Cathy Schulz-Delzers and Pascal Schulz v Finanzamt Stuttgart III.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2011:352
Docket NumberC-240/10
Celex Number62010CC0240
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date26 May 2011

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 26 mai 2011 (1)

Affaire C‑240/10

Cathy Schulz-Delzers,

Pascal Schulz

contre

Finanzamt Stuttgart III

[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht Baden-Württemberg (Allemagne)]

«Libre circulation des travailleurs – Imposition des indemnités de résidence – Exonération des indemnités accordées aux contribuables employés par une personne morale de droit public nationale – Absence d’une telle exonération à l’égard des indemnités versées aux contribuables employés sur le territoire national par une personne morale de droit public d’un autre État membre – Conformité à l’article 45 TFUE – Non-discrimination et absence d’entrave»





I – Introduction

1. Dans la présente affaire, la Cour est interrogée par le Finanzgericht Baden-Württemberg (Allemagne) sur le point de savoir si l’article 45 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une disposition nationale qui permet d’exonérer de l’impôt certains revenus complémentaires perçus notamment par des travailleurs au service d’une personne morale de droit public allemande, à raison d’une activité exercée en dehors du territoire allemand (ci-après les «indemnités de résidence»).

2. Une telle question est posée dès lors qu’une ressortissante française au service d’une personne morale de droit public française ne bénéficie pas d’une telle exonération de ses indemnités de résidence perçues à raison de son activité en Allemagne.

II – Le cadre juridique

A – Le droit conventionnel

3. L’article 14, paragraphe 1, de la convention entre la République fédérale d’Allemagne et la République française en vue d’éviter les doubles impositions (2) (ci-après la «convention fiscale bilatérale»), prévoit le «principe de l’État payeur», suivant lequel les traitements, salaires et rémunérations analogues versés par une personne morale de droit public d’un État contractant à des personnes physiques résidentes de l’autre État en considération de services administratifs actuels, ne sont imposables que dans le premier État.

4. L’article 20 de la convention fiscale bilatérale précise les dispositions permettant d’éviter la double imposition des résidents de la République fédérale d’Allemagne ainsi que de ceux de la République française.

5. Ledit article 20 est ainsi formulé:

«(1) En ce qui concerne les résidents de la République fédérale [d’Allemagne], la double imposition est évitée de la façon suivante:

a. […] sont exclus de la base de l’imposition allemande les revenus provenant de la France […] qui, en vertu de la présente convention, sont imposables en France. Cette règle ne limite pas le droit de la République fédérale [d’Allemagne] de tenir compte, lors de la détermination du taux de ses impôts, des revenus et des éléments de la fortune ainsi exclus.

[…]

(2) En ce qui concerne les résidents de France, la double imposition est évitée de la façon suivante:

a. Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent de la République fédérale [d’Allemagne] et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la présente Convention sont également imposables en France lorsqu’ils reviennent à un résident de France. L’impôt allemand n’est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d’impôt est égal:

[…]

cc. pour tous les autres revenus, au montant de l’impôt français correspondant à ces revenus. Cette disposition est notamment également applicable aux revenus visés aux articles […] 14.

[…]»

B – La réglementation nationale

6. L’article 1er, paragraphe 1, de la loi fédérale allemande relative à l’impôt sur le revenu (Einkommensteuergesetz, ci-après l’«EStG») est libellé comme suit:

«(1) Les personnes physiques qui ont leur domicile ou leur résidence habituelle sur le territoire national sont intégralement assujetties.

(2) Sont également intégralement assujettis à l’impôt les ressortissants allemands qui

1. n’ont ni domicile ni résidence habituelle en Allemagne et qui

2. ont un emploi les liant à une personne morale de droit public nationale et qui perçoivent en conséquence un salaire provenant d’une caisse publique nationale».

7. L’article 3, point 64, de l’EStG prévoit:

«Dans le cas de travailleurs qui sont au service d’une personne morale nationale de droit public et perçoivent à ce titre un salaire versé par une caisse publique nationale, les émoluments relatifs à une activité à l’étranger sont exonérés de l’impôt dans la mesure où ils dépassent le salaire qui reviendrait au travailleur dans le cas d’une activité équivalente au lieu de la caisse publique effectuant le versement. […]»

8. L’article 32b, paragraphe 1, de l’EStG dispose:

«Si un assujetti universel, au cours d’une partie ou de la totalité de la période d’imposition a

[…]

3. perçu des revenus qui sont exonérés de l’imposition conformément à un accord préventif de la double imposition ou d’un autre accord entre États sous la réserve de l’inclusion dans le calcul de l’impôt sur les revenus […], un taux d’imposition particulier doit être appliqué aux revenus imposables conformément à l’article 32a, paragraphe 1.»

9. L’article 32b, paragraphe 2, ajoute:

«Le taux d’imposition particulier prévu au paragraphe 1 est le taux résultant de la majoration ou de la minoration du revenu imposable conformément à l’article 32a, paragraphe 1 dans le cadre du calcul de l’impôt sur le revenu, dans la mesure suivante

[…]

2. dans les cas prévus au paragraphe 1, points 2 et 3, les revenus qui y sont décrits, les revenus extraordinaires qui y sont compris étant à prendre en compte à concurrence du cinquième.»

III – Le litige au principal et les questions préjudicielles

10. Mme Schulz-Delzers et M. Schulz (ci-après les «demandeurs») sont établis en Allemagne. Ils sont assujettis à l’impôt sur l’universalité de leurs revenus au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de l’EStG.

11. En tant que couple marié, les demandeurs bénéficient d’une imposition conjointe. En effet, afin d’atténuer la progressivité du barème de l’impôt sur le revenu (3) en ce qui concerne les conjoints ayant des revenus différents, le législateur allemand a institué, en faveur des contribuables intégralement assujettis, mariés et non durablement séparés, un régime d’imposition conjointe, impliquant l’établissement d’une assiette commune combiné avec l’application de la procédure dite «du fractionnement» («splitting»). À cet effet, selon l’article 26b de l’EStG, les revenus perçus par les conjoints sont additionnés et leur sont imputés conjointement. Les conjoints sont alors traités comme un seul contribuable, le revenu étant imposé comme s’il était perçu pour moitié par chacun des époux.

12. M. Schulz est un ressortissant allemand travaillant en tant qu’avocat employé, ayant perçu à ce titre un salaire de 75 400 euros en 2005 et 77 133 euros en 2006.

13. Mme Schulz-Delzers, de nationalité française, est agent de l’État français. En cette qualité, elle est enseignante dans une école élémentaire franco-allemande en Allemagne. Au cours des années 2005 et 2006, elle a exercé son activité en Allemagne dans le cadre de contrats à durée déterminée. Elle a perçu de l’État français des revenus s’élevant respectivement à 29 279 euros et à 30 390 euros.

14. Parmi ses revenus, figurent outre le traitement normal de fonctionnaire, les indemnités de résidence. Il s’agit de deux indemnités, à savoir une indemnité «ISVL» (indemnité spécifique liée aux conditions de vie locale), d’un montant mensuel d’environ 440 euros visant à compenser une perte de pouvoir d’achat, ainsi qu’une indemnité «Majorations familiales», accordée pour les enfants à charge d’agents français, complément mensuel d’un peu plus de 130 euros lié aux frais supplémentaires relatifs aux enfants à charge.

15. Le traitement fiscal des revenus de Mme Schulz-Delzers a été opéré conformément aux articles 14 et 20, paragraphe 1, sous a, de la convention fiscale bilatérale.

16. En France, les traitements normaux de fonctionnaire de Mme Schulz‑Delzers ont été imposés dans les deux années litigieuses, mais non les indemnités de résidence. Les montants de ces indemnités s’élèvent respectivement à 6 859,32 euros (en 2005) et à 6 965,88 euros (en 2006).

17. En Allemagne, le Finanzamt Stuttgart III (ci-après le «Finanzamt») a exonéré de l’impôt ces indemnités de résidence, mais les a soumis – comme le reste de la rémunération, après déduction d’un montant forfaitaire de frais professionnels de 920 euros – à la réserve de progressivité (4). La prise en considération de ces indemnités de résidence a entraîné une majoration de l’impôt sur le revenu des demandeurs, respectivement de 654 euros en 2005 et de 664 euros en 2006.

18. Les réclamations introduites contre ce traitement fiscal ont été rejetées par le Finanzamt le 30 avril 2009.

19. Les demandeurs ont alors formé un recours le 18 mai 2009. Ils contestent l’inclusion de ces indemnités de résidence dans la réserve de progressivité. Ils estiment qu’il y a lieu d’appliquer l’article 3, point 64, de l’EStG, afin d’exclure toute discrimination par rapport aux assujettis nationaux qui bénéficient de cette disposition.

20. L’application d’une telle disposition suppose que le travailleur soit au service d’une personne morale de droit public allemande, que ses revenus à ce titre soient versés par une caisse publique allemande, pour une activité exercée à l’extérieur du territoire allemand. En l’espèce, Mme Schulz-Delzers est au service d’une personne morale de droit public française et perçoit à ce titre ses revenus d’une caisse publique française, pour une activité exercée sur le territoire allemand.

21. Le Finanzgericht Baden-Württemberg s’interroge sur la compatibilité de l’article 3, point 64, de l’EStG avec le droit de l’Union.

22. Dans ces conditions, le...

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