Walter Larcher v Deutsche Rentenversicherung Bayern Süd.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2014:2260
Date08 October 2014
Celex Number62013CC0523
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-523/13
62013CC0523

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 8 octobre 2014 ( 1 )

Affaire C‑523/13

Walter Larcher

contre

Deutsche Rentenversicherung Bayern Süd

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundessozialgericht (Allemagne)]

«Renvoi préjudiciel — Sécurité sociale des travailleurs migrants — Article 45 TFUE — Article 3, paragraphe 1, du règlement (CEE) no 1408/71 — Prestation de vieillesse — Principe de non-discrimination — Travailleur placé, dans un État membre, sous le régime de la préretraite progressive précédant la mise à la retraite — Prise en compte pour l’ouverture du droit à prestations dans un autre État membre»

I – Introduction

1.

Par le présent renvoi préjudiciel, le Bundessozialgericht (Cour fédérale du contentieux social, Allemagne) souhaite savoir, dans un premier temps, si le principe d’égalité de traitement s’oppose à une disposition nationale qui prévoit qu’une pension de vieillesse après une période de préretraite progressive ne peut être accordée que si cette période de préretraite a été effectuée sur le fondement des dispositions nationales de l’État membre qui accorde la pension et non sur la base de celles de l’État membre sur le territoire duquel ladite période de préretraite a été réalisée. Dans un second temps et en cas de réponse affirmative à la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si le principe d’égalité de traitement impose de réaliser un examen comparatif des conditions requises par les dispositions des deux États membres concernés et si tel est le cas quel degré de similitude ou d’identité doit exister entre lesdites conditions ou, plus généralement, entre les régimes de préretraite progressive de ces deux États.

2.

Ces interrogations s’inscrivent dans le cadre d’une procédure opposant M. Larcher et la Deutsche Rentenversicherung Bayern Süd. M. Larcher, un ressortissant autrichien, a travaillé pendant une période de plus de 29 ans en Allemagne, puis est revenu travailler en Autriche où il a décidé, après avoir occupé un travail à temps plein, de bénéficier d’une préretraite progressive avec réduction de son temps de travail de 60 % du temps de travail normal, conformément au droit autrichien ( 2 ).

3.

Pour les différentes périodes travaillées au cours de sa carrière professionnelle, M. Larcher touche, depuis 2006, une pension de retraite autrichienne dite «pension de vieillesse anticipée pour affiliation de longue durée» et, depuis 2009, perçoit une pension de retraite allemande dite «pension de vieillesse bénéficiant aux affiliés de longue durée». Ces deux pensions ne font pas l’objet du litige au principal.

4.

En revanche, le litige au principal porte sur la pension de vieillesse octroyée après une période de préretraite progressive, sollicitée par M. Larcher en 2006 auprès des autorités allemandes concernées.

5.

Cette demande a été rejetée par la Deutsche Rentenversicherung Bayern Süd au motif que la période de préretraite progressive, s’étant déroulée entre le 1er mars 2004 et le 30 septembre 2006 en Autriche, n’avait pas été effectuée sur le fondement des dispositions allemandes. Voyant sa réclamation administrative rejetée, M. Larcher a porté l’affaire devant les juridictions allemandes. Il a cependant été débouté des fins de sa demande tant en première instance qu’en appel. Pour rejeter la demande en appel, le Bayrisches Landessozialgericht (tribunal supérieur du contentieux social de Bavière, Allemagne) s’est appuyé sur le fait que le requérant au principal ne satisfaisait pas à la condition relative à la réduction du temps de travail, prévue par la loi allemande sur la préretraite progressive (Altersteilzeitgesetz) ( 3 ), à savoir que le temps de travail soit réduit à la moitié du temps de travail effectué jusqu’alors, puisque M. Larcher a diminué son temps de travail de 60 %, soit plus que les 50 % exigés par la législation allemande.

6.

M. Larcher a dès lors décidé d’introduire un recours en «Revision» devant le Bundessozialgericht.

7.

À l’appui de son recours, il soutient que la juridiction d’appel a violé les dispositions du droit allemand relatives à la réduction du temps de travail en les interprétant de façon non conforme au droit de l’Union. Selon le requérant au principal, l’interprétation faite par la juridiction d’appel serait contraire à l’interdiction de discrimination en raison de la nationalité et au principe de la libre circulation. Prenant appui sur l’arrêt arrêt Öztürk ( 4 ), M. Larcher considère qu’il existerait bien une discrimination indirecte injustifiée en l’espèce.

8.

La juridiction de renvoi relève, quant à elle, que les questions soulevées dans le cadre du litige au principal ne peuvent être traitées sur le seul fondement de la jurisprudence existante. Elle constate cependant que, lorsqu’un travailleur accepte un emploi dans un autre État membre, il est probable qu’il soit pénalisé, au moment de la prise de sa retraite, en raison des différences existant entre les législations qui lui sont applicables, par rapport aux retraités ayant effectué la totalité de leur carrière professionnelle dans un seul État membre. La juridiction de renvoi estime que les articles 45 TFUE à 48 TFUE ainsi que le règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CE) no 1992/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 ( 5 ), devraient empêcher les entraves à la libre circulation des travailleurs migrants. Une telle entrave pourrait, selon elle, exister en l’espèce. Enfin, dans le cadre de l’examen de la justification d’une telle entrave, la juridiction de renvoi, encline à procéder à une comparaison des régimes de préretraite progressive des deux États membres concernés, s’interroge sur les éléments à prendre en considération à cette fin.

9.

C’est dans ce contexte que le Bundessozialgericht a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)

Le principe d’égalité [de traitement] consacré à l’article 39, paragraphe 2, CE (désormais article 45, paragraphe 2, TFUE) et à l’article 3, paragraphe 1, du règlement [no 1408/71] s’oppose-t-il à une disposition nationale selon laquelle une pension de vieillesse après préretraite progressive suppose que la préretraite progressive ait été effectuée en vertu des dispositions nationales de cet État membre et non d’un autre État membre?

2)

Si tel est le cas, quelles exigences le principe d’égalité de traitement prévu à l’article 39, paragraphe 2, CE [...] et à l’article 3, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 impose-t-il à l’assimilation, à titre de condition du droit à une pension de retraite nationale, de la préretraite progressive effectuée en vertu des dispositions de l’autre État membre?

a)

Un examen comparatif des conditions de la préretraite progressive est-il nécessaire?

b)

Si tel est le cas, est-il suffisant que la préretraite progressive soit, dans sa fonction et sa structure, conçue de manière essentiellement similaire dans les deux États membres?

c)

Ou bien les conditions de la préretraite progressive doivent-elles être conçues de manière identique dans les deux États membres?»

10.

Ces questions ont fait l’objet d’observations écrites de la part de M. Larcher, du gouvernement allemand et de la Commission européenne.

II – Analyse

A – Sur les régimes de préretraite progressive en général et sur la première question préjudicielle

11.

Devant le constat du vieillissement accéléré de la population européenne, l’Union européenne et les États membres ont inclus dans les objectifs des différentes stratégies pour l’emploi lancées depuis le début des années 2000 ( 6 ) des mesures visant à encourager les travailleurs dits «âgés» à prolonger leur vie active, contribuant également à tenter d’assurer la viabilité des systèmes de santé et de sécurité sociale ainsi que des régimes de retraite ( 7 ).

12.

C’est en particulier dans ce contexte qu’un certain nombre d’États membres de l’Union ont adopté des régimes de préretraite progressive ( 8 ).

13.

Ces régimes ont pour point commun de permettre la transition graduelle de la vie active à la retraite au moyen d’une réduction du temps de travail ( 9 ). Ainsi, des travailleurs ayant atteint un âge déterminé peuvent réduire leur temps de travail, en passant, par exemple, d’un emploi à temps plein à un emploi à temps partiel pour la période qui les sépare de leur retraite, le manque à gagner étant généralement compensé par une pension ou des allocations octroyées par leur employeur ou par un fonds pour l’emploi ( 10 ). Certains de ces régimes poursuivent aussi d’autres objectifs, tels que la stabilité du système national de sécurité sociale ou, à l’instar des régimes allemand et autrichien à l’origine du litige au principal, la lutte contre le chômage, le temps de travail libéré par le bénéficiaire de la préretraite progressive permettant de recruter un (jeune) demandeur d’emploi ou un apprenti ( 11 ).

14.

En Allemagne, où M. Larcher a sollicité, sans succès, le versement de la pension après préretraite progressive, cette pension est subordonnée à la satisfaction des conditions prévues à l’article 237 du code de la sécurité sociale, livre VI, (Sozialgesetzbuch Sechstes Buch, ci-après le «SGB VI»), parmi lesquelles figurent les conditions d’accès à la préretraite progressive, dont...

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