Jan De Nul NV v Hauptzollamt Oldenburg.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:791
Date14 December 2006
Celex Number62005CC0391
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-391/05

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Yves Bot

présentées le 14 décembre 2006 (1)

Affaire C‑391/05

Jan de Nul NV

contre

Hauptzollamt Oldenburg

[demande de décision préjudicielle formée par le Finanzgericht Hamburg (Allemagne)]

«Impôts indirects – Droits d’accises sur les huiles minérales – Notions d’eaux communautaires, de voies navigables intérieures et de navigation»





I – Introduction

1. Dans le cadre du présent renvoi préjudiciel, la Cour est interrogée sur le sens qu’il convient de donner à plusieurs notions figurant dans la directive 92/81/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant l’harmonisation des structures des droits d’accises sur les huiles minérales (2).

2. Il lui est demandé, en particulier, d’interpréter la notion d’«eaux communautaires» par rapport à celle de «voies navigables intérieures».

3. La Cour devra également dire pour droit si l’exploitation dans les eaux communautaires d’une drague porteuse doit être considérée entièrement comme de la «navigation» au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous c), de la directive 92/81 ou s’il convient de distinguer les différentes activités exécutées par cette drague au cours d’une intervention, à savoir, notamment, celles qui sont relatives aux déplacements à vide, aux manœuvres dues aux opérations de dragage et au transport des matériaux aspirés lors de ces opérations.

4. Dans les présentes conclusions, nous aborderons ces deux problèmes successivement.

5. Concernant, en premier lieu, la recherche d’un critère permettant de distinguer les notions d’eaux communautaires et de voies navigables intérieures, nous écarterons celui de la «ligne de base», au sens des articles 3 à 7 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, signée à Montego Bay le 10 décembre 1982 (3). Nous rejetterons également l’approche fonctionnelle qui consiste, en substance, à soutenir que les eaux communautaires, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous c), premier alinéa, de la directive 92/81, correspondent à toutes les eaux dans lesquelles se pratique normalement la navigation maritime à des fins commerciales.

6. Nous soutiendrons, en revanche, l’interprétation selon laquelle la notion d’eaux communautaires comprend les eaux maritimes qui relèvent de la souveraineté ou de la juridiction des États membres, à l’exception des voies navigables intérieures visées à l’article 8, paragraphe 2, sous b), de la directive 92/81. Nous démontrerons aussi que ces voies navigables intérieures sont constituées de l’ensemble des voies du réseau navigable interne de la Communauté, telles qu’elles sont énumérées à l’annexe I de la directive 82/714/CEE du Conseil, du 4 octobre 1982, établissant les prescriptions techniques des bateaux de la navigation intérieure (4).

7. S’agissant, en second lieu, de l’interprétation de la notion de «navigation dans des eaux communautaires», au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous c), de la directive 92/81, nous indiquerons, d’abord, que, dans la mesure où une drague porteuse dispose d’un système de propulsion qui lui procure une autonomie dans ses déplacements, ceux‑ci doivent être assimilés à de la navigation. Nous suggérerons ensuite à la Cour de répondre à la juridiction de renvoi que cette notion couvre les manœuvres effectuées par une drague porteuse durant les opérations d’aspiration du fond de l’eau, c’est-à-dire les déplacements effectués par cette drague durant l’exécution de son activité de dragage.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

8. En matière de droits d’accises, la directive 92/12/CEE du Conseil (5) fixe les règles relatives au régime général des produits soumis à accises. Aux termes de son article 2, paragraphe 1, «[l?a présente directive, ainsi que les directives mentionnées à l’article 1er, paragraphe 2, sont d’application sur le territoire de la Communauté tel qu’il est défini, pour chaque État membre, par le traité instituant la Communauté économique européenne et en particulier son article 227 [devenu, après modification, article 299 CE?», à l’exclusion d’un certain nombre de territoires nationaux expressément énumérés.

9. Les directives spécifiques prévues à l’article 1er, paragraphe 2, de la directive 92/12 sont, d’une part, la directive 92/81, en cause dans la présente procédure préjudicielle, et, d’autre part, la directive 92/82/CEE du Conseil, du 19 octobre 1992, concernant le rapprochement des taux d’accises sur les huiles minérales (6).

10. Selon le cinquième considérant de la directive 92/81, «il est nécessaire de prévoir certaines exonérations obligatoires au niveau communautaire».

11. Le sixième considérant de cette directive prévoit, toutefois, «qu’il y a lieu de permettre aux États membres d’appliquer, s’ils le souhaitent, certaines autres exonérations ou taux réduits à l’intérieur de leur territoire, lorsque cela n’entraîne pas de distorsions de concurrence».

12. Cette dualité entre les exonérations obligatoires, d’une part, et les exonérations facultatives, d’autre part, est détaillée à l’article 8, paragraphes 1 et 2, de ladite directive.

13. L’article 8, paragraphe 1, de la directive 92/81 est ainsi rédigé:

«Outre les dispositions générales de la directive 92/12/CEE concernant les utilisations exonérées de produits soumis à accises et sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent les produits suivants de l’accise harmonisée, selon les conditions qu’ils fixent en vue d’assurer l’application correcte et claire de ces exonérations et d’empêcher la fraude, l’évasion ou les abus:

[…?

c) les huiles minérales fournies en vue d’une utilisation comme carburant pour la navigation dans des eaux communautaires (y compris la pêche), autre qu’à bord de bateaux de plaisance privés.

Aux fins de la présente directive, on entend par bateaux de plaisance privés: tout bateau utilisé par son propriétaire ou par la personne physique ou morale qui peut l’utiliser à la suite d’une location ou à un autre titre, à des fins autres que commerciales et en particulier autres que le transport de passagers ou de marchandises ou la prestation de services à titre onéreux ou pour les besoins des autorités publiques;

[…?»

14. L’article 8, paragraphe 2, de la directive 92/81 dispose:

«Sans préjudice d’autres dispositions communautaires, les États membres peuvent appliquer des exonérations ou réductions totales ou partielles du taux d’accise aux huiles minérales ou à d’autres produits destinés aux mêmes usages utilisés sous le contrôle fiscal:

?…?

b) pour la navigation sur les voies navigables intérieures, autre que la navigation de plaisance;

[…?

g) pour des opérations de dragage des voies navigables et des ports.»

B – Le droit national

15. En Allemagne, les dispositions nationales relatives à l’utilisation exonérée des huiles minérales figurent dans la loi relative à la taxe sur les huiles minérales (Mineralölsteuergesetz), du 21 décembre 1992 (7), ainsi que dans le règlement portant mise en œuvre de la taxe sur les huiles minérales (Mineralölsteuer‑Durchführungsverordnung), du 15 septembre 1993 (8).

16. L’article 4, paragraphe 1, point 4, du MinöStG prévoit que, sous réserve de l’article 12 de cette même loi, les huiles minérales peuvent être utilisées en exonération de taxe, comme carburant pour la propulsion et pour le chauffage, sur les bateaux servant exclusivement à la navigation commerciale et aux activités annexes qui y sont liées, telles que le pilotage, le remorquage et les services analogues, ou au transport pour compte propre, ainsi que sur les bateaux de guerre et des autorités publiques, les bateaux de sauvetage en mer et les bateaux de pêche à titre professionnel.

17. Conformément à l’habilitation législative prévue à l’article 31, paragraphe 2, point 5, du MinöStG, le pouvoir réglementaire allemand a exclu, à l’article 17, paragraphe 5, de la MinöStV, certains types d’engins de la notion de «bateaux» au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 4, du MinöStG. Ainsi, ledit article 17 prévoit notamment, à son paragraphe 5, point 2, que les engins flottants comme les excavatrices, les grues et les élévateurs à grains ne sont pas considérés comme des «bateaux» au sens de l’article 4, paragraphe 1, point 4, du MinöStG, de sorte que les combustibles qui sont utilisés à leur bord comme carburant et pour le chauffage ne peuvent pas bénéficier d’une exonération fiscale.

III – Les faits et la procédure du litige au principal

18. Jan de Nul NV (ci-après «Jan de Nul» ou la «demanderesse au principal») est une entreprise établie en Belgique qui exerce des activités de génie hydraulique. Cette entreprise a exploité la drague à élinde traînante dénommée Cristoforo Colombo, qualifiée également de drague porteuse, lors d’une opération de dragage qui s’est déroulée entre le 19 octobre 1999 et le 17 décembre 1999 sur l’Elbe, entre Hambourg et Cuxhaven (9).

19. Une drague porteuse permet d’extraire par succion du fond de l’eau du sable, des graviers et d’autres matériaux similaires. Le mélange d’eau et de matériaux ainsi entraîné dans le puits de la drague est ensuite transporté vers un lieu où il est déversé.

20. Le 3 avril 2000, Jan de Nul a déclaré au Hauptzollamt Oldenburg (ci‑après le «Hauptzollamt») la quantité d’huiles minérales qui avait été consommée pendant les travaux d’aspiration de l’eau et des matériaux.

21. Par la suite, le Hauptzollamt a indiqué à la demanderesse au principal que la taxe sur les huiles minérales devait également être acquittée sur les quantités utilisées durant les déplacements à vide et les manœuvres dues aux opérations d’aspiration. La déclaration complémentaire établie le 15 novembre 2000 par Jan de Nul a abouti à une créance d’un montant de 183 127,02 DEM.

22. Par décision du 3 juillet 2002, le Hauptzollamt a rejeté la réclamation que Jan de Nul avait introduite le 19 décembre 2000 contre cette déclaration. Cette entreprise a alors formé, le 2 août 2002, un recours devant le...

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