Dirk Rüffert v Land Niedersachsen.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2007:541
Date20 September 2007
Celex Number62006CC0346
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-346/06

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. Yves Bot

présentées le 20 septembre 2007 (1)

Affaire C‑346/06

Rechtsanwalt Dr. Dirk Rüffert als Insolvenzverwalter über das Vermögen der Objekt und Bauregie GmbH & Co. KG

contre

Land Niedersachsen

[demande de décision préjudicielle formée par l’Oberlandesgericht Celle (Allemagne)]

«Directive 96/71/CE – Détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services – Conventions collectives – Salaire minimal – Article 49 CE – Restriction à la libre prestation des services – Procédures de passation des marchés publics de travaux – Protection des travailleurs et prévention du dumping social»





1. Le présent renvoi préjudiciel va permettre à la Cour d’ajouter une nouvelle pierre à sa jurisprudence relative à la problématique du détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services.

2. En effet, la question posée par la juridiction de renvoi invite une nouvelle fois la Cour à mettre en balance, d’une part, la libre prestation des services et, d’autre part, les impératifs tirés de la protection des travailleurs et de la prévention du dumping social.

3. Plus précisément, l’Oberlandesgericht Celle (Allemagne) demande, en substance, à la Cour de se prononcer sur le point de savoir si le droit communautaire doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une législation nationale relative à la passation de marchés publics qui impose aux adjudicataires et, indirectement, à leurs sous‑traitants de verser aux travailleurs détachés dans le cadre de l’exécution d’un marché public au minimum la rémunération prévue dans la convention collective applicable au lieu d’exécution des prestations, sous peine de sanctions pouvant aller jusqu’à la résiliation du contrat de travaux, lorsque la convention collective à laquelle se réfère cette disposition législative n’est pas déclarée d’application générale.

4. Cette demande a été soulevée dans le cadre d’un litige opposant Rechtsanwalt Dr. Dirk Rüffert als Insolvenzverwalter über das Vermögen der Objekt und Bauregie GmbH & Co. KG (Me Rüffert, avocat, en qualité d’administrateur judiciaire des actifs de la société Objekt und Bauregie GmbH & Co. KG), partie défenderesse dans le litige au principal, au Land Niedersachsen (Land de Basse‑Saxe), partie demanderesse dans le litige au principal, au sujet de la résiliation d’un contrat d’entreprise conclu entre cette société et ce Land dans le cadre d’un marché public de travaux.

5. Dans les présentes conclusions, nous démontrerons pourquoi, à notre sens, ni la directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 1996, concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d’une prestation de services (2), ni l’article 49 CE ne doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une mesure nationale telle que celle en cause au principal.

I – Le cadre juridique

A – Le droit communautaire

6. L’article 49, premier alinéa, CE dispose que les restrictions à la libre prestation des services à l’intérieur de la Communauté sont interdites à l’égard des ressortissants des États membres établis dans un pays de la Communauté autre que celui du destinataire de la prestation.

7. La directive 96/71 vise à développer la libre prestation des services entre les États membres, tout en assurant une concurrence loyale entre les entreprises prestataires de services et en garantissant le respect des droits des travailleurs (3).

8. L’article 1er de cette directive, intitulé «Champ d’application», est libellé comme suit:

«1. La présente directive s’applique aux entreprises établies dans un État membre qui, dans le cadre d’une prestation de services transnationale, détachent des travailleurs, conformément au paragraphe 3, sur le territoire d’un État membre.

[…]

3. La présente directive s’applique dans la mesure où les entreprises visées au paragraphe 1 prennent l’une des mesures transnationales suivantes:

a) détacher un travailleur, pour leur compte et sous leur direction, sur le territoire d’un État membre, dans le cadre d’un contrat conclu entre l’entreprise d’envoi et le destinataire de la prestation de services opérant dans cet État membre, pour autant qu’il existe une relation de travail entre l’entreprise d’envoi et le travailleur pendant la période de détachement

[…]»

9. Comme en témoigne le sixième considérant de ladite directive, le législateur communautaire est parti du constat que, s’agissant de situations transnationales, les relations de travail des travailleurs détachés soulèvent des problèmes quant au droit qui leur est applicable.

10. À cet égard, la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, ouverte à la signature à Rome le 19 juin 1980 (4), prévoit des critères généraux pour déterminer la loi applicable à la relation de travail (5). Ainsi, l’article 3 de cette convention prévoit, comme règle générale, le libre choix de la loi applicable par les parties. À défaut de choix, le contrat de travail est régi, en vertu de l’article 6, paragraphe 2, de ladite convention, par la loi du pays où le travailleur accomplit habituellement son travail, même s’il est détaché à titre temporaire dans un autre pays.

11. En outre, l’article 7 de la convention de Rome prévoit, sous certaines conditions, que soit donné effet, concurremment avec la loi déclarée applicable, aux règles de police d’une autre loi, en particulier celle de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché à titre temporaire. Ces règles impératives, également désignées par les termes «lois d’application immédiate» ou «lois de police», qui prévalent sur le lieu d’exécution du travail, ne sont pas précisées par cette convention.

12. Dans ce contexte, l’apport de la directive 96/71 est de désigner, au niveau communautaire, un certain nombre de règles impératives dans les situations de détachement transnational (6). Elle constitue également une expression du principe de priorité du droit communautaire qui est énoncé à l’article 20 de la convention de Rome, et selon lequel cette convention ne préjuge pas l’application des dispositions qui, dans des matières particulières, règlent les conflits de lois en matière d’obligations contractuelles et qui sont contenues dans des actes communautaires ou dans des législations nationales harmonisées en exécution de ces actes (7).

13. En vue de concilier les différents objectifs qu’elle poursuit, la directive 96/71 procède ainsi à la coordination des législations des États membres «de manière à prévoir un noyau de règles impératives de protection minimale que doivent observer, dans le pays d’accueil, les employeurs qui détachent des travailleurs en vue d’effectuer un travail à titre temporaire sur le territoire de l’État membre de la prestation» (8).

14. Selon le dix‑septième considérant de cette directive, «les règles impératives de protection minimale en vigueur dans le pays d’accueil ne doivent pas empêcher l’application des conditions de travail et d’emploi plus favorables aux travailleurs».

15. Ces principes sont détaillés à l’article 3 de ladite directive, intitulé «Conditions de travail et d’emploi», qui est ainsi rédigé:

«1. Les États membres veillent à ce que, quelle que soit la loi applicable à la relation de travail, les entreprises visées à l’article 1er paragraphe 1 garantissent aux travailleurs détachés sur leur territoire les conditions de travail et d’emploi concernant les matières visées ci-après qui, dans l’État membre sur le territoire duquel le travail est exécuté, sont fixées:

– par des dispositions législatives, réglementaires ou administratives

et/ou

– par des conventions collectives ou sentences arbitrales déclarées d’application générale au sens du paragraphe 8, dans la mesure où elles concernent les activités visées en annexe [(9)]:

[…]

c) les taux de salaire minimal, y compris ceux majorés pour les heures supplémentaires; le présent point ne s’applique pas aux régimes complémentaires de retraite professionnels;

[…]

Aux fins de la présente directive, la notion de taux de salaire minimal visée au second tiret point c) est définie par la législation et/ou la pratique nationale(s) de l’État membre sur le territoire duquel le travailleur est détaché.

[…]

7. Les paragraphes 1 à 6 ne font pas obstacle à l’application de conditions d’emploi et de travail plus favorables pour les travailleurs.

[…]

8. On entend par conventions collectives ou sentences arbitrales, déclarées d’application générale, les conventions collectives ou les sentences arbitrales qui doivent être respectées par toutes les entreprises appartenant au secteur ou à la profession concernés et relevant du champ d’application territoriale de celles‑ci.

En l’absence d’un système de déclaration d’application générale de conventions collectives ou de sentences arbitrales au sens du premier alinéa, les États membres peuvent, s’ils décident ainsi, prendre pour base:

– les conventions collectives ou sentences arbitrales qui ont un effet général sur toutes les entreprises similaires appartenant au secteur ou à la profession concernés et relevant du champ d’application territoriale de celles‑ci

et/ou

– les conventions collectives qui sont conclues par les organisations des partenaires sociaux les plus représentatives au plan national et qui sont appliquées sur l’ensemble du territoire national,

pour autant que leur application aux entreprises visées à l’article 1er paragraphe 1 garantisse, quant aux matières énumérées au paragraphe 1 premier alinéa du présent article, une égalité de traitement entre ces entreprises et les autres entreprises visées au présent alinéa se trouvant dans une situation similaire.

Il y a égalité de traitement, au sens du présent article, lorsque les entreprises nationales se trouvant dans une situation similaire:

– sont soumises, au lieu d’activité ou dans le secteur concernés, aux mêmes obligations, en ce qui concerne les...

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