Commission of the European Communities v United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:152
CourtCourt of Justice (European Union)
Date10 March 2005
Docket NumberC-349/03
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number62003CC0349

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTONIO TIZZANO

présentées le 10 mars 2005 (1)

Affaire C-349/03

Commission des Communautés européennes

contre

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord

«Manquement d’État – TVA – Droits d’accises – Directive 77/799/CEE – Transposition partielle en ce qui concerne le territoire de Gibraltar – Légalité»






I – Introduction

1. Le 8 août 2003, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l’article 226 CE, saisi la Cour de justice d’un recours visant à faire constater que, en n’appliquant pas pleinement la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et indirects (2), telle que modifiée (3) (ci-après la «directive 77/799» ou simplement la «directive»), sur le territoire de Gibraltar, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CE.

II – Cadre juridique

A – Les dispositions pertinentes du traité

2. Aux fins de la présente affaire, il convient de rappeler tout d’abord les articles du traité qui constituent, ensemble ou séparément selon les cas, la base juridique des directives qui nous occupent, à savoir les articles 99 et 100 du traité CEE (devenus respectivement articles 93 CE et 94 CE).

3. Le premier (qui figurait au chapitre «Dispositions fiscales») prévoyait, dans la version en vigueur à l’époque de l’adoption des directives en cause, que «[l]a Commission examine de quelle façon les législations des différents États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires, aux droits d’accises et autres impôts indirects [...] peuvent être harmonisées dans l’intérêt du marché commun.

La Commission soumet des propositions au Conseil qui statue à l’unanimité [...]» (4).

4. À son tour, l’article 100 du traité (qui figurait au chapitre «Rapprochement des législations») disposait que «[l]e Conseil, statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission, arrête des directives pour le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont une incidence directe sur l’établissement ou le fonctionnement du marché commun [...]» (5).

5. Enfin, il nous semble également opportun de mentionner l’article 100 A du traité CE, ou plutôt la disposition qui l’a remplacé, c’est-à-dire l’article 95 CE, dont l’interprétation, bien qu’elle n’intéresse pas directement la présente espèce, pourra fournir, comme on le verra par la suite, des indications utiles aux fins de la présente affaire. Cette disposition prévoit, au paragraphe 1, que le Conseil, cette fois non pas à l’unanimité, mais selon la procédure de codécision, «arrête les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur». Le paragraphe 2 dudit article précise toutefois que le «paragraphe 1 ne s’applique pas aux dispositions fiscales».

B – La directive 77/799

6. Eu égard au fait que «la pratique de la fraude et de l’évasion fiscales par-delà les frontières des États membres conduit à des pertes budgétaires et à des entorses au principe de la justice fiscale et qu’elle est susceptible de provoquer des distorsions dans les mouvements de capitaux et dans les conditions de concurrence, qu’elle affecte donc le fonctionnement du marché commun» (6), le Conseil a, sur la base de l’article 100 du traité, arrêté la directive 77/799. Celle-ci vise à «renforcer la collaboration entre administrations fiscales à l’intérieur de la Communauté» (7) en imposant aux États membres d’«échanger [...] des informations en ce qui concerne un cas précis» et d’«effectuer les recherches nécessaires pour obtenir ces informations» (8).

7. L’article 1er, paragraphe 1, de la directive en question prévoyait notamment, dans sa version initiale, que «[l]es autorités compétentes des États membres échangent, conformément à la présente directive, toutes les informations susceptibles de leur permettre l’établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune».

8. La directive 79/1070, qui est fondée sur les articles 99 et 100 du traité, a ensuite modifié cette disposition en incluant dans son champ d’application les informations relatives à la taxe sur la valeur ajoutée (9) (ci-après la «TVA»). En outre, la directive 92/12, laquelle est fondée sur l’article 99 du traité, a encore étendu le champ d’application de ladite disposition aux droits d’accises grevant les huiles minérales, l’alcool et les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés (10).

9. Il y a lieu de rappeler, enfin, que les États membres étaient tenus de transposer la directive 77/799, dans sa version initiale, au plus tard le 1er janvier 1979. Les modifications précitées devaient avoir été introduites respectivement le 1er janvier 1981 et le 1er janvier 1993 au plus tard.

C – Les dispositions concernant Gibraltar

10. Cela étant dit, en vue d’établir si, et le cas échéant comment, la directive 77/799 aurait dû être transposée à Gibraltar, il convient, à titre liminaire, d’exposer dans quelle mesure le droit communautaire s’applique à ce territoire.

11. Cédé par le roi d’Espagne à la Couronne de Grande-Bretagne aux termes de l’article X du traité d’Utrecht de 1713, Gibraltar jouit, depuis 1830, du statut de Crown Colony (British Overseas Territory). La ville est régie, comme on le sait, par le Gibraltar Constitution Order 1969, qui la définit dans son préambule comme «part of Her Majesty’s dominions». Face à un important transfert de pouvoirs autonomes aux institutions locales démocratiquement élues dans la colonie, la Couronne conserve les compétences en matière de relations extérieures, de défense et de sécurité publique.

12. Or, l’article 299 CE, qui détermine le champ d’application territorial du traité, prévoit au paragraphe 4 que «[l]es dispositions du présent traité s’appliquent aux territoires européens dont un État membre assume les relations extérieures». Il s’ensuit que Gibraltar est, en principe, soumis au droit communautaire.

13. Ce principe comporte toutefois des exceptions, compte tenu du statut particulier du territoire en question. Nous nous référons bien évidemment à l’article 28 de l’acte relatif aux conditions d’adhésion et aux adaptations des traités, qui fait partie des actes relatifs à l’adhésion aux Communautés européennes du Royaume de Danemark, de l’Irlande, et du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (11) (ci-après l’«acte d’adhésion de 1972» ou l’«acte d’adhésion»).

14. Comme on le sait, cette disposition prévoit que:

«Les actes des institutions de la Communauté visant les produits de l’annexe II du traité CEE et les produits soumis à l’importation dans la Communauté à une réglementation spécifique comme conséquence de la mise en œuvre de la politique agricole commune, ainsi que les actes en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires ne sont pas applicables à Gibraltar, à moins que le Conseil statuant à l’unanimité sur proposition de la Commission n’en dispose autrement» (12).

15. En outre, en vertu des articles 29 et 30 de l’acte d’adhésion, combinés avec les annexes I et II dudit acte, Gibraltar ne fait pas partie du territoire douanier communautaire. Il est par conséquent traité comme un pays tiers en ce qui concerne l’importation et l’exportation de marchandises.

III – Faits et procédure

16. N’ayant reçu aucune notification du Royaume-Uni concernant l’application de la directive 77/799 au territoire de Gibraltar, la Commission a, le 7 avril 1997, envoyé une lettre de mise en demeure à ce gouvernement pour lui demander ce qu’il en était.

17. Par lettres des 6 juin et 7 octobre 1997, le Royaume-Uni a déclaré avoir pris les mesures nécessaires pour assurer l’application de la directive 77/799 à Gibraltar en ce qui concerne les impôts directs à compter du 1er octobre 1997. Il n’était toutefois soumis à aucune obligation de procéder en ce sens pour ce qui est de la TVA et des droits d’accises dès lors qu’il s’agit d’impôts indirects.

18. Confrontée à cette réponse, la Commission a, par lettre de mise en demeure complémentaire du 18 juillet 2001, rétorqué que l’application de la directive 77/799 devait s’étendre à Gibraltar également en ce qui concerne la TVA et les droits d’accises.

19. Le 13 novembre 2001, le Royaume-Uni a contesté cette prétention, objectant que la directive n’est pas applicable à Gibraltar en...

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