Commission of the European Communities v Italian Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2003:319
CourtCourt of Justice (European Union)
Date03 June 2003
Docket NumberC-129/00
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62000CC0129
EUR-Lex - 62000C0129 - FR 62000C0129

Conclusions de l'avocat général Geelhoed présentées le 3 juin 2003. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement d'État - Interprétation contraire au droit communautaire d'une loi nationale par la jurisprudence et la pratique administrative - Conditions de répétition de l'indu. - Affaire C-129/00.

Recueil de jurisprudence 2003 page 00000


Conclusions de l'avocat général

I - Introduction

1 Dans cette procédure de manquement en application de l'article 226 CE, la Commission des Communautés européennes demande à la Cour de constater que la République italienne, en maintenant dans son ordre juridique national l'article 29, paragraphe 2, de la loi n_ 428/1990, du 29 décembre 1990, portant dispositions en vue de l'application des obligations découlant de l'appartenance de la République italienne aux Communautés européennes (loi communautaire pour l'année 1990, GURI n_ 10, du 12 janvier 1991) qui, tel qu'appliqué en pratique et interprété par les juridictions, admet aux fins du remboursement de taxes en pratique perçues en violation du droit communautaire un régime de preuve qui rend l'exercice du droit au remboursement desdites taxes impossible ou du moins excessivement difficile pour le contribuable, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE. Selon elle, cette pratique est contraire aux principes juridiques développés par la Cour en matière de répétition de l'indu.

2 Cela pose également la question plus fondamentale des conséquences qu'il y a lieu d'attacher à une jurisprudence nationale qui ne se conforme pas aux dispositions du droit communautaire primaire et dérivé, telles qu'interprétées par la Cour de justice.

3 Nous nous permettons de souligner que cette problématique s'est présentée dans deux autres affaires actuellement pendantes devant la Cour, fût-ce sous un angle différent. Il s'agit des affaires Kühne & Heitz (1) et Köbler (2). Dans la première de ces affaires, le juge de renvoi a demandé si un organe administratif national est tenu de revenir sur une décision qui a été confirmée en justice et qui a acquis force de chose jugée, après qu'il est apparu dans un arrêt ultérieur de la Cour que cette décision et ce jugement sont fondés sur une interprétation erronée du droit communautaire. La seconde affaire porte sur la question de savoir si un État membre est responsable du dommage occasionné à un justiciable à la suite d'une décision contraire au droit communautaire rendue par une juridiction nationale suprême. L'espèce pose la question de savoir si une pratique judiciaire nationale permet de constater qu'un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité au sens de l'article 226 CE.

II - La législation italienne concernée

4 La loi n_ 428/1990 est entrée en vigueur le 27 janvier 1991.

5 L'article 29 de la loi n_ 428/1990 introduit des règles en matière de «remboursement des taxes reconnues incompatibles avec le droit communautaire». Les paragraphes 1 et 2 sont libellés comme suit:

«1. Le délai de forclusion quinquennal prévu par l'article 91 du texte unique des dispositions législatives en matière douanière, approuvé par décret du président de la République du 23 janvier 1973, n_ 43, doit être entendu comme s'appliquant à toutes les demandes et actions visant au remboursement des sommes payées en relation avec des opérations douanières. À partir du 90ème jour suivant la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le délai précité et le délai de prescription prévu par l'article 84 du texte unique sont réduits à trois ans.

2. Les droits de douane à l'importation, les impôts de fabrication, les impôts de consommation, la taxe sur le sucre et les droits d'État perçus en application de dispositions nationales incompatibles avec la législation communautaire sont remboursés, à moins que la charge y afférente ait été répercutée sur d'autres sujets.

[...]»

III - Les antécédents du litige

6 Le régime de l'article 29, paragraphe 2, de la loi n_ 428/1990 a remplacé l'article 10 du décret-loi n_ 430, du 10 juillet 1982 (3):

«Une personne ayant indûment payé des droits de douane à l'importation, des impôts de fabrication, des impôts de consommation ou des droits d'État, [...] n'a pas droit au remboursement des sommes payées, sauf cas d'erreur matérielle, lorsque la charge correspondante a été répercutée, de quelque manière que ce soit, sur d'autres personnes.

La charge est présumée répercutée chaque fois que les marchandises pour lesquelles le paiement a été effectué ont été cédées, même après ouvraison, transformation, montage, assemblage ou adaptation, sauf preuve documentaire contraire.

[...]»

7 Cette disposition a fait l'objet de deux arrêts de la Cour dans les années 80. Dans son arrêt San Giorgio, elle a dit pour droit qu'un État membre ne saurait subordonner le remboursement de taxes nationales perçues en violation des prescriptions du droit communautaire à la preuve que ces taxes n'ont pas été répercutées sur d'autres personnes si cette preuve doit être apportée selon des modalités qui rendent en pratique impossible ou excessivement difficile l'exercice de ce droit (4). Après l'arrêt San Giorgio, précité, la Commission a engagé une procédure en manquement contre la République italienne. Celle-ci a donné lieu à l'arrêt du 24 mars 1988 (5). Les griefs de la Commission étaient dirigés contre l'exigence d'une preuve exclusivement documentaire pour établir que les droits et taxes nationaux indûment acquittés n'avaient pas été répercutés sur d'autres sujets. La Cour a constaté l'incompatibilité des modalités de preuve concernées avec le droit communautaire.

8 L'article 29 de la loi n_ 428/1990 a aussi fait l'objet d'une jurisprudence communautaire. Des questions préjudicielles ont été posées concernant l'article 29, paragraphes 1 et 2, et ont donné lieu aux arrêts Aprile (6), Dilexport (7) et Grundig Italiana (8). Ces arrêts concernent tous trois le délai de forclusion prévu à l'article 29, paragraphe 1.

9 L'arrêt Dilexport, précité, revêt une importance particulière pour la mise en oeuvre de l'article 29, paragraphe 2, de la loi n_ 428/1990, qui est au coeur de la procédure d'infraction en l'espèce. Après avoir constaté que le gouvernement italien et le juge national s'opposent sur l'interprétation que les juridictions italiennes donnent à cette disposition, la Cour a considéré ce qui suit en ce qui concerne la répartition de la charge de la preuve:

«52. Si, comme le juge national l'estime, il existe une présomption des répercussions sur des tiers des droits et taxes illégalement réclamés ou indûment perçus et s'il est imposé au demandeur de renverser cette présomption pour obtenir le remboursement de la taxe, il y aura lieu de considérer que les dispositions en cause sont contraires au droit communautaire.

53. Si, en revanche, comme le soutient le gouvernement italien, il appartient à l'administration de démontrer, par tous les moyens de preuve généralement admis par le droit national, que la taxe a été répercutée sur d'autres personnes, il y aura lieu de considérer, au contraire, que les dispositions en cause ne sont pas contraires au droit communautaire.»

La Cour conclut que le droit communautaire s'oppose à ce qu'un État membre soumette le remboursement de droits de douane et d'impositions contraires au droit communautaire à une condition, telle que l'absence de répercussion de ces droits ou impositions sur des tiers, dont il appartiendrait au demandeur d'apporter la preuve qu'il y est satisfait.

IV - Procédure

10 La Commission a émis un avis motivé le 17 septembre 1996. Le 4 avril 2000, elle a introduit un recours devant la Cour.

11 La demanderesse conclut à ce qu'il plaise à la Cour:

a) constater que la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité en maintenant en vigueur dans son ordre juridique l'article 29, paragraphe 2, de la loi n_ 428/1990, qui, tel qu'interprété et appliqué par l'administration et les juridictions, admet un régime de preuve de la répercussion des taxes perçues en violation des règles communautaires qui rend l'exercice du droit au remboursement desdites taxes pratiquement impossible ou, du moins, excessivement difficile pour le contribuable et qui, comme tel, est incompatible avec les principes juridiques énoncés par la Cour en matière de répétition de l'indu;

b) condamner la République italienne aux dépens.

12 La République italienne conclut à ce qu'il plaise à la Cour rejeter le recours et condamner la Commission aux dépens.

13 Une audience a été tenue le 2 avril 2003. À la demande de la Cour, les parties ont examiné dans quelle mesure la Commission peut fonder une procédure en manquement sur des décisions d'instances judiciaires nationales. Au cours de cette audience, le gouvernement italien a soulevé une exception d'irrecevabilité.

V - Moyens et principaux arguments

A - Les griefs de la Commission

14 La Commission conteste la manière dont l'article 29, paragraphe 2, de la loi n_ 428/1990 est interprété dans la jurisprudence nationale et appliqué par l'administration fiscale. Cette pratique juridique ne serait pas conforme à la jurisprudence consacrée par la Cour aux conditions dans lesquelles un État membre peut refuser de rembourser au contribuable des taxes perçues en violation du droit communautaire.

15 Elle se réfère notamment à la jurisprudence dans laquelle la Cour a constaté que les modalités de preuve dont l'effet est de rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l'obtention du remboursement de la taxe concernée sont incompatibles avec le droit communautaire (9). Tel est le cas notamment de la présomption que la taxe a été répercutée sur des tiers et qu'il appartient au contribuable de démontrer que cette répercussion n'a pas eu lieu. Le droit communautaire s'oppose à ce qu'un État membre soumette le...

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