Ministre de la Santé v Jeff Erpelding.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2000:17
Date13 January 2000
Celex Number61999CC0016
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-16/99
EUR-Lex - 61999C0016 - FR 61999C0016

Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 13 janvier 2000. - Ministre de la Santé contre Jeff Erpelding. - Demande de décision préjudicielle: Cour administrative - Grand-Duché de Luxembourg. - Directive 93/16/CEE du Conseil - Interprétation des articles 10 et 19 - Port d'un titre de médecin spécialiste dans l'Etat membre d'accueil par un médecin ayant obtenu, dans un autre Etat membre, un titre ne figurant pas, en ce qui concerne cet Etat, sur la liste de l'article 7 de ladite directive. - Affaire C-16/99.

Recueil de jurisprudence 2000 page I-06821


Conclusions de l'avocat général

1 Médecin de nationalité luxembourgeoise formé en Autriche, M. Erpelding est revenu dans son pays d'origine pour y exercer, avec l'accord des autorités compétentes luxembourgeoises, l'activité de médecin spécialiste en médecine interne.

Malgré sa formation de médecin spécialiste en médecine interne, mention cardiologie, acquise en Autriche, il n'a cependant pas été autorisé à porter le titre professionnel de médecin spécialiste en cardiologie, le ministre de la Santé luxembourgeois ayant invoqué le fait que la cardiologie ne constituait pas une spécialité reconnue par les autorités autrichiennes.

2 Le litige qui oppose les parties au principal soulève la question des conditions dont dépend la reconnaissance dans un État membre d'un titre professionnel acquis dans un autre État membre, ainsi que des modalités selon lesquelles un titre de formation obtenu dans le même contexte peut être utilisé.

I - La directive 93/16

3 La directive 93/16/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, vise à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres (1).

4 Applicable aux diplômes, certificats et autres titres de médecin spécialiste propres à deux ou plusieurs États membres, l'article 6 de la directive dispose ce qui suit:

«Chaque État membre qui connaît des dispositions législatives, réglementaires et administratives en la matière reconnaît les diplômes, certificats et autres titres de médecin spécialiste délivrés aux ressortissants des États membres par les autres États membres conformément aux articles 24, 25, 27 et 29 et énumérés à l'article 7, en leur donnant le même effet sur son territoire qu'aux diplômes, certificats et autres titres qu'il délivre».

5 L'article 7 excepté, les articles cités à l'article 6 opèrent une coordination des réglementations nationales relatives aux activités de médecin spécialiste, en vue de la reconnaissance mutuelle des titres correspondants (2). Ils prévoient notamment «... certains critères minimaux concernant tant l'accès à la formation spécialisée que la durée minimale de celle-ci, son mode d'enseignement et le lieu où elle doit s'effectuer, ainsi que le contrôle dont elle doit faire l'objet» (3).

6 Aux termes de l'article 7, dans sa version postérieure à l'adhésion de la république d'Autriche (4):

«1. Les diplômes, certificats et autres titres visés à l'article 6 sont ceux qui, délivrés par les autorités ou les organismes compétents indiqués à l'article 5 paragraphe 2, correspondent, pour la formation spécialisée en cause, aux dénominations mentionnées, en ce qui concerne les États membres où elles existent, au paragraphe 2 du présent article.

2. Les dénominations en vigueur dans les États membres et correspondant aux formations spécialisées en cause sont les suivantes:

...

- cardiologie:

...

Luxembourg: cardiologie et angiologie

...»

7 Sous le chapitre V, intitulé «Port du titre de formation», l'article 10, paragraphe 1, de la directive prévoit:

«Sans préjudice de l'article 19, les États membres d'accueil veillent à ce que le droit soit reconnu aux ressortissants des États membres qui remplissent les conditions prévues aux articles 2, 4, 6 et 9 de faire usage de leur titre de formation licite et, éventuellement, de son abréviation, de l'État membre d'origine ou de provenance, dans la langue de cet État. Les États membres d'accueil peuvent prescrire que ce titre soit suivi des nom et lieu de l'établissement ou du jury qui l'a délivré.»

8 Sous le chapitre VI, intitulé «Dispositions destinées à faciliter l'exercice effectif du droit d'établissement et de libre prestation de services du médecin», l'article 19 énonce ce qui suit:

«Lorsque, dans un État membre d'accueil, le port du titre professionnel concernant l'une des activités de médecin est réglementé, les ressortissants des autres États membres, qui remplissent les conditions prévues à l'article 2 et à l'article 9 paragraphes 1, 3 et 5, portent le titre professionnel de l'État membre d'accueil, qui, dans cet État, correspond à ces conditions de formation, et font usage de son abréviation.

Le premier alinéa s'applique également au port du titre de médecin spécialiste par ceux qui remplissent les conditions respectivement prévues aux articles 4 et 6 et à l'article 9 paragraphes 2, 4, 5 et 6» (5).

II - Faits et procédure au principal

9 M. Erpelding a obtenu, le 30 mars 1985, le diplôme autrichien de «Doktor der gesamten Heilkunde» (diplôme de docteur en médecine), délivré par l'université d'Innsbruck. Ce diplôme a été homologué, le 11 avril 1986, par le ministère de l'Éducation nationale luxembourgeois.

10 Le 10 avril 1991, il a obtenu de l'«Österreichische Ärztekammer» (organisme professionnel des médecins autrichiens) l'autorisation d'exercer la médecine en qualité de «Facharzt für Innere Medizin» (médecin spécialiste en médecine interne). Par décision du ministre de la Santé luxembourgeois en date du 29 août 1991, il a été autorisé à exercer la profession de médecin spécialiste en médecine interne au Luxembourg.

11 Le 11 mai 1993, l'Österreichische Ärztekammer a délivré à M. Erpelding le diplôme de «Facharzt für Innere Medizin - Teilgebiet Kardiologie» (médecin spécialiste en médecine interne - secteur cardiologie). Par décision du 9 juillet 1993, le ministre de la Santé luxembourgeois a autorisé M. Erpelding à porter, outre son titre professionnel de médecin spécialiste en médecine interne, son titre de formation dans la langue de l'État où il a suivi sa formation, à savoir «Facharzt für Innere Medizin - Teilgebiet Kardiologie».

12 Le 15 avril 1997, M. Erpelding a fait savoir au ministre de la Santé que, comme il entendait se consacrer exclusivement à l'exercice de la cardiologie, il était disposé à renoncer au titre professionnel de médecin spécialiste en médecine interne, à condition d'être autorisé à porter celui de médecin spécialiste en cardiologie.

13 Par décision du 25 avril 1997, le ministre de la Santé a refusé de faire droit à cette demande au motif que, la discipline de cardiologie ne constituant pas une spécialité reconnue par les autorités autrichiennes, M. Erpelding ne pouvait pas être autorisé à exercer la médecine dans cette spécialité. Le ministre a ajouté qu'il ne lui appartenait pas de transcrire des diplômes étrangers et que la législation luxembourgeoise permettait seulement de reconnaître les diplômes tels qu'ils sont libellés.

14 À la demande de M. Erpelding, cette décision fut annulée par jugement du Tribunal administratif de Luxembourg, du 18 février 1998, au motif qu'elle aurait été prise en violation, notamment, de l'article 19 de la directive.

15 Le 31 mars 1998, le ministre de la Santé luxembourgeois a interjeté appel de ce jugement devant la Cour administrative (Luxembourg).

III - Les questions préjudicielles

16 Considérant que la solution du litige dépendait de l'interprétation non seulement de l'article 19 de la directive, relatif au port du titre professionnel de médecin, mais aussi de son article 10, relatif au port du titre de formation en médecine, la Cour administrative a décidé de surseoir à statuer et de saisir votre Cour d'une demande de décision préjudicielle.

17 Le juge de renvoi vous demande de dire:

«1) si le bénéfice de l'application de l'article 19 de la directive 93/16/CEE visant à faciliter la libre circulation des médecins et la reconnaissance mutuelle de leurs diplômes, certificats et autres titres peut être accordé, dans un État qui connaît des dispositions législatives en la matière, à un requérant qui justifie d'un titre obtenu dans un autre État membre, mais qui ne figure pas sur la liste des formations spécialisées contenue à l'article 7 de la directive, et qui sollicite sur base de sa formation acquise dans un autre État membre l'autorisation du port du titre professionnel correspondant dans l'État d'accueil;

et, en cas de réponse négative à cette première question,

2) si la disposition de l'article 10 de la directive en question confère aux titulaires de titres de formation acquis dans un autre État membre la simple faculté de faire usage de leur titre de formation et, éventuellement, de son abréviation ou si, au contraire, le texte de la directive est à interpréter en ce sens que seul le titre de formation dans la langue du pays où il a été décerné peut être autorisé à l'exclusion de titres équivalents formulés dans la langue et suivant la nomenclature de l'État d'accueil.»

IV - Sur la première question préjudicielle Observations liminaires

18 Cette question n'est pas lue de la même manière par toutes les parties, ce qui justifie que l'on apporte certaines précisions sur son contenu réel.

19 Ainsi M. Erpelding explique-t-il que la reconnaissance d'un diplôme étranger, qui engendre le droit d'exercer la profession de médecin spécialiste, est une question distincte de celle du port du titre de formation. Bien qu'il n'en tire aucune conséquence sur le plan de la recevabilité de la question posée, il soutient que seule la question de ce dernier titre est en cause en l'espèce (6).

20 Cette position ne nous paraît pas devoir être admise.

21 Tout d'abord, le contentieux national ne se limite pas à une question de droit au port du titre de formation. Il intéresse aussi la faculté de porter le titre...

To continue reading

Request your trial

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT