France Télécom SA v Commission of the European Communities.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2008:520
CourtCourt of Justice (European Union)
Date25 September 2008
Docket NumberC-202/07
Procedure TypeRecurso de casación - inadmisible
Celex Number62007CC0202

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. JÀN Mazák

présentées le 25 septembre 2008 (1)

Affaire C-202/07 P

France Télécom SA

Contre

Commission des Communautés européennes

«Pourvoi – Abus de position dominante – Article 82 CE – Marché des services d’accès à Internet à haut débit (ADSL) – Prix prédateurs – Alignement sur les prix pratiqués par les concurrents – Récupération des pertes subies»





1. Dans la présente affaire, la Cour est appelée à connaître d’un prétendu abus de position dominante sous la forme d’une politique de prix prédateurs entrant dans la catégorie de pratiques d’exclusion ou «éliminatoires» de la part d’entreprises dominantes (2). La jurisprudence précédente de la Cour en matière de politique de prix prédateurs est essentiellement constituée des arrêts AKZO/Commission (3) et Tetra Pak/Commission (4).

2. Le présent pourvoi trouve ses origines dans une décision de la Commission du 16 juillet 2003 (5), par laquelle la Commission des Communautés européennes a constaté que Wanadoo Interactive a enfreint l’article 82 CE en pratiquant pour ses services eXtense et Wanadoo ADSL (6) (ci-après les «services en cause») des prix prédateurs ne lui permettant pas de couvrir ses coûts variables jusqu’au mois d’août 2001, ni ses coûts complets à partir du mois d’août 2001, dans le cadre d’un plan visant à préempter le marché de l’accès à Internet à haut débit dans une phase importante de son développement (7). La Commission lui a ordonné de mettre fin à cette infraction et lui a infligé une amende de 10,35 millions d’euros (8).

3. La décision litigieuse a été confirmée par l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 30 janvier 2007 France Télécom/Commission (9) (ci-après l’«arrêt attaqué»). Par le présent pourvoi, France Télécom SA (ci-après «FT»), anciennement Wanadoo Interactive SA (ci-après «WIN»), demande l’annulation de l’arrêt attaqué.

I – Le contexte du litige

4. Le contexte factuel du litige a été résumé comme suit par le Tribunal aux points 1 à 11 de l’arrêt attaqué:

«1 Dans le contexte du développement de l’accès à Internet à haut débit, la Commission a décidé, en juillet 1999, l’ouverture, au sein de l’Union européenne [(10)], d’une enquête sectorielle au titre des pouvoirs qui lui sont conférés par l’article 12, paragraphe 1, du règlement n° 17 […] portant notamment sur la fourniture de services relatifs à l’accès à la boucle locale et à l’utilisation de la boucle locale résidentielle. Dans ce cadre, les informations recueillies ont conduit la Commission à examiner en détail les conditions tarifaires de fourniture par [WIN] de services d’accès à Internet à haut débit à destination de la clientèle résidentielle en France. À cette fin, elle a ouvert une procédure d’office en septembre 2001.

2 WIN était à l’époque litigieuse une société du groupe France Télécom. Son capital était détenu à 99,9 % par Wanadoo SA. La participation de France Télécom dans le capital de Wanadoo a oscillé entre 70 et 72,2 % pendant la période litigieuse. Le groupe formé par Wanadoo et ses filiales […] rassemblait toutes les activités relatives à l’internet du groupe France Télécom ainsi que les activités d’édition d’annuaires téléphoniques. […] WIN assurait les responsabilités opérationnelles et techniques liées aux services d’accès à Internet sur le territoire français, y compris les services ADSL […].

3 La Commission a adressé à WIN une première communication des griefs le 19 décembre 2001 […] et une communication des griefs complémentaire le 9 août 2002 […], auxquelles WIN a répondu respectivement les 4 mars et 23 octobre 2002.

4 Le 16 janvier 2003, la Commission a transmis à WIN un courrier qualifié de ‘lettre factuelle’ […], en lui donnant accès au dossier ayant servi à la rédaction de ladite lettre. WIN a […] eu accès au dossier les 23 et 27 janvier 2003. Par courrier du 26 février 2003, WIN a demandé à la Commission de lui fournir des éclaircissements sur plusieurs aspects de la lettre factuelle. La Commission a répondu par lettre du 28 février 2003, de sorte que WIN a présenté un mémoire en réponse à la lettre factuelle le 4 mars 2003.

5 Par [la décision litigieuse], la Commission a constaté que [WIN a enfreint l’article 82 CE [(11)]], elle lui a ordonné de mettre fin à cette infraction […] et lui a infligé une amende de 10,35 millions d’euros […].

6 La décision définit le marché en cause comme le marché français de l’accès à Internet à haut débit pour la clientèle résidentielle. Les produits sur lesquels porte l’infraction sont les services d’accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL (Wanadoo ADSL et eXtense).

7 Selon la décision, dans le cas de Wanadoo ADSL, l’abonné devait, à l’époque litigieuse, payer mensuellement un abonnement à [FT] au titre de la prestation de service, la location du modem ADSL auprès de [FT], ainsi qu’un abonnement à WIN en sa qualité de fournisseur d’accès à Internet (ci-après le ‘FAI’). Dans le cadre du service eXtense, le modem était acheté par l’utilisateur et ce dernier payait un seul abonnement mensuel à WIN correspondant au service fourni par [FT] et à l’accès Internet forfaitaire illimité.

8 Après l’examen de différents éléments, dont les parts de marché (considérants 211 à 222 de la décision) et les effets d’«adossement» à [FT] (considérants 223 à 228), la Commission conclut à l’existence d’une position dominante de WIN sur le marché en cause. Elle s’attache ensuite à démontrer que la pratique de tarification en dessous des coûts mise en œuvre par WIN s’est inscrite dans le cadre d’une stratégie intentionnelle de prédation en vue de ‘préempter’ le marché et, de ce fait, constitue un abus de position dominante au sens de l’article 82 CE (considérant 254).

9 La décision fixe le début de la période d’infraction au 1er mars 2001 et la fin au 15 octobre 2002, date d’entrée en vigueur du remède présenté par [FT] en mars 2002. Les coûts variables n’auraient pas été couverts par les tarifs pratiqués de mars à août 2001 et les coûts complets ne l’auraient pas été à partir de cette dernière date (article 1er de la décision, voir point 5 ci‑dessus).

10 Cette décision a été notifiée le 23 juillet 2003 à WIN […].

11 À la suite d’une opération de fusion intervenue le 1er septembre 2004, [FT] vient aux droits de WIN.»

II – La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

5. Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 2 octobre 2003, WIN a formé un recours en annulation de la décision litigieuse.

6. Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours.

7. Au soutien de sa demande d’annulation de la décision litigieuse, WIN avait soulevé quatre moyens en invoquant: i) une violation de ses droits de la défense ainsi que des formes substantielles; ii) le défaut de motivation; iii) la violation du principe d’individualisation des sanctions, et iv) la violation de l’article 82 CE (12).

8. Le présent pourvoi porte uniquement sur la seconde branche – relative à la question de l’abus – du quatrième moyen (lequel concerne une violation de l’article 82 CE) (13). Dans cette branche, WIN a principalement soutenu que la Commission avait violé l’article 82 CE en ce qu’elle n’avait pas démontré à suffisance de droit que WIN avait abusé de sa position dominante en facturant des prix prédateurs pour les services en cause, de mars 2001 à octobre 2002 (ci-après la «période litigieuse»).

9. Cette allégation était composée de deux catégories de griefs concernant i) le test de couverture de coût et ii) l’application par la Commission du test de prédation.

10. Tout d’abord, il apparaît que les parties s’accordent en substance sur les points suivants:

– les services en question sont des abonnements d’accès à Internet, par conséquent il s’agit de services de fourniture prolongée dans le temps; la durée de vie moyenne d’un abonnement est de 48 mois;

– chaque abonnement génère un revenu mensuel récurrent, et

– les coûts sont composés, d’une part, des coûts «d’acquisition de la clientèle» ou «de conquête», tels que des frais publicitaires ou promotionnels, des «packs de démarrage» pour les consommateurs, etc. (qui appartiennent à la catégorie des coûts non récurrents, dès lors qu’une société n’a à les supporter qu’une seule fois pour s’assurer d’un contrat d’abonnement avec un client), et, d’autre part, des «coûts de production» et des «coûts de réseau» (qui constituent des coûts récurrents, en ce qu’ils sont associés à la prestation du service correspondant à l’abonnement et qu’ils doivent être supportés chaque mois par la société; il peut s’agir soit de coûts variables, comme dans le cas de frais d’accès au réseau de FT, laquelle modifie ces frais en fonction du nombre d’abonnés, soit de coûts fixes tels que des frais liés au fonctionnement de la société).

11. Afin de déterminer la couverture des coûts, la Commission a principalement comparé les revenus mensuels avec la somme des coûts mensuels récurrents et la partie des coûts non récurrents qu’elle a étalée sur une période de 48 mois pour en calculer le montant correspondant à un mois. La Commission a notamment calculé la moyenne du rapport qui en résulte pour quatre périodes consécutives, à savoir du 1er janvier au 31 juillet 2001, du 1er août au 15 octobre 2001, du 15 octobre 2001 au 15 février 2002 et du 15 février au 15 octobre 2002.

A – Les griefs relatifs au test de couverture des coûts

12. Le Tribunal a relevé (14) que, «en appliquant cette méthode, la Commission a considéré que les prix pratiqués par WIN ne lui permettaient pas de couvrir ses coûts variables jusqu’en août 2001 ni ses coûts complets de janvier 2001 à octobre 2002 […], la non-couverture des coûts complets jusqu’en août 2001 ne faisant pas de doute compte tenu du niveau de couverture des coûts variables».

13. Répondant à la contestation par WIN de la méthode choisie par la Commission pour calculer le taux de couverture des coûts, le Tribunal a rappelé, à titre liminaire, que, dans la...

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