Stichting "Goed Wonen" v Staatssecretaris van Financiën.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:811
Docket NumberC-376/02
Celex Number62002CC0376
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date16 December 2004

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTONIO TIZZANO

présentées le 16 décembre 2004 (1)

Affaire C-376/02

Stichting «Goed Wonen»

contre

Staatssecretaris van Financiën

[demande de décision préjudicielle formée par le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas)]

«TVA – Sixième directive 77/388/CEE – Sécurité juridique – Confiance légitime – Modification de la législation nationale – Cession d’un droit d’usufruit – Opération antérieurement imposable – Exonération – Application rétroactive – Compatibilité»





1. Par arrêt du 18 octobre 2002, le Hoge Raad der Nederlanden (Pays‑Bas) a déféré à la Cour, en application de l’article 234 CE, une question préjudicielle par laquelle il demande si la sixième directive 77/388/CEE, du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (2) (ci‑après la «sixième directive») et les principes de sécurité juridique et de confiance légitime s’opposent à une réglementation nationale qui exonère rétroactivement de la TVA certaines opérations antérieurement imposables, en privant ainsi ceux qui les avaient déjà réalisées d’un droit acquis à la régularisation de la déduction initiale.

I – Cadre juridique

A – La réglementation communautaire

2. Dans la présente affaire, il convient de mentionner, outre les principes de sécurité juridique et de confiance légitime, qui sont des principes généraux de l’ordre juridique communautaire, les articles 17 et 20 de la sixième directive.

3. L’article 17, relatif à la naissance et à l’étendue du droit à déduction, dispose:

«1. Le droit à déduction prend naissance au moment où la taxe déductible devient exigible.

2. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de ses opérations taxées, l’assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable:

a) la taxe sur la valeur ajoutée due ou acquittée pour les biens qui lui sont ou lui seront livrés et pour les services qui lui sont ou lui seront rendus par un autre assujetti;

[…]»

4. L’article 20, qui a trait au contraire à la régularisation des déductions, est ainsi rédigé:

«1. La déduction initialement opérée est régularisée suivant les modalités fixées par les États membres, notamment:

a) lorsque la déduction est supérieure ou inférieure à celle que l’assujetti était en droit d’opérer;

b) lorsque des modifications des éléments pris en considération pour la détermination du montant des déductions sont intervenues postérieurement à la déclaration, notamment en cas d’achats annulés ou en cas de rabais obtenus; toutefois, il n’y a pas lieu à régularisation en cas d’opérations totalement ou partiellement impayées, en cas de destruction, de perte ou de vol dûment prouvés ou justifiés et en cas de prélèvements effectués pour donner des cadeaux de faible valeur et des échantillons visés à l’article 5 paragraphe 6. Toutefois, les États membres ont la faculté d’exiger la régularisation pour les opérations totalement ou partiellement impayées et en cas de vol.

2. En ce qui concerne les biens d’investissement, une régularisation est opérée pendant une période de cinq années, dont celle au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué. Chaque année, cette régularisation ne porte que sur le cinquième de la taxe dont ces biens ont été grevés. Cette régularisation est effectuée en fonction des modifications du droit à déduction intervenues au cours des années suivantes, par rapport à celui de l’année au cours de laquelle le bien a été acquis ou fabriqué.

Par dérogation au premier alinéa, les États membres peuvent, lors de la régularisation, se baser sur une période de cinq années entières à compter du début de l’utilisation du bien.

En ce qui concerne les biens d’investissement immobiliers, la durée de la période servant de base au calcul des régularisations peut être portée jusqu’à dix ans.

[…]»

B – La réglementation nationale

5. Dans un communiqué de presse diffusé le 31 mars 1995, le Staatssecretaris van Financiën (Secrétaire d’État aux finances néerlandais) a rendu publique l’intention du Conseil des ministres de soumettre au Parlement un projet de modification de la loi relative à la TVA du 28 juin 1968 (3). Le communiqué exposait les points essentiels de la modification législative et annonçait que, une fois approuvée, elle produirait ses effets à compter de la date dudit communiqué.

6. En effet, la loi annoncée (4) (ci‑après la «loi modificative») est entrée en vigueur le 29 décembre 1995. Afin de lutter contre «l’utilisation non souhaitée et indue de la législation relative aux biens immeubles» (5), cette loi a prévu que, lorsque la rémunération convenue pour la constitution d’un droit réel sur un bien immeuble est inférieure à la valeur économique de ce droit, cette opération n’est plus réputée être une cession de biens soumise à la TVA, mais doit être assimilée à une location exonérée [voir les articles 3, paragraphe 2, et 11, paragraphe 1, sous b), point 5, de la loi, qui visent à transposer les articles 5, paragraphe 3, sous b), et 13, B, sous b), et C, sous a), de la sixième directive].

7. Bien que ce point ne revête pas une importance particulière dans la présente affaire, il y a lieu de rappeler ici que la loi modificative a également supprimé la possibilité pour les parties aux contrats de location immobilière d’opter pour l’imposition de la location. Pour les contrats conclus avant le 31 mars 1995, la suppression de cette faculté a été soumise à un régime transitoire.

8. Comme cela avait été précisé dans le communiqué de presse, la loi modificative a fixé son entrée en vigueur au 31 mars 1995 à 18 h 00 (article V).

II – Faits et procédure

9. Il résulte de l’arrêt de renvoi que, au cours du deuxième trimestre de l’année 1995, trois ensembles de logements destinés à la location ont été livrés à la Woningbouwvereniging «Goed Wonen» (association de construction de logements «Goed Wonen», à laquelle a succédé la fondation «Goed Wonen», ci‑après l’«association GW»). La juridiction de renvoi précise que, durant la construction de ces logements, l’association, faisant usage d’une faculté reconnue par le droit interne, n’avait pas déduit la TVA versée sur les biens et services reçus à cet effet.

10. Le 28 avril 1995, l’association GW a créé la fondation «De Goede Woning» (ci‑après la «fondation GW») et lui a cédé le même jour un droit d’usufruit décennal sur les logements. Pour cette cession, elle a perçu une rémunération inférieure au prix de revient de ces logements et encaissé la TVA due, conformément à la loi relative à la TVA encore en vigueur à cette date.

11. Après cette opération, l’association a décidé de demander, en application de l’article 20, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive, la régularisation de la taxe sur les dépenses de construction qu’elle n’avait pas déduite antérieurement. Dans sa déclaration fiscale afférente à la période comprise entre le 1er avril et le 30 juin 1995, elle a donc indiqué, d’une part, la TVA qu’elle avait facturée à la fondation GW pour la constitution de l’usufruit, soit une somme de 645 067 NLG, et, d’autre part, le montant de la TVA qui lui avait été facturée pour la construction des logements, soit une somme de 1 285 059 NLG, laquelle a été portée en déduction en tant que taxe payée en amont.

12. Sur la base de ces déclarations, l’inspecteur des impôts a remboursé à l’association GW la somme de 639 992 NLG.

13. Toutefois, en application de la loi modificative entrée en vigueur entre‑temps, l’inspecteur des impôts a modifié sa décision, en qualifiant la cession réalisée par l’association GW d’opération exonérée. En conséquence, il a refusé à l’association le droit à la régularisation qu’elle avait déjà acquis en exigeant simultanément la restitution d’une somme égale à 1 285 059 NLG, qu’il a ensuite réduite d’office à 639 992 NLG, c’est‑à‑dire à la TVA effectivement remboursée.

14. Comme la réclamation qu’elle avait introduite entre‑temps avait été rejetée, l’association GW a saisi le Gerechtshof te Arnhem, qui a confirmé, par arrêt du 20 mai 1998, l’avis de redressement, tel qu’il avait été réduit par l’administration fiscale.

15. L’association GW s’est alors pourvue en cassation devant le Hoge Raad; ce dernier, doutant d’abord de la compatibilité avec la sixième directive des articles 3, paragraphe 2, et 11, paragraphe 1, sous b), point 5, de la...

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