TDC A/S v Erhvervsstyrelsen.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:1979
Date12 June 2014
Celex Number62013CC0222
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Docket NumberC-222/13
62013CC0222

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. YVES BOT

présentées le 12 juin 2014 ( 1 )

Affaire C‑222/13

TDC A/S

contre

Erhvervsstyrelsen

[demande de décision préjudicielle formée par le Teleklagenævnet (Danemark)]

«Recevabilité de la demande préjudicielle — Notion de ‘juridiction nationale’ au sens de l’article 267 TFUE — Indépendance de l’organisme de renvoi — Secteur des télécommunications — Service universel et droits des utilisateurs — Directive 2002/22/CE — Fourniture par le prestataire du service universel de services obligatoires additionnels au sens de l’article 32 de la directive — Financement des services obligatoires additionnels — Calcul du coût net — Détermination de la charge injustifiée»

1.

Par le présent renvoi préjudiciel, le Teleklagenævnet (Danemark) demande à la Cour de préciser les modalités de financement d’un service obligatoire additionnel fourni au titre de l’article 32 de la directive 2002/22/CE ( 2 ) par l’entreprise prestataire du service universel.

2.

La directive «service universel» vise à créer un cadre réglementaire harmonisé qui doit garantir, dans toute l’Union européenne, un accès abordable à des services de communications de base et de bonne qualité ( 3 ). Ces services sont expressément déterminés par le législateur de l’Union au chapitre II de ladite directive. Dans la mesure où ils sont fournis à un prix qui s’écarte de celui fixé dans des conditions normales d’exploitation commerciale, l’entreprise prestataire du service universel est indemnisée par l’État membre à travers un financement public ou par les entreprises du secteur à travers un fonds sectoriel.

3.

Conformément au principe de subsidiarité, les États membres peuvent aller au-delà du périmètre restreint du service universel et de ses services complémentaires ( 4 ), en rendant accessibles et abordables sur leur territoire des «services obligatoires additionnels» si le marché ne répond pas aux exigences des utilisateurs finals.

4.

L’article 32 de la directive «service universel», dont la portée doit être ici interprétée, dispose ainsi ce qui suit:

«Les États membres peuvent décider de rendre accessibles au public, sur le territoire national, des services additionnels, à l’exception des services qui relèvent des obligations du service universel définies dans le chapitre II, mais, dans ce cas, aucun mécanisme de compensation impliquant la participation d’entreprises spécifiques ne peut être imposé.»

5.

Cette disposition laisse aux États membres une grande latitude quant aux services susceptibles d’être fournis sur leur territoire au titre d’un «service obligatoire additionnel». Dans la présente affaire, le Royaume de Danemark a ainsi chargé TDC A/S (ci-après «TDC»), le principal opérateur danois dans le secteur des télécommunications, d’assurer des services de sécurité et d’urgence maritime par radio sur son territoire national ainsi qu’au Groenland. Ces services radio sont mis gratuitement à la disposition de tous les navires, quelle que soit leur nationalité, et permettent à ces derniers de demander une assistance lorsqu’ils sont en détresse ( 5 ).

6.

Néanmoins, contrairement aux règles régissant l’indemnisation des prestataires du service universel, le législateur de l’Union ne précise pas les conditions dans lesquelles un État membre doit indemniser l’entreprise prestataire d’un service obligatoire additionnel. S’il exclut expressément le financement sectoriel, il ne précise pas, en revanche, dans quelle mesure les États membres sont tenus d’indemniser la prestation d’un service obligatoire additionnel et de quelle façon ils sont tenus de calculer les coûts afférents à cette prestation aux fins d’un financement public.

7.

Dans l’affaire au principal, l’organisme compétent en matière de télécommunications ( 6 ) a ainsi refusé d’accorder à TDC une indemnisation des coûts liés à la prestation des services de sécurité et d’urgence maritime en cause pour l’année 2010. Cet organisme a, en effet, considéré que, conformément à la législation nationale applicable jusqu’au 31 mars 2012, TDC n’avait droit à aucune indemnisation quant aux frais exposés au titre de ce service obligatoire additionnel étant donné qu’elle réalisait, globalement, un excédent au titre de ses obligations de service universel et des services obligatoires additionnels pris dans leur ensemble ( 7 ). Il ressort de la décision de renvoi que, en pratique, les frais liés aux services de sécurité en cause s’élevaient à environ 60000000 couronnes danoises (DKK) par an (soit environ 8036000 euros), dont près de la moitié étaient liées à la prestation de ces services au Groenland.

8.

Dans le cadre du recours dont elle a été saisie, la juridiction de renvoi s’est interrogée sur les principes et les règles gouvernant le financement de ce service obligatoire additionnel au sens de l’article 32 de la directive «service universel». Empreint de doutes quant à l’interprétation de cette disposition, le Teleklagenævnet a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

La [directive ‘service universel’] et, en particulier, l’article 32 de celle-ci s’opposent-ils à ce qu’un État membre instaure des règles en vertu desquelles une entreprise n’a pas droit à la couverture spécifique par l’État membre du coût net de la fourniture d’un service obligatoire additionnel qui ne relève pas du chapitre II de [cette] directive, dès lors que les excédents réalisés par l’entreprise au titre d’autres services qui relèvent de ses obligations de service universel au sens du chapitre II de [ladite] directive sont supérieurs au déficit lié à la fourniture du service obligatoire additionnel?

2)

La directive ‘service universel’ s’oppose-t-elle à ce qu’un État membre instaure des règles en vertu desquelles les entreprises n’ont droit à la couverture par l’État membre du coût net de la fourniture de services obligatoires additionnels ne relevant pas du chapitre II de [cette] directive que si le coût net constitue une charge injustifiée pour les entreprises en question?

3)

Au cas où la deuxième question appellerait une réponse négative, l’État membre peut-il décider que la fourniture d’un service obligatoire additionnel ne relevant pas du chapitre II de la directive [‘service universel’] ne se traduit pas par une charge injustifiée lorsque l’entreprise a réalisé, globalement, un excédent dans le cadre de la fourniture de tous les services pour lesquels elle a une obligation de service universel, et notamment de la fourniture des services que l’entreprise aurait également assurés si elle n’avait pas été opérateur de service universel?

4)

La directive ‘service universel’ s’oppose-t-elle à ce qu’un État membre instaure des règles en vertu desquelles le coût net supporté par une entreprise désignée dans le cadre de son obligation de service universel au sens du chapitre II de [cette] directive est calculé sur la base de l’ensemble des recettes et des coûts qui sont liés à la fourniture du service en question, et notamment des recettes et des coûts que l’entreprise aurait également enregistrés si elle n’avait pas été opérateur de service universel?

5)

La réponse aux première à quatrième questions est-elle influencée par le fait que la gestion d’un service obligatoire additionnel doit être assurée au Groenland qui, en vertu de l’annexe II du traité FUE, est un pays ou territoire d’outre-mer [(ci-après les ‘PTOM’)], dès lors que sa gestion est confiée par des autorités danoises à une entreprise établie au Danemark et que cette entreprise n’a pas d’autres activités au Groenland?

6)

Quelle est l’incidence des articles 107, paragraphe 1, TFUE et 108, paragraphe 3, TFUE ainsi que de la décision [2012/21/UE] de la Commission, du 20 décembre 2011, relative à l’application de l’article 106, paragraphe 2, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne aux aides d’État sous forme de compensations de service public octroyées à certaines entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général [ ( 8 )] sur la réponse aux première à cinquième questions?

7)

Quelle est l’incidence du principe de distorsion minimale du marché, énoncé notamment aux articles 1er, paragraphe 2, et 3, paragraphe 2, aux considérants 4, 18, 23 et 26, ainsi qu’à l’annexe IV, partie B, de la directive ‘service universel’, sur la réponse aux première à cinquième questions?

8)

Si les dispositions de la directive ‘service universel’ font obstacle aux régimes juridiques nationaux visés aux première, deuxième et quatrième questions, ces dispositions ou ces restrictions sont-elles assorties de l’effet direct?»

9.

Dans l’affaire que nous examinons, nous avons, en particulier, de sérieux doutes concernant l’indépendance de jugement des membres composant l’organisme de renvoi dans la mesure où ces derniers, désignés et révoqués par le ministre compétent, ne disposent, notamment, d’aucune garantie particulière concernant leur révocation à l’exception de celles prévues par le droit du travail.

I – Le droit de l’Union

A – La directive «service universel»

10.

Conformément à son article 1er, la directive «service universel» vise à assurer la disponibilité, dans toute l’Union, de services de bonne qualité accessibles au public grâce à une concurrence et à un choix effectifs ainsi qu’à traiter les cas dans lesquels les besoins des utilisateurs finals ne sont pas correctement satisfaits par le marché. À cette fin, elle établit les droits des utilisateurs finals et les obligations correspondantes des entreprises fournissant des réseaux et des services de...

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