ASML Netherlands BV v Semiconductor Industry Services GmbH (SEMIS).

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2006:617
Docket NumberC-283/05
Celex Number62005CC0283
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date28 September 2006

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PHILIPPE LÉger

présentées le 28 septembre 2006 (1)

Affaire C‑283/05

ASML Netherlands BV

contre

Semiconductor Industry Services GmbH (SEMIS)

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberster Gerichtshof (Autriche)]

«Coopération judiciaire – Règlement (CE) n° 44/2001 – Article 34, point 2 – Motif de non‑reconnaissance d’une décision rendue dans un autre État membre – Violation des droits de la défense – Exception à l’application de ce motif de non‑reconnaissance – Possibilité pour le défendeur défaillant d’exercer un recours contre la décision rendue par défaut – Conditions – Signification ou notification de la décision»





1. La présente procédure préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 34, point 2, du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil (2), qui prévoit dans quelles conditions un État membre peut s’opposer à la reconnaissance d’une décision de justice obtenue par défaut dans un autre État membre lorsque les droits de la défense ont été méconnus.

2. Cette disposition énonce ainsi que ce motif de refus de reconnaissance ne trouve pas à s’appliquer lorsque le défendeur défaillant n’a pas exercé de recours à l’encontre de la décision rendue contre lui alors qu’il était en mesure de le faire.

3. L’Oberster Gerichtshof (Autriche), la juridiction suprême de l’ordre judiciaire autrichien, invite la Cour à préciser le contenu de la condition selon laquelle le défendeur était en mesure de faire un recours. Elle cherche à savoir si cette condition doit être interprétée en ce sens qu’il suffit que le défendeur défaillant ait eu connaissance de l’existence de la décision rendue par défaut ou bien s’il est nécessaire que celle-ci lui ait été signifiée ou notifiée.

I – Le cadre juridique

4. Les dispositions de droit communautaire pertinentes pour la solution du litige au principal portent sur les trois points suivants: les garanties des droits de la défense au stade du procès initial dans l’État membre d’origine, ces garanties au stade de la reconnaissance et de l’exécution de la décision dans l’État requis et, enfin, la procédure applicable à l’exécution de celle-ci.

5. Ces dispositions figurent principalement dans le règlement n° 44/2001. En ce qui concerne le contrôle, par le juge de l’État membre d’origine, de la convocation du défendeur défaillant, les dispositions pertinentes se trouvent aussi dans le règlement (CE) n° 1348/2000 du Conseil (3).

6. Les règlements nos 44/2001 et 1348/2000 ont été adoptés par le Conseil de l’Union européenne sur le fondement des dispositions du titre IV du traité CE, qui donnent compétence à la Communauté pour adopter les mesures relevant de la coopération judiciaire en matière civile qui sont nécessaires au bon fonctionnement du marché commun.

7. La coopération judiciaire en matière civile a relevé de conventions internationales jusqu’au traité d’Amsterdam. Le traité de Maastricht en a fait une question d’intérêt commun aux États membres, en l’intégrant à son titre VI, portant sur la coopération dans les domaines de la justice et des affaires intérieures et instituant ce qu’il a été convenu d’appeler le «troisième pilier» dans l’ordre juridique communautaire.

8. Le traité d’Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, a «communautarisé» cette matière, en l’intégrant au titre IV du traité CE. La reconnaissance de la compétence de la Communauté dans ce domaine a conduit le législateur communautaire à substituer des règlements aux conventions internationales existantes.

9. Le règlement n° 44/2001, entré en vigueur le 1er mars 2002, a remplacé ainsi la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (4) dans tous les États membres ayant choisi de participer aux mesures prises en vertu de ce titre IV (5).

10. Le règlement n° 44/2001 s’inspire largement de la convention de Bruxelles, avec laquelle le législateur communautaire a entendu assurer une véritable continuité (6). Il a pour objet d’unifier les règles de conflit de compétence en matière civile et commerciale et de simplifier les formalités en vue de la reconnaissance et de l’exécution rapides et simples des décisions rendues dans un autre État membre (7).

11. De même, il reprend la plupart des règles de la convention de Bruxelles et ses dispositions sont le plus souvent analogues à l’article correspondant dans ladite convention.

12. Le règlement n° 1348/2000, quant à lui, reprend largement le contenu de la convention établie par acte du Conseil du 26 mai 1997, relative à la signification et à la notification dans les États membres de l’Union européenne des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale (8).

13. Cette convention, qui n’est pas entrée en vigueur, s’inspire elle‑même de la convention relative à la signification et à la notification à l’étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires en matière civile ou commerciale, conclue à La Haye le 15 novembre 1965 (9).

14. Le règlement n° 1348/2000, entré en vigueur le 31 mai 2001, prévaut, dans tous les États membres à l’exception du Royaume de Danemark, sur les dispositions de la matière qu’il couvre et qui sont contenues dans la convention de Bruxelles et dans la convention de La Haye (10).

A – La protection des droits du défendeur défaillant au stade du procès initial

15. Lorsque le juge d’un État membre est saisi d’un litige à l’encontre d’un défendeur domicilié sur le territoire d’un autre État membre et qui ne comparaît pas, ce juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu’il n’est pas établi soit que ce défendeur a été mis à même de recevoir l’acte introductif d’instance ou un acte équivalent en temps utile pour se défendre, soit que toute diligence a été faite à cette fin. Cette obligation est énoncée dans des termes comparables à l’article 26, paragraphe 2, du règlement n° 44/2001 et à l’article 20, deuxième alinéa, de la convention de Bruxelles.

16. Toutefois, si l’acte introductif d’instance a dû être transmis d’un État membre à un autre en vertu du règlement n° 1348/2000 ou de la convention de La Haye, ce sont les dispositions de l’article 19 de ce règlement ou celles de l’article 15 de cette convention qui s’appliquent (11).

17. Ces deux articles sont similaires. Ils prévoient que, lorsqu’un acte introductif d’instance ou un acte équivalent a dû être transmis dans un autre État membre ou un autre État contractant aux fins de signification ou de notification selon les dispositions du règlement n° 1348/2000 ou de la convention de La Haye et que le défendeur ne comparaît pas, le juge est tenu de surseoir à statuer aussi longtemps qu’il n’est pas établi:

– que l’acte a été signifié ou notifié selon les formes prescrites par la législation de l’État requis pour la signification ou la notification des actes dressés dans ce pays et qui sont destinés aux personnes se trouvant sur son territoire;

– ou bien que l’acte a été effectivement remis au défendeur ou à sa résidence selon un autre mode prévu par ledit règlement ou ladite convention,

et que, dans chacune de ces éventualités, soit la signification ou la notification (12), soit la remise a eu lieu en temps utile pour que le défendeur puisse se défendre.

18. Ces deux mêmes articles disposent, en outre, que chaque État membre ou contractant peut apporter une atténuation à la règle précédente en prévoyant que ses juges peuvent statuer si toutes les conditions ci-après sont réunies:

– l’acte a été transmis selon un des modes prévus par le règlement n° 1348/2000 ou la convention de La Haye;

– un délai, que le juge appréciera dans chaque cas particulier et qui sera d’au moins six mois, s’est écoulé depuis la date d’envoi de l’acte;

– aucune attestation n’a pu être obtenue nonobstant toutes les démarches effectuées auprès des autorités ou entités compétentes de l’État requis.

19. Enfin, l’article 19, paragraphe 4, du règlement n° 1348/2000 énonce, dans des termes comparables à ceux de l’article 16 de la convention de La Haye:

«Lorsqu’un acte introductif d’instance ou un acte équivalent a dû être transmis dans un autre État membre aux fins de signification ou de notification, selon les dispositions du présent règlement, et qu’une décision a été rendue contre un défendeur qui n’a pas comparu, le juge a la faculté de relever le défendeur de la forclusion résultant de l’expiration des délais de recours, si les conditions ci-après sont réunies:

a) le défendeur, sans qu’il y ait eu faute de sa part, n’a pas eu connaissance dudit acte en temps utile pour se défendre et de la décision en temps utile pour exercer un recours;

b) les moyens du défendeur n’apparaissent pas dénués de tout fondement.

La demande tendant au relevé de la forclusion doit être formée dans un délai raisonnable à partir du moment où le défendeur a eu connaissance de la décision.

Chaque État membre a la faculté de préciser, conformément à l’article 23, paragraphe 1, que cette demande est irrecevable si elle n’est pas formée dans un délai qu’il indiquera dans sa communication, ce délai ne pouvant toutefois être inférieur à un an à compter du prononcé de la décision.»

B – La vérification du respect des droits du défendeur défaillant au stade de la reconnaissance et de l’exécution de la décision dans l’État requis

20. Conformément à l’article 26 de la convention de Bruxelles et à l’article 33 du règlement n° 44/2001, les décisions rendues dans un État contractant ou un État membre sont reconnues dans les autres États contractants ou les autres États membres, sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure.

21. Toutefois, la convention de Bruxelles et le règlement n° 44/2001 énumèrent limitativement les motifs en vertu desquels il doit être dérogé à ce principe. Parmi ces motifs figure celui selon lequel, malgré les garanties prévues au stade du procès initial, les droits du défendeur...

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