Conegate Limited v HM Customs & Excise.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1986:21
Date21 January 1986
Celex Number61985CC0121
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket Number121/85
61985C0121

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN

présentées le 21 janvier 1986 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les 7 et 11 octobre 1982, la société Conegate Ltd a cherché à importer au Royaume-Uni par l'aéroport de Heathrow un certain nombre d'objets qui étaient décrits sur les bordereaux d'expédition par voie aérienne et sur les factures comme des « modèles d'étalage » (« window display models »). La société a affirmé qu'ils étaient vendus, en raison de leurs caractéristiques physiques réalistes, pour être utilisés comme modèles pour l'exposition de vêtements et de sous-vêtements féminins. Les autorités douanières ont cependant inspecté les lots de marchandise et découvert qu'ils contenaient un certain nombre de poupées gonflables de grandeur nature et diversement décrites comme « Love Love Dolls », « Miss World Specials » et « Rubber Ladies »; les lots de marchandise comportaient en outre un certain nombre d'articles appelés « Sexy Vacuum Flasks ».

Les autorités douanières ont saisi les objets comme étant indécents ou obscènes au sens de la section 42 du Customs Consolidation Act de 1876 (loi de 1876 portant coordination de la législation sur les douanes) et, partant, susceptibles de confiscation au titre du Customs and Excise Management Act de 1979 (loi portant pouvoirs de gestion en matière de douanes et accises de 1979). Au cours de la procédure, qui est de nature civile, elles ont obtenu des magistrats, le 11 mai 1983, une ordonnance prescrivant la confiscation des marchandises, ordonnance qui a été confirmée en appel par la Crown Court. Tant la Magistrates' Court que la Crown Court ont estimé qu'il s'agissait d'objets obscènes au sens de la section 42 de la loi de 1876. La Crown Court a affirmé: « Lorsqu'elles sont gonflées, les poupées représentent presque en grandeur nature la conformation féminine développée avec des orifices, l'une avec un vibrateur qui est une sorte de dispositif électrique fixé à la tête (et) avec de faux poils pubiens. » La Cour n'a évidemment pas à traiter de la question de savoir si ces objets sont obscènes ou indécents. La Crown Court a cependant estimé, en outre, que leur confiscation n'était pas incompatible avec l'application correcte des articles 30 et 36 du traité CEE.

La Queen's Bench Division de la High Court a été saisie de ce dernier problème sur appel par la procédure sur « case stated ». La High Court a estimé que, pour qu'elle puisse statuer, il était nécessaire de trancher certaines questions relevant de l'article 177 du traité. Elle a déféré quatre questions dont les trois premières sont libellées comme suit:

1)

Lorsque des marchandises sont frappées d'une interdiction nationale absolue d'importation dans un État membre à partir d'un autre État membre au motif qu'elles sont indécentes ou obscènes, est-il, pour qu'existe dans l'État membre d'importation le défaut de « commerce licite » pour les marchandises en question, dont parlent les points 21 et 22 de l'arrêt Henn et Darby de la Cour de justice européenne (affaire 34/79, Rec. 1979, p. 3795):

a)

suffisant que ces marchandises puissent être fabriquées et commercialisées dans l'État membre d'importation en étant soumises uniquement

i)

à une interdiction absolue d'être expédiées par voie postale,

ii)

à une restriction relative à leur étalage en public et,

iii)

dans certaines régions de l'État membre, à un système de patente des magasins qui les vendent à des clients âgés de dix-huit ans et plus, système qui n'affecte aucunement le droit positif de cet État membre en matière d'indécence et d'obscénité;

ou bien

b)

nécessaire qu'il existe une interdiction absolue de les fabriquer ou de les commercialiser dans l'État membre d'importation?

2)

Lorsqu'il existe, dans l'État membre d'importation, un « commerce licite » des marchandises frappées d'une interdiction nationale absolue d'importation en provenance d'un autre État membre au motif qu'elles sont indécentes ou obscènes, l'État membre d'importation est-il fondé, en pareilles circonstances, à invoquer des raisons de moralité publique, conformément à l'article 36 du traité instituant la Communauté économique européenne, pour interdire l'importation de telles marchandises en provenance d'un autre État membre au motif qu'elles sont indécentes ou obscènes, ou bien une telle interdiction constitue-t-elle un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres?

3)

L'interdiction d'importer des marchandises indécentes ou obscènes, inscrite à la section 42 du Customs Consolidation Act de 1876, constitue-t-elle un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée au sens de l'article 36 du traité instituant la Communauté économique européenne lorsqu'elle s'applique à des objets interdits par cette loi, mais non par l'Obscène Publications Act de 1959?

La question essentielle porte donc sur l'applicabilité de l'article 36 du traité tel que la Cour l'a interprété dans l'affaire 34/79, Regina contre Henn and Darby, (Rec. 1979, p. 3795), la société, le gouvernement du Royaume-Uni et la Commission s'accordant à considérer que l'exercice de ce pouvoir de saisie constitue, à première vue, une restriction quantitative à l'importation au sens de l'article 30 du traité.

Bien que les questions posées commencent par l'arrêt rendu dans l'affaire Henn et Darby, il nous semble plus approprié d'examiner d'abord l'article 36 du traité qui prévoit, entre autres, que les dispositions de l'article 30 « ne font pas obstacle aux interdictions ou restrictions d'importation... justifiées par des raisons de moralité publique, d'ordre public, de sécurité publique... Toutefois, ces interdictions ou restrictions ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres ».

Pour notre part, nous estimons que la première question qu'il faut poser dans le cadre de l'article 36 est celle de savoir si une mesure est justifiée par des raisons de moralité publique. Ce n'est que si elle l'est que se pose la deuxième question de savoir si cette interdiction constitue un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre les États membres. La dernière question pourrait, par exemple, se poser s'il était suggéré que la moralité publique ou l'ordre public, bien qu'ils puissent être utilisés comme justification, n'étaient pas la vraie raison de l'adoption d'une interdiction.

Pour trancher ce que nous considérons comme étant la première question, il ressort clairement de l'arrêt...

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