Finanzamt Rendsbug v Detlev Harbs.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:142
Docket NumberC-321/02
Celex Number62002CC0321
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date11 March 2004
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. PHILIPPE LÉGER
présentées le 11 mars 2004(1)



Affaire C-321/02

Finanzamt Rendsburg
contre
Detlev Harbs


[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesfinanzhof (Allemagne)]

«Sixième directive TVA – Article 25 – Régime commun forfaitaire des producteurs agricoles – Affermage par un producteur agricole d'une partie des éléments de son exploitation – Application du régime général au produit de l'affermage»






1. Dans la présente affaire, le Bundesfinanzhof (Allemagne) demande à la Cour de préciser quel est le champ d’application de l’article 25 de la sixième directive 77/388/CEE (2) , qui concerne le régime commun forfaitaire des producteurs agricoles. Cette demande a pour origine un litige entre une administration fiscale nationale et un producteur agricole qui a affermé les éléments de son exploitation servant à la production de lait. Il s’agit de déterminer si le produit de cet affermage peut être soumis au régime commun forfaitaire prévu à l’article 25 de la sixième directive ou au régime général en matière de taxe sur la valeur ajoutée (3) , ou bien encore s’il doit être entièrement exonéré. I – Le cadre juridique 2. Dans la sixième directive, le législateur communautaire, en établissant une assiette uniforme de TVA pour l’ensemble de la Communauté européenne, a voulu harmoniser le champ d’application de cette taxe dans tous les États membres. En outre, il a donné du champ d’application de cette taxe une définition très large. Ainsi, cette taxe doit s’appliquer à toutes les livraisons de biens et prestations de services effectuées à titre onéreux par un opérateur économique agissant de manière indépendante dans le cadre d’une activité économique (4) . Parmi ces activités économiques figurent également les activités agricoles (5) . 3. La TVA est conçue comme un impôt sur la consommation finale des ménages. Elle doit donc être neutre pour les opérateurs économiques. Toutefois, elle est appliquée par chaque opérateur qui intervient dans le circuit de production et de distribution ou de prestation de services. En pratique, cela signifie que chaque opérateur applique la TVA au prix de ses produits et de ses services et verse au Trésor public, à échéances périodiques, la taxe qu’il a ainsi recouvrée, mais après avoir déduit la TVA qu’il a acquittée lui‑même pour les achats des produits et des services nécessaires à son activité économique. La mise en œuvre d’un tel système nécessite donc de la part des assujettis la tenue d’une comptabilité suffisamment précise et détaillée pour permettre à la fois l’application de la TVA et son contrôle par l’administration fiscale (6) . 4. La tenue d’une telle comptabilité s’avérait très difficile pour certains opérateurs économiques, tels que les petites entreprises et la majorité des agriculteurs. Le législateur communautaire, dans la sixième directive, a donc voulu harmoniser les régimes particuliers qui avaient été instaurés par les États membres en faveur de ces catégories professionnelles (7) . Ainsi, l’article 24 de la sixième directive énonce que les États membres peuvent soumettre les petites entreprises à un régime simplifié, fondé sur un système de franchise. 5. À l’article 25 de la sixième directive, le législateur communautaire a également prévu que les États membres ont la faculté d’appliquer aux producteurs agricoles, pour lesquels l’assujettissement au régime normal de la TVA ou, le cas échéant, au régime simplifié visé à l’article 24 de la même directive se heurterait à des difficultés, un régime commun forfaitaire tendant à compenser la charge de la TVA qu’ils ont acquittée en amont sur leurs achats de biens et de services. Ces producteurs agricoles sont appelés «agriculteurs forfaitaires» (8) . 6. L’article 25 de la sixième directive prévoit que ce régime commun forfaitaire est soumis aux règles suivantes. Les États membres fixent, selon les modalités de calcul déterminées par ladite directive, des pourcentages forfaitaires de compensation. Ces pourcentages ne doivent pas avoir pour effet de procurer à l’ensemble des agriculteurs forfaitaires des remboursements supérieurs aux charges de TVA supportées en amont (9) . 7. Aux termes de l’article 25, paragraphe 5, de la sixième directive, ces pourcentages forfaitaires sont appliqués au prix hors taxes des produits et des prestations de services agricoles que les agriculteurs forfaitaires ont vendus à des assujettis autres que des agriculteurs forfaitaires. Cette compensation exclut toute autre forme de déduction. 8. La compensation forfaitaire est versée aux agriculteurs forfaitaires soit par l’acheteur ou le preneur assujetti, soit par les pouvoirs publics. Dans le premier cas de figure, l’agriculteur forfaitaire facture à l’acquéreur ou au preneur assujetti le pourcentage forfaitaire de compensation fixé par l’État et retient pour son propre compte la TVA qu’il a ainsi encaissée. Dans le second cas de figure, les pouvoirs publics paient audit agriculteur le montant de la compensation forfaitaire qui résulte de l’application de ce pourcentage aux encaissements qu’il a effectués. 9. Conformément à l’article 25, paragraphe 8, de la sixième directive, lorsque l’agriculteur forfaitaire vend ses produits ou fournit ses services à des acquéreurs ou à des preneurs non assujettis à la TVA ou à d’autres agriculteurs forfaitaires, la compensation de la charge de la TVA payée en amont est réputée être effectuée par l’acheteur ou le preneur. 10. Au sens de l’article 25, paragraphe 2, cinquième tiret, de la sixième directive, sont considérées comme des «prestations de services agricoles» les «prestations de services énumérées à l’annexe B qui sont accomplies par un producteur agricole en utilisant ses moyens en main‑d’œuvre et/ou l’équipement normal de son exploitation agricole». 11. L’annexe B de la sixième directive, qui comporte la liste des prestations de services agricoles, énonce que «sont considérées comme prestations de services agricoles les prestations de services qui contribuent normalement à la réalisation de la production agricole, et notamment […] la location, à des fins agricoles, des moyens normalement utilisés dans les exploitations agricoles». 12. En droit allemand, le mécanisme de la compensation forfaitaire prévu à l’article 25 de la sixième directive est mis en œuvre par l’article 24 de l’Umsatzsteuergesetz 1991 (10) . En application de cet article, la taxe appliquée par les producteurs agricoles à leurs produits et à leurs services, fixée à 8 %, compense la TVA qu’ils ont dû supporter en amont, de sorte qu’ils n’ont pas à acquitter d’excédent. II – Les faits 13. M. Detlev Harbs est un producteur agricole qui a donné en fermage à son fils, à compter du 15 novembre 1992 et jusqu’au 30 juin 2005, l’ensemble des éléments de son exploitation servant à la production de lait, c’est‑à‑dire 31,2 ha de terres, une étable à vaches, 65 vaches laitières et un quota laitier de plus de 300 000 kg. Le fermage a été fixé aux montants annuels de 9 360 DEM et 10 200 DEM pour les terres et l’étable ainsi qu’aux montants annuels de 6 000 DEM et 32 136,70 DEM pour les vaches laitières et le quota laitier. Postérieurement à ce contrat, M. Harbs a poursuivi son activité avec la partie restante de son exploitation agricole, constituée de 61,4 ha de terres, de bâtiments, d’un cheptel taurin de 60 bêtes environ pour l’engraissement et d’un élevage de 120 bovins. 14. M. Harbs a considéré que le fermage était soumis en totalité au régime commun forfaitaire prévu à l’article 24 de l’UStG. Le Finanzamt Rendsburg (Allemagne) a estimé, au contraire, que, si l’affermage des terres et de l’étable est exonéré de taxes en vertu du droit allemand, en revanche, les sommes reçues au titre de la mise à disposition des vaches laitières et du quota laitier doivent être soumises au régime normal de la TVA. Il a émis à l’encontre de M. Harbs un avis de taxation de 361 DEM correspondant à la TVA due au titre de l’année 1992. 15. Le Finanzgericht (Allemagne) a fait droit au recours de M. Harbs en considérant que la rémunération que celui‑ci tire de l’affermage en cause relève de l’article 24 de l’UStG. Le Finanzamt Rendsburg s’est pourvu en révision devant le Bundesfinanzhof. III – La question préjudicielle 16. Le Bundesfinanzhof, en prémisse à l’argumentation contenue dans sa décision de renvoi, considère que M. Harbs, malgré l’affermage litigieux, a gardé la qualité de producteur agricole au sens de l’article 25 de la sixième directive, puisqu’il a poursuivi l’exploitation de la partie de son domaine non donnée à bail, qui est relativement importante. 17. En ce qui concerne le régime de TVA applicable, le Bundesfinanzhof estime, d’une part, que l’application à ce producteur agricole de deux régimes différents, à savoir le régime commun forfaitaire pour son exploitation en propre et le régime normal pour l’affermage en cause, pourrait apparaître comme contraire à l’objectif de...

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