaçon tant qu’elle n’aura pas obtenu de l’OHMI la déclaration préalable de nullité du dessin de Proyectos. Le recours introduit devant le juge de renvoi devrait par conséquent être considéré comme irrecevable ou, en tout état de cause, être rejeté sans être examiné sur le fond.

15.

Dans ce contexte, le juge de renvoi a sursis à statuer et a saisi la Cour des questions préjudicielles suivantes:

«1)

Dans un litige portant sur la violation du droit exclusif conféré par un dessin ou modèle communautaire enregistré, le droit d’interdire à des tiers d’utiliser ledit dessin ou modèle, qui est institué à l’article 19, paragraphe 1, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1), s’étend-il à tout tiers qui utilise un autre dessin ou modèle ne produisant pas sur l’utilisateur averti une impression globale différente, ou exclut-il au contraire le tiers qui utilise un dessin ou modèle communautaire postérieur enregistré en sa faveur tant que celui-ci n’est pas annulé?

2)

La réponse à la question précédente est-elle indépendante de l’intention du tiers ou bien varie-t-elle suivant le comportement de celui-ci, le critère déterminant étant que ce tiers ait déposé et enregistré le dessin ou modèle communautaire après avoir reçu la lettre de mise en demeure envoyée par le titulaire du dessin ou modèle communautaire antérieur pour lui faire cesser la commercialisation d’un produit pour violation des droits découlant de ce dessin ou modèle antérieur?»

III – Procédure devant la Cour

16.

Le greffe a reçu l’ordonnance de renvoi en date du 11 octobre 2010. La requérante dans l’affaire au principal, le gouvernement polonais et la Commission européenne ont présenté des observations.

17.

Lors de l’audience du 14 septembre 2011, le gouvernement polonais et la Commission sont intervenus.

IV – Sur les questions préjudicielles

A – Observations préalables

18.

La présente affaire est l’une des premières dans lesquelles la Cour est appelée à interpréter le règlement no 6/2002 ( 7 ). En l’absence de précédents jurisprudentiels significatifs, il sera par conséquent indispensable de parvenir à une solution fondée uniquement sur le texte réglementaire, en utilisant tous les instruments herméneutiques que l’interprète a à sa disposition.

19.

Ainsi que nous l’avons déjà dit ci-dessus, le problème soulevé par le juge de renvoi fait actuellement l’objet, en Espagne, de vifs débats au sein de la doctrine et de la jurisprudence. Notamment, ainsi que cela a été observé...

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