European Commission v Federal Republic of Germany.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2009:586
CourtCourt of Justice (European Union)
Date30 September 2009
Docket NumberC-546/07
Procedure TypeRecours en constatation de manquement - non fondé
Celex Number62007CC0546

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÁN Mazák

présentées le 30 septembre 2009 (1)

Affaire C‑546/07

Commission des Communautés européennes

contre

République fédérale d’Allemagne

«Manquement d’un État membre à ses obligations – Violation de l’article 49 CE et du point 13 du chapitre 2 de l’annexe XII de l’acte d’adhésion de 2003 – Interprétation et application par les autorités administratives nationales d’une convention intergouvernementale entre la République fédérale d’Allemagne et la République de Pologne au sujet du détachement de travailleurs d’entreprises polonaises pour l’exécution de contrats d’entreprise – Exclusion de la possibilité pour les entreprises établies dans d’autres États membres de conclure des contrats d’entreprise avec des entreprises polonaises – Extension des restrictions – Clause de ‘standstill’»






I – Introduction

1. Par le présent recours, la Commission des Communautés européennes conclut à ce qu’il plaise à la Cour déclarer que la République fédérale d’Allemagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 49 CE, ainsi qu’en vertu de la clause de «standstill» prévue à l’annexe XII, chapitre 2, point 13, de l’acte du 16 avril 2003 par lequel la République de Pologne a adhéré à l’Union européenne (2) (ci-après la «clause de ‘standstill’»),

– en interprétant, dans sa pratique administrative, les termes «Unternehmen der anderen Seite» (entreprise de l’autre partie) figurant à l’article 1er, paragraphe 1, de la convention conclue le 31 janvier 1990 entre la République fédérale d’Allemagne et la République de Pologne au sujet du détachement de travailleurs d’entreprises polonaises pour l’exécution de contrats d’entreprise (3) (ci-après la «convention»), comme signifiant «entreprise allemande», et

– en ayant étendu, en vertu de l’«Arbeitsmarktschutzklausel» (clause sur la protection du marché du travail), les restrictions régionales à l’accès des travailleurs étrangers au marché de l’emploi, et ce après le 16 avril 2003, c’est-à-dire après la signature de l’acte d’adhésion de 2003 – qui emportait l’adhésion de la République de Pologne à l’Union.

2. La présente affaire soulève principalement deux problèmes juridiques. Premièrement, il convient d’envisager dans quelles conditions, à la lumière de la jurisprudence pertinente de la Cour, un État membre peut, dans le cadre de la fourniture de services, refuser d’étendre à des entreprises établies dans un autre État membre les avantages que des entreprises établies sur son propre territoire tirent d’un traité bilatéral.

3. Deuxièmement, il y a lieu d’examiner si la clause de «standstill» interdit à la République fédérale d’Allemagne d’adopter en la matière de nouvelles mesures (législatives ou administratives) plus restrictives que celles qui étaient en vigueur à la date de la signature de l’acte d’adhésion de 2003 ou si, de façon plus générale, elle prohibe toute extension des restrictions à l’accès au marché national du travail, moins sous l’effet de nouvelles mesures qui seraient adoptées que par suite de modifications dans les circonstances de fait pertinentes auxquelles s’appliquent les mesures existantes.

II – Le cadre juridique

A – L’acte d’adhésion de 2003

4. En vertu des dispositions transitoires inscrites dans l’acte d’adhésion de 2003, la République fédérale d’Allemagne et la République d’Autriche peuvent notamment – par dérogation aux dispositions du traité CE sur la libre circulation des services – maintenir des mesures nationales ou des mesures résultant d’accords bilatéraux qui restreignent l’utilisation de travailleurs contractuels employés par des entreprises établies en Pologne. À l’annexe XII (intitulée «Liste visée à l’article 24 de l’acte d’adhésion: Pologne»), le point 13 du chapitre 2 (intitulé «Libre circulation des personnes») se lit comme suit dans sa partie pertinente:

«Pour faire face à des perturbations graves ou à des menaces de perturbations graves dans certains secteurs sensibles des services de leur marché du travail qui pourraient surgir dans certaines régions à la suite d’une prestation de services transnationale, telle qu’elle est définie à l’article 1er de la directive 96/71/CE, aussi longtemps qu’elles appliquent à la libre circulation des travailleurs polonais, en vertu des dispositions transitoires précitées, des mesures nationales ou des mesures résultant d’accords bilatéraux, la République d’Allemagne et la République d’Autriche peuvent, après en avoir averti la Commission, déroger à l’article 49, premier alinéa, […] CE en vue de limiter, dans le contexte de la prestation de services par des entreprises établies en Pologne, la circulation temporaire de travailleurs dont le droit d’accepter du travail en Allemagne et en Autriche est soumis à des mesures nationales.

[…]»

5. Ce point fixe ensuite la clause de «standstill» suivante:

«L’application du présent paragraphe n’a pas pour effet de créer, pour la circulation temporaire des travailleurs dans le contexte de la prestation de services transnationale entre l’Allemagne ou l’Autriche et la Pologne, des conditions qui soient plus restrictives que celles existant à la date de la signature du traité d’adhésion.»

B – La réglementation nationale

6. L’article 1er de la convention prévoit:

«[…] Les travailleurs polonais qui sont détachés pour une activité temporaire, sur la base d’un contrat de travail entre un entrepreneur polonais et une entreprise de l’autre partie (travailleurs contractuels), reçoivent un permis de travail, quelles que soient la situation et l’évolution du marché du travail […].»

7. L’article 2 de la convention fixe un quota en ce qui concerne les travailleurs polonais contractuels. L’article 2, paragraphe 5, dispose:

«L’Office fédéral du travail [Bundesanstalt für Arbeit] allemand veillera, aux fins de l’application de la présente convention en coopération avec le ministère du travail et de la politique sociale de la République de Pologne, à ce qu’il n’y ait pas de concentration régionale ou sectorielle des travailleurs contractuels employés.

[…]»

8. Parmi les directives d’application adoptées par la Bundesagentur für Arbeit (Agence fédérale pour l’emploi), on mentionnera celles prévues dans la fiche 16a, intitulée «Emploi de travailleurs étrangers des nouveaux États membres de l’UE dans le cadre de contrats d’entreprise en République fédérale d’Allemagne» (annexe XI). Cette fiche comporte une clause de protection du marché du travail, en vertu de laquelle les contrats pour lesquels il y a utilisation de main‑d’œuvre étrangère sont en principe interdits lorsqu’ils doivent être exécutés dans des circonscriptions de l’Agence fédérale pour l’emploi dans lesquelles le taux de chômage moyen au cours des six derniers mois a excédé d’au moins 30 % le taux de chômage de la République fédérale d’Allemagne dans son ensemble. La liste des circonscriptions soumises à cette clause est mise à jour tous les trimestres (annexe XII).

III – La procédure précontentieuse et la procédure administrative

9. Par lettre du 3 avril 1996, la Commission a attiré l’attention du gouvernement allemand sur le fait que son interprétation de la convention apparaissait contraire à l’article 49 CE. Dans sa lettre du 28 juin 1996, le gouvernement allemand a contesté l’analyse de la Commission.

10. Le 12 novembre 1997, la Commission a émis un avis motivé, en accordant à la République fédérale d’Allemagne un délai de douze mois pour sa réponse. À la suite d’une réunion avec des représentants de la Commission le 5 mai 1998, la République fédérale d’Allemagne a indiqué, dans sa lettre du 19 juillet 1998, que des efforts étaient déployés pour trouver une solution politique dans le cadre de l’accord européen du 16 décembre 1991 établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, ainsi que la République de Pologne, d’autre part. Les tentatives de résoudre le différend sur le plan politique se sont toutefois révélées vaines.

11. La République de Pologne a adhéré à l’Union le 1er mai 2004. En réponse à une demande de la Commission du 15 juin 2004, le gouvernement allemand a, dans une lettre du 6 décembre 2004, déclaré maintenir sa pratique interprétative de la convention et être légitimement en droit de supposer, au vu du temps écoulé, qu’il n’existait plus aucun fondement à la poursuite de la procédure.

12. Dans une lettre complémentaire du 10 avril 2006, la Commission a attiré l’attention du gouvernement allemand sur le fait que, outre l’apparente violation de l’article 49 CE, la pratique administrative allemande pour l’application de la convention paraissait incompatible avec la clause de «standstill». Selon elle, l’extension des restrictions régionales au titre de la clause de protection du marché du travail, fondée sur l’article 2, paragraphe 5, de la convention, et figurant dans les directives d’application de l’Agence fédérale pour l’emploi, enfreint l’interdiction d’aggraver les restrictions existantes.

13. Par lettre du 8 juin 2006, le gouvernement allemand a contesté cette analyse, faisant valoir que l’application de la convention bilatérale à l’ensemble des États membres et à leurs entreprises n’était pas appropriée.

14. Dans son avis motivé complémentaire du 15 décembre 2006, la Commission a réitéré ses griefs. Le gouvernement allemand ayant maintenu son analyse dans une lettre du 19 février 2007, la Commission a engagé le présent recours, enregistré au greffe de la Cour le 5 décembre 2007.

IV – Analyse

A – Sur la recevabilité

1. Arguments principaux des parties

15. Le gouvernement allemand fait valoir, au premier chef, que le recours est, en tout état de cause, irrecevable en tant qu’il concerne le prétendu manquement à l’article 49 CE.

16. Selon lui, la Commission est déchue de son droit de recours, puisqu’elle n’a rien entrepris pendant près de sept ans à propos de l’infraction prétendue à l’article 49 CE. Il soutient que, au vu...

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