El Corte Inglés SA v Cristina Blázquez Rivero.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:427
Docket NumberC-192/94
Celex Number61994CC0192
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date07 December 1995
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. CARL OTTO LENZ
présentées le 7 décembre 1995 (1)



Affaire C-192/94

El Corte Inglés SA
contre
Cristina Blázquez Rivero


(demande de décision à titre préjudiciel adressée par le Juzgado de Primera Instancia de Sevilla)

«Effet des directives non transposées – Directive 87/102/CEE du Conseil en matière de crédit à la consommation»






A ─ Introduction 1. La demande de décision à titre préjudiciel adressée par le Juzgado de Primera Instancia de Sevilla porte sur la question de savoir si l'article 11 de la directive 87/102/CEE du Conseil, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (2) (ci-après la directive), est directement applicable à un litige opposant un consommateur et un prêteur, alors que le délai de transposition de la directive a d'ores et déjà expiré (1 er janvier 1990) sans que celle-ci ait été transposée en droit espagnol. La présente procédure a donc de nouveau pour objet le problème de l'applicabilité directe d'une directive entre personnes privées, sur lequel la Cour s'est déjà penchée à maintes reprises et qu'elle a examiné pour la dernière fois dans son arrêt du 14 juillet 1994, Faccini Dori (3) . Elle a cependant toujours refusé de reconnaître aux directives un tel effet direct, qualifié d'horizontal. 2. Le litige tire son origine d'un crédit conclu par la défenderesse au principal en vue de financer une fraction de la contrepartie à verser dans le cadre d'un contrat de voyage, étant entendu que l'agence avec laquelle ce contrat a été conclu et la société qui est intervenue en qualité de prêteur avaient passé un accord garantissant l'exclusivité du droit d'octroyer les crédits. L'exécution du contrat de voyage ayant révélé certaines insuffisances, la défenderesse au principal a refusé de poursuivre le remboursement du crédit consenti. 3. La juridiction de renvoi estime nécessaire, dans ce contexte, d'interroger la Cour sur la possibilité d'une application directe de la directive au profit de la défenderesse. Par ordonnance du 30 juin 1994, elle l'a invitée à se prononcer à titre préjudiciel sur la question suivante:L'article 11 de la directive du Conseil, du 22 décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation (87/102/CEE), que l'État espagnol n'a pas transposée dans son droit national, est-il directement applicable dans le cas où un consommateur oppose à la prétention de l'établissement de crédit les insuffisances de la prestation de services par le prestataire, avec lequel cet établissement avait conclu un contrat d'exclusivité de crédit en faveur de ses clients? 4. Après que la demande de décision préjudicielle a été introduite devant la Cour, cette dernière a rendu son arrêt dans l'affaire Faccini Dori (4) , dans lequel elle a répondu à la question fondamentale de l'effet direct horizontal des directives. Après que cet arrêt lui a été communiqué, accompagné de la question de savoir si elle estimait encore nécessaire que la Cour rende un arrêt dans la présente affaire, la juridiction de renvoi a confirmé vouloir maintenir sa demande de décision préjudicielle. Si celle-ci a certes considéré que l'arrêt de la Cour répondait fondamentalement à la question de l'effet direct horizontal des directives, elle a cependant jugé qu'il subsistait encore néanmoins certains doutes quant à savoir si l'article 129 A, qui a été inséré dans le traité CE par le traité sur l'Union européenne, n'imposait pas une modification de la jurisprudence. L'article 129 A oblige la Communauté à contribuer à la réalisation d'un niveau élevé de protection des consommateurs. 5. La requérante au principal, les gouvernements espagnol et français, ainsi que la Commission ont pris part à la procédure en présentant des observations écrites. Tous les participants ont renoncé à la procédure orale. B ─ Discussion 6. La demande de décision préjudicielle permet de constater les difficultés auxquelles est confrontée la juridiction de renvoi pour faire jouer l'effet utile du droit communautaire. La disposition considérée comme pertinente par la juridiction n'était toujours pas transposée dans le droit de l'État membre à l'époque des faits ─ malgré l'expiration du délai prévu à cette fin.Elle estime que le droit national ne prévoit aucune réglementation spécifique pour les faits litigieux. Il conviendrait, selon elle, de considérer qu'il existe une lacune juridique dans le droit espagnol pour l'hypothèse en question, de sorte que la juridiction ne pourrait donner effet au droit communautaire, que ce soit en interprétant ou en écartant le droit national. Or, l'application en l'espèce des règles générales du droit civil espagnol pourrait déboucher sur une solution contraire aux objectifs de la directive, puisque, en vertu de celui-ci, un contrat conclu entre deux sujets de droit ne saurait par principe affecter le lien juridique existant avec un tiers. La juridiction de renvoi ne voit donc aucune possibilité d'assurer l'effet utile du droit communautaire sur la base de la jurisprudence de la Cour, sauf à considérer qu'il convient d'appliquer à des rapports de droit horizontaux les dispositions combinées d'une directive non transposée en matière de protection des consommateurs et de l'article 129 A, qui a été récemment inséré au traité CE. 7. L'ensemble des parties ayant pris part à la procédure ─ la demanderesse au principal (l'établissement de crédit demandeur), les gouvernements espagnol et français, ainsi que la Commission ─ plaident pour le maintien de la jurisprudence actuelle. I. Sur le caractère suffisamment précis et inconditionnel de l'article 11 de la directive 8. La condition impérative de l'effet direct d'une directive est qu'elle soit suffisamment précise et inconditionnelle, de manière à pouvoir en déduire des droits directs pour le justiciable. L'article 11 de la directive 87/102, qu'il nous faut ici examiner, a le libellé suivant:1. Les États membres veillent à ce que l'existence d'un contrat de crédit n'affecte en rien les droits que le consommateur peut faire valoir à l'encontre du fournisseur des biens, ou des services au moyen d'un tel contrat lorsque les biens ou les services ne sont pas fournis ou que, pour d'autres raisons, ils ne sont pas conformes au contrat y relatif.2. Le consommateur a le droit d'exercer un recours à l'encontre du prêteur lorsque, a)en vue de l'achat de biens ou l'obtention des services, le consommateur conclut un contrat de crédit avec une personne autre que le fournisseur des biens ou le prestataire des services et b)il existe entre le prêteur et le fournisseur des biens ou le prestataire des services un accord préalable aux termes duquel un crédit est octroyé exclusivement par ce prêteur aux clients de ce fournisseur ou prestataire pour l'acquisition de biens ou l'obtention de services fournis par ledit fournisseur ou prestataire et c)le consommateur visé au pont a) obtient son crédit en vertu de cet accord préalable et d)les biens ou les services faisant l'objet du contrat de crédit ne sont pas livrés ou fournis ou ne le sont qu'en partie ou ne sont pas conformes au contrat y relatif et e)le consommateur a exercé un recours contre le fournisseur ou prestataire sans obtenir satisfaction comme il y avait droit. Les États membres déterminent dans quelle mesure et à quelles conditions ce recours peut être exercé. 3. Le paragraphe 2 ne s'applique pas lorsque l'opération en question porte sur un montant inférieur à l'équivalent de 200 Écus. 9. L'article 11, paragraphe 2, de la directive, qui est ici particulièrement pertinent, soumet donc le droit du consommateur d'exercer un recours contre le prêteur à des conditions concrètes, qui ne laissent en elles-mêmes aucune marge aux États membres lors de la transposition. ...

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