Gemeente Steenbergen v Luc Baten.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2002:233
Docket NumberC-271/00
Celex Number62000CC0271
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date18 April 2002
EUR-Lex - 62000C0271 - FR 62000C0271

Conclusions de l'avocat général Tizzano présentées le 18 avril 2002. - Gemeente Steenbergen contre Luc Baten. - Demande de décision préjudicielle: Hof van Beroep te Antwerpen - Belgique. - Convention de Bruxelles - Champ d'application - Action récursoire sur la base d'une législation nationale prévoyant le versement d'allocations à titre d'aide sociale - Notion de 'matière civile' - Notion de 'sécurité sociale'. - Affaire C-271/00.

Recueil de jurisprudence 2002 page I-10489


Conclusions de l'avocat général

1. Par ordonnance du 27 juin 2000, le Hof van Beroep te Antwerpen (Belgique) (ci-après la «Cour d'appel d'Anvers»), a posé à la Cour deux questions préjudicielles portant sur l'interprétation de l'article 1er de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (ci-après la «convention de Bruxelles» ou la «convention») . En substance, la juridiction de renvoi demande si l'action récursoire intentée contre un particulier, débiteur d'une obligation alimentaire, par un organisme public qui a fourni une assistance financière au créancier de l'obligation d'aliments non payé, constitue une procédure en matière civile, entrant par conséquent dans le champ d'application de la convention; et si, dans l'affirmative, une telle action récursoire constitue ou non une procédure en matière de sécurité sociale, exclue de ce fait du champ d'application de la convention?

Le cadre juridique

La convention de Bruxelles

2. Le champ d'application de la convention de Bruxelles est défini en son article 1er. En vertu de l'article 1er, premier alinéa, de la convention, celle-ci:

«s'applique en matière civile et commerciale et quelle que soit la nature de la juridiction.»

Le deuxième alinéa de cet article ajoute cependant que:

«[s]ont exclus de son application:

[...]

3) la sécurité sociale;

[...]».

3. Pour déterminer la compétence judiciaire des tribunaux des États contractants, la convention désigne, en tant que for général, le tribunal du domicile du défendeur (article 2), mais prévoit aussi certaines compétences spéciales. Parmi celles-ci, nous citerons la compétence «en matière d'obligation alimentaire» qui permet d'attraire le défendeur devant le tribunal du lieu où le créancier d'aliments a son domicile ou sa résidence habituelle.

4. En vertu de l'article 26 de la convention, les décisions rendues dans un État contractant sont automatiquement reconnues dans les autres États contractants, «sans qu'il soit nécessaire de recourir à aucune procédure». L'article 27 indique toutefois de façon limitative les cas dans lesquels la reconnaissance est refusée. Tel est le cas en particulier:

«1) si la reconnaissance est contraire à l'ordre public de l'État requis;

[...]

3) si la décision est inconciliable avec une décision rendue entre les mêmes parties dans l'État requis;

[...]».

5. Il convient ensuite de rappeler que, en vertu de l'article 55, de la convention de Bruxelles:

«Sans préjudice des dispositions de l'article 54 deuxième alinéa et de l'article 56, la présente convention remplace entre les États qui y sont parties les conventions conclues entre deux ou plusieurs États, à savoir:

[...]

- la convention entre la Belgique et les Pays-Bas sur la compétence judiciaire territoriale, sur la faillite ainsi que sur l'autorité et l'exécution des décisions judiciaires, des sentences arbitrales et des actes authentiques, signée à Bruxelles le 28 mars 1925» (ci-après la «convention de 1925»).

6. L'article 56 de la convention de Bruxelles prévoit enfin que les conventions mentionnées à l'article précédent, dont la convention de 1925, continuent à produire leurs effets dans les matières non couvertes par la convention de Bruxelles.

La législation néerlandaise

7. L'algemene bijstandswet (loi générale sur l'aide sociale, ci-après l'«ABW») institue un régime social en faveur des personnes résidant aux Pays-Bas qui se trouvent en état d'indigence.

8. En particulier, ce régime repose sur l'assistance générale («algemene bijstand») ou l'assistance spéciale («bijzondere bijstand») fournie sous la forme de subsides par la commune sur le territoire de laquelle réside l'intéressé. L'assistance générale, la seule qui nous intéresse dans le cadre de la présente affaire, consiste en une contribution mensuelle, liée au salaire minimal légal, qui vise à permettre au bénéficiaire de faire face aux frais généraux indispensables à l'existence. L'aide est financée par le budget communal et n'est pas subordonnée au versement préalable de cotisations de sécurité sociale.

9. En vertu de l'article 93 de l'ABW:

«Les coûts de l'assistance sont récupérés, dans la limite de l'étendue de l'obligation d'entretien conformément au livre premier du code civil:

- à la charge de celui qui, manquant à ses obligations familiales, ne respecte pas ou ne respecte pas à due concurrence son obligation d'entretien à l'égard de son conjoint ou d'un enfant mineur [...];

- à la charge de la personne qui ne respecte pas ou ne respecte pas à due concurrence son obligation d'entretien après un divorce [...]».

10. L'article 94 prévoit que:

«Une convention par laquelle des époux ou des anciens époux stipulent que, après le divorce [...], ils ne seront nullement tenus mutuellement d'une obligation d'entretien ou que cette obligation sera limitée à un montant déterminé [...] n'empêche pas la récupération auprès de l'une des parties et ne préjuge pas de la détermination de la somme devant faire l'objet d'une récupération.»

11. La commune qui décide de récupérer le montant de l'assistance en se retournant contre un tiers, ainsi que le prévoit l'article 93 de l'ABW, adresse sa décision à l'intéressé. Si le tiers n'est pas disposé à payer spontanément, la commune peut engager une action récursoire devant l'Arrondissementsrechtbank (ci-après le «tribunal»), sur la base des articles 102 et suivants de l'ABW. Cette action obéit aux règles du code de procédure civile.

Les faits et la procédure

12. La procédure pendante devant la juridiction de renvoi a pour origine le mariage entre M. L. Baten et Mme H. Kil. De cette union est née une fille, T. Baten. Le centre de la vie familiale était initialement en Belgique, où les époux résidaient avec leur fille mineure. Le mariage de M. Baten et de Mme Kil a ensuite connu des difficultés et a été dissous dans le cadre d'un jugement de divorce par consentement mutuel, rendu en Belgique le 14 mai 1987. Dans une convention préalable au divorce, passée le 25 mars 1986 devant un notaire belge, les époux avaient convenu que M. Baten verserait chaque mois à sa femme une somme de 3 000 BEF à titre de contribution à l'entretien et à l'éducation de leur fille, mais qu'aucune autre pension ne serait due pour eux-mêmes.

13. Par la suite, Mme Kil s'est installée avec l'enfant sur le territoire de la commune de Steenbergen (Pays-Bas). Les conditions requises par la loi étant remplies, la commune a décidé d'octroyer aux deux femmes une allocation d'assistance, telle que prévue par la loi précitée sur l'assistance sociale (ABW).

14. Puis, en application des articles 93 et suivants de l'ABW, la commune de Steenbergen a décidé de récupérer auprès de M. Baten le montant de l'indemnité d'assistance accordée. M. Baten n'ayant toutefois pas déféré à cette demande, le collège échevinal a décidé, le 2 mai 1996, d'intenter une action récursoire, sur le fondement de l'article 102 de l'ABW, devant le tribunal de Breda (Pays-Bas).

15. Par ordonnance du 22 juillet 1996, le tribunal de Breda a fait droit à la demande de la commune de Steenbergen, et a condamné M. Baten à verser à la commune une somme de 3 706, 68 NLG correspondant à l'aide accordée pendant la période allant du 9 janvier 1996 au 1er mars 1996, ainsi qu'une somme mensuelle de 2 127,91 NLG à partir du 1er mars 1996, aussi longtemps que durera l'assistance.

16. À la demande de la commune de Steenbergen, le président du tribunal de première instance de Turnhout a, par ordonnance du 11 février 1998, accordé l'exequatur à la décision néerlandaise. Cependant, M. Baten a formé opposition contre cette décision le 20 mai 1998.

17. Dans un premier jugement du 17 mars 1999, le tribunal de première instance de Turnhout a accueilli l'opposition de M. Baten, pour ce qui est des frais d'entretien de son ex-femme, en expliquant que «la reconnaissance et l'exécution de la décision rendue le 22 juillet 1996 par l'Arrondissementsrechtbank te Breda quant aux frais d'entretien personnel de Mme Kil ne sont pas possibles en raison de l'incompatibilité de ladite décision avec le jugement de divorce par consentement mutuel du 14 mai 1987 qui, implicitement, inclut et confirme l'acte authentique passé devant Me Eyskens, notaire, le 25 mars 1986». Puis...

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