Telecom Italia SpA v Ministero dell’Economia e delle Finanze and Ministero delle Comunicazioni.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:640
Docket NumberC-296/06
Celex Number62006CC0296
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date25 October 2007

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO Ruiz-Jarabo Colomer

présentées le 25 octobre 2007 (1)

Affaire C‑296/06

Telecom Italia SpA

contre

Ministero dell’Economia e delle Finanze

et

Ministero delle Comunicazioni

[demande de décision préjudicielle formée par le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (Italie)]

«Services de télécommunications – Autorisations générales et licences individuelles – Directive 97/13/CE – Article 11 – Taxes et redevances applicables aux licences individuelles – Article 22 – Soumission transitoire de l’ancien concessionnaire exclusif à une taxe contraire à l’article 11»






I – Introduction

1. La présente question préjudicielle, soumise au titre de l’article 234 CE par le Tribunale amministrativo regionale del Lazio (Italie), porte sur un thème bien connu de la Cour, bien qu’avec des nuances qui n’existent pas dans les autres affaires déjà résolues (2).

2. À cinq reprises, il a été énoncé dans la jurisprudence communautaire que la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications (3), interdisait aux États membres d’imposer aux entreprises titulaires de licences individuelles des taxes non prévues à son article 11 et exigeait de les calculer en fonction des frais afférents à leur délivrance.

3. La première fois a été à l’occasion de l’arrêt du 18 septembre 2003, Albacom et Infostrada (4), rendu pour aider le Consiglio di Stato (Conseil d’État, Italie) à statuer sur un litige portant sur une contribution calculée sur la base du chiffre d’affaires des sociétés de télécommunications, décision reproduite dans l’ordonnance du 8 juin 2004, Telecom Italia Mobile e.a. (5)

4. Toujours en ayant pour toile de fond l’ordre juridique italien, et en réponse au même Consiglio di Stato, il a été établi, dans l’arrêt du 18 juillet 2006, Nuova società di telecomunicazioni (6), que cet article 11 s’opposait à une réglementation qui soumettait le titulaire d’une licence individuelle pour la fourniture d’un réseau public de télécommunications au paiement d’une contribution complémentaire relative à l’utilisation privée dudit réseau.

5. Ensuite, dans l’arrêt du 19 septembre 2006, i-21 Germany et Arcor (7), il a été signifié au Bundesverwaltungsgericht (tribunal fédéral administratif suprême, Allemagne) que le système de la directive 97/13 s’opposait à l’application d’une taxe calculée en tenant compte des frais administratifs généraux de l’organisme de régulation sur une période de 30 ans.

6. Onze mois auparavant, dans l’arrêt du 20 octobre 2005, ISIS Multimedia et Firma 02 (8), la Cour a fait savoir au tribunal allemand susmentionné que cette directive s’opposait à ce que des nouveaux opérateurs fussent tenus d’acquitter une redevance pour l’attribution de numéros de téléphone d’un montant très supérieur aux frais afférents à leur délivrance, si l’entreprise détenant une position dominante qui avait succédé à l’ancien monopole les avait obtenus gratuitement.

7. Ce renvoi préjudiciel, pour lequel, à l’instar de quatre des précédents, il m’incombe de formuler des conclusions, se situe dans un cadre quelque peu différent; en effet, il s’agit ici de savoir si les États membres peuvent, en vertu de l’article 22 de la directive 97/13, prolonger jusqu’au 1er janvier 1999, l’obligation de payer une contre-prestation en argent qui pèse sur les anciens concessionnaires exclusifs, obligation dont personne ne conteste le fait qu’elle soit contraire à l’article 11 de la directive susmentionnée.

II – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire: la directive 97/13

8. L’ouverture du marché des télécommunications dans l’Union européenne a eu lieu le 1er janvier 1998 (9) et la directive 97/13 apparaît comme l’un de ses outils les plus efficaces. Cette réglementation a concilié l’indispensable contrôle étatique de ces ressources, qui s’exprime au moyen de la technique des «autorisations», et la libéralisation irréversible du secteur, en vue de créer des conditions dans lesquelles la liberté d’établissement et la libre prestation de services seraient favorables à l’enracinement de la concurrence. À cette fin, la directive 97/13 prévoit un cadre uniforme, fondé sur les principes de proportionnalité, de transparence et de non-discrimination, dans lequel l’absence de restrictions à la libre prestation des services de télécommunications et à l’exploitation de ses réseaux constitue la règle de base. Le législateur communautaire a souhaité que ces services soient distribués et utilisés sans entrave ou, le cas échéant, en vertu d’ «autorisations générales», et que les «licences individuelles» ne soient attribuées qu’exceptionnellement ou en vue de compléter lesdites autorisations générales (10).

9. Les articles 6 et 11 de la directive 97/13 s’inscrivent dans cette logique qui vise à favoriser la concurrence sur le marché des télécommunications et à ne pas imposer aux entreprises plus de restrictions ou de charges que nécessaire, respectant ainsi le principe de proportionnalité (11). Ils sont intitulés, respectivement, «Taxes et redevances applicables aux procédures d’autorisations générales» et «Taxes et redevances applicables aux licences individuelles».

10. L’article 11, paragraphe 1, de la directive 97/13 interdit aux États membres de réclamer aux titulaires de licences individuelles d’autres taxes que celles qui ont pour objet de couvrir les frais administratifs afférents à la délivrance, à la gestion, au contrôle et à l’application desdites licences individuelles, bien que, aux termes de l’article 11, paragraphe 2, de la directive susmentionnée, dans le cas de ressources rares, ils peuvent imposer des redevances non discriminatoires afin de tenir compte de la nécessité d’assurer une utilisation optimale de cette ressource.

11. Aux termes de l’article 25 de la directive 97/13, les États membres doivent se mettre en conformité avec la directive, au plus tard le 31 décembre 1997.

12. Toutefois, sous l’intitulé «Autorisations existant à la date d’entrée en vigueur de la présente directive», l’article 22 de la directive 97/13 prévoit que (12):

«1. Les États membres prennent toutes les dispositions nécessaires pour que les autorisations existant à la date d’entrée en vigueur de la présente directive soient mises en conformité avec celle-ci avant le 1er janvier 1999.

2. Lorsque l’application des dispositions de la présente directive entraîne des modifications des conditions d’autorisation existant déjà, les États membres peuvent proroger la validité des conditions autres que celles conférant des droits spéciaux ou exclusifs qui ont été dénoncés ou doivent être dénoncés en vertu du droit communautaire, à condition que cela n’affecte pas des droits d’autres entreprises découlant du droit communautaire, y compris la présente directive. En pareil cas, les États membres notifient à la Commission les mesures prises à cette fin et les motivent.

3. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 2, les obligations concernant les autorisations existant à la date d’entrée en vigueur de la présente directive qui n’auront pas été mises en conformité d’ici au 1er janvier 1999 avec les dispositions de la présente directive seront inopérantes.

Dans les cas justifiés, les États membres peuvent, sur demande, obtenir de la Commission un report de cette date.»

B – L’ordre juridique italien: la redevance afférente aux licences individuelles

13. Le code des postes et des télécommunications de 1973 (Codice postale e delle telecomunicazioni) (13) réservait les communications à distance au domaine public (article 1), bien qu’il admettait qu’elles soient gérées indirectement au moyen d’une concession (article 4), le concessionnaire étant tenu de payer une redevance annuelle (article 188), proportionnelle aux revenus bruts de l’activité, déduction faite des sommes versées au concessionnaire du réseau (14).

14. Lorsque le processus de libéralisation du secteur a débuté dans l’Union européenne, le décret-loi nº 545, du 23 octobre 1996 (15), a mis la législation italienne en conformité avec le droit communautaire puis est devenu, après quelques modifications, la loi nº 650, du 23 décembre 1996 (16).

15. La nouvelle législation a supprimé les droits exclusifs et spéciaux et a reconnu à toute entreprise la faculté de fournir des services et d’installer des réseaux de télécommunications, sous réserve de l’obtention d’une autorisation administrative. L’article 4, paragraphes 1 et 2, de la loi nº 249, du 31 juillet 1997 (17), instituant l’Autorità per le garanzie nelle comunicazioni (autorité garante en matière de communications) et prévoyant des règles concernant les systèmes de radiotélévision et de télécommunications, a entériné cette approche.

16. Le décret du président de la République nº 318, du 19 septembre 1997 (18), transposant la directive 97/13, a mis en œuvre cette adaptation du droit italien aux exigences de l’ordre juridique communautaire. La limite temporelle pour les anciens droits spéciaux et exclusifs a été fixée, à l’article 2, paragraphe 3, dudit décret, au 1er janvier 1998, article qui, ensuite, reproduit l’article 22 de la directive 97/13 (article 2, paragraphes 4 à 6).

17. De surcroît, l’article 6, paragraphe 20, du décret du président de la République nº 318 prévoit que la contribution exigée pour les licences individuelles vise uniquement à couvrir les frais administratifs afférents à leur délivrance (19), ce faisant, l’article 188 du code des postes est devenu caduc.

18. Toutefois, afin de faciliter la transition, la validité de cet article du code des postes a été prolongée pour une durée laissée à la libre appréciation de l’Autorità (article 21, paragraphe 2). Cette règle a été abrogée par l’article 20, paragraphe 4, de la loi nº 448, du 23 décembre 1998, relative aux dispositions en matière de finances...

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