Commission of the European Communities v French Republic.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:495
CourtCourt of Justice (European Union)
Date16 October 1997
Docket NumberC-184/96
Procedure TypeRecurso por incumplimiento – fundado
Celex Number61996CC0184
EUR-Lex - 61996C0184 - FR 61996C0184

Conclusions de l'avocat général La Pergola présentées le 16 octobre 1997. - Commission des Communautés européennes contre République française. - Manquement d'Etat - Article 30 du traité CE. - Affaire C-184/96.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-06197


Conclusions de l'avocat général

I - Objet de la présente procédure et contenu de la mesure que la Commission juge contraire à l'article 30 du traité

1 La Commission des Communautés européennes a demandé à la Cour de bien vouloir constater dans la présente procédure en vertu et aux fins de l'article 171 du traité CE (ci-après le «traité») que la République française a manqué aux obligations découlant de l'article 30 du traité pour ne pas avoir tenu compte, lors de l'adoption du décret ministériel n_ 93-999 du 9 août 1993 relatif aux préparations à base de foie gras, de l'avis circonstancié et de l'avis motivé relatifs à la reconnaissance mutuelle émis par la Commission respectivement les 1er février 1992 et 14 octobre 1994.

2 Il est constant entre les parties à la présente procédure que, depuis le seizième siècle, l'image du foie gras a été indissociablement liée à la tradition gastronomique française. Aujourd'hui encore, la France occupe du reste une position extrêmement importante sur le marché de ce produit, assurant en moyenne près de 80 % de la production mondiale de foie gras et 95 % de sa mise en oeuvre. En outre, près de 90 % de production française de foie gras cru et de préparations à base de foie gras sont consommés sur le marché national (1).

Ce n'est pas tout. La production, la transformation et la commercialisation du foie gras semblent encore être organisées aujourd'hui, même dans les autres pays producteurs, conformément aux usages et règles professionnels qui se sont progressivement affirmés en France et ont ensuite été codifiés par le législateur de cet État. En fait - et cela n'a rien d'étonnant -, les dénominations de vente du foie gras et des préparations à base de foie gras font l'objet d'une réglementation détaillée en France depuis 1912. Les dénominations en langue française sont d'ailleurs largement utilisées - souvent à côté de la traduction littérale dans la langue nationale - dans d'autres États membres et aux États-Unis d'Amérique.

3 Le décret ministériel n_ 93-999, du 9 août 1993, précité (ci-après le «décret»), qui est entré en vigueur le 1er janvier 1994, fixe en détail la composition et énonce quelques critères relatifs à la production des préparations suivantes à base de foie gras (voir article 2): foie gras entier, foie gras, bloc de foie gras (ces trois préparations sont à base de foie gras d'oie ou de canard), parfait de foie, médaillon ou pâté de foie, galantine de foie et mousse de foie (ces quatre dernières préparations sont elles à base de foie gras d'oie, de foie gras de canard ou de foie gras d'oie et de canard).

Le décret précise en particulier pour chacun des produits en question le contenu minimal de foie gras (voir article 2) (2), ainsi que les ingrédients qui sont autorisés, nécessaires ou ajoutés (voir les articles 3 à 10). L'article 12 fixe le contenu maximal de saccharose (0,2 %) et d'assaisonnement (4 %) pour toutes les préparations qui font l'objet du décret; en outre, pour chacune d'entre elles, le décret détermine le pourcentage maximal de graisse de pochage et d'homogénat (3) et/ou d'eau, le taux maximal d'humidité, ainsi que les modalités spécifiques de présentation ou d'emballage (voir les articles 3 à 8) (4). Enfin, le législateur français a prévu aux articles 9 et 10 du décret les conditions auxquelles sont soumises les éventuelles dénominations de vente qui font référence à la présence de truffes, ainsi que l'obligation d'indiquer «en gelée» pour compléter la dénomination de vente si la préparation est enrobée de gelée.

4 En vertu de l'article 1er du décret, sont interdites la détention (en vue de la vente ou de la distribution à titre gratuit), la commercialisation et la distribution à titre gratuit de préparations à base de foie gras non conformes aux critères de composition, de production et de présentation énoncés dans le décret, qui déterminent chacune des dénominations de vente citées ci-dessus.

5 Le décret autorise toutefois la commercialisation de produits de charcuterie dont la dénomination de vente (différente de celles définies à l'article 2) fait référence au foie gras, pour autant que le pourcentage de foie gras mis en oeuvre dans les produits en question soit d'au moins 20 %. Dans ce cas, la dénomination de vente doit être complétée par l'indication «au foie d'oie» ou «au foie de canard» (voir article 13).

II - Arguments des parties

6 De l'avis de la Commission, le décret serait contraire aux dispositions du traité en matière de libre circulation des marchandises, dans la mesure où il ne prévoit pas de reconnaissance mutuelle des préparations à base de foie gras légalement produites et commercialisées dans d'autres États membres - c'est-à-dire conformément à la législation nationale ou à des procédés loyaux de production - sous des dénominations semblables à celles réglementées par le décret.

7 La Commission considère que, même si la mesure attaquée est indistinctement applicable aux produits nationaux et aux produits importés d'autres États membres, le fait de réserver des dénominations de vente génériques aux seules préparations à base de foie gras qui satisfont aux exigences de qualité et de composition fixées par le législateur français constituerait - en l'absence d'une clause de reconnaissance mutuelle - une mesure d'effet équivalant à une restriction quantitative à l'importation.

En particulier, le décret entraînerait un désavantage concurrentiel significatif au détriment des producteurs, notamment étrangers, qui entendraient utiliser les dénominations prescrites par le législateur français pour commercialiser des produits substituables aux produits traditionnels, mais qui seraient innovants. Contraints de recourir à des dénominations de vente distinctes de celles qui se sont déjà affirmées sur le marché, ces producteurs verraient leur liberté concurrentielle limitée significativement.

8 D'après la Commission, l'imposition de restrictions à la commercialisation en France de produits alimentaires légalement fabriqués et commercialisés dans d'autres États membres ne pourrait être légitime que si elle entendait satisfaire à des exigences impératives d'intérêt public et dans la mesure où elle serait effectivement proportionnée à la poursuite de cet objectif.

9 Or, la Commission reconnaît que le décret est conforme aux exigences impératives de la protection des consommateurs français et de la loyauté des opérations commerciales sur le marché national.

Elle fait cependant observer que l'interdiction de commercialiser en France, sous l'une des dénominations de vente réglementées, des préparations à base de foie gras qui ne seraient pas conformes aux exigences de composition, de production et de présentation fixées par le décret serait tellement rigoureuse qu'elle s'appliquerait aussi - en l'absence d'une clause de reconnaissance mutuelle - à des produits étrangers qui ne s'écarteraient de la recette française que dans une mesure marginale.

La mesure en cause créerait donc dans les échanges commerciaux entre les États membres des obstacles disproportionnés par rapport aux objectifs poursuivis.

10 La Commission convient que la répression des fraudes commerciales constitue une finalité légitime mais elle conteste la solution adoptée par le décret pour assurer aux consommateurs la possibilité de choisir en toute connaissance de cause les produits auxquels ils attribuent des qualités particulières parce qu'ils sont fabriqués à base de matières premières déterminées ou qu'ils ont une teneur donnée d'un ingrédient caractéristique. La Commission soutient que des moyens moins restrictifs pourraient être utilisés à cette fin. Ces moyens incluraient avant tout, d'après la jurisprudence de la Cour (5), un étiquetage approprié concernant la nature du produit vendu ou le pourcentage de matières premières utilisées: un étiquetage qui soit équivalent quant aux informations qu'il contient et à son aptitude à être compris par les consommateurs de l'État importateur, à la dénomination de vente qui fait l'objet de la réglementation.

Par ailleurs, les autorités nationales de contrôle compétentes feraient en sorte que les préparations de foie gras mises dans le commerce en France sous une des dénominations de vente prévues par le décret contiennent effectivement, pour ne donner qu'un seul exemple, les pourcentages de foie gras indiqués sur l'étiquetage. Étant donné que les responsables de la vente d'un produit substantiellement différent de celui correspondant à la dénomination en cause utilisée pourraient être poursuivis en vertu de la loi, la reconnaissance réciproque de préparations légalement produites dans la Communauté ne susciterait donc pas de risque particulier de concurrence déloyale et de fraude au détriment des consommateurs.

11 La Commission juge par ailleurs dépourvue de fondement la thèse selon laquelle la reconnaissance réciproque des préparations légalement produites et commercialisées dans la Communauté risque de pousser à l'avenir un ou plusieurs producteurs français - auxquels continueraient de s'appliquer, de façon exclusive, les exigences technico-commerciales plus sévères fixées par le décret - à s'établir dans un autre État membre (ou à y exporter tout ou partie de leur production pour la réimporter ensuite en France) dans l'unique but de bénéficier d'une réglementation plus permissive. Ce risque a été invoqué par le gouvernement français pour prouver le caractère proportionné du décret.

La Commission fait observer à ce propos que, pour prévenir de tels risques de détournement de trafic commercial, il aurait suffi que les autorités françaises adoptent...

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