EU-Wood-Trading GmbH v Sonderabfall-Management-Gesellschaft Rheinland-Pfalz mbH.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2004:547
Docket NumberC-277/02
Celex Number62002CC0277
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date23 September 2004
Conclusions
CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL
M. PHILIPPE LÉGER
présentées le 23 septembre 2004(1)



Affaire C-277/02

EU-Wood-Trading GmbH
contre
Sonderabfall-Management-Gesellschaft Rheinland-Pfalz mbH


[demande de décision préjudicielle formée par l'Oberverwaltungsgericht Rheinland-Pfalz (Allemagne)]

«Règlement (CEE) n° 259/93 relatif au transfert de déchets – Déchets destinés à des opérations de valorisation – Article 7, paragraphe 4, sous a), premier et deuxième tirets – Compétence des autorités nationales pour soulever des objections motivées contre le transfert envisagé fondées sur les conditions dans lesquelles les déchets doivent être valorisés – Compétence de l'autorité d'expédition pour former de telles objections – Prise en compte par l'autorité d'expédition des critères en vigueur dans son État»






1. La présente affaire porte une nouvelle fois sur l’interprétation du règlement (CEE) n° 259/93 (2) , qui détermine les conditions et les règles de procédures auxquelles sont subordonnés les transferts de déchets entre États membres. Il s’agit de savoir si et dans quelle mesure l’autorité administrative compétente du pays au départ duquel le transfert de déchets doit s’effectuer, appelée l’«autorité compétente d’expédition», est en droit de s’opposer à ce transfert lorsque les conditions dans lesquelles les déchets en cause doivent être valorisés dans le pays de destination ne sont pas conformes aux critères applicables dans son propre État ou à sa réglementation nationale, plus stricts que ceux en vigueur dans l’État membre de destination. 2. Ainsi, cette affaire devrait conduire votre Cour à préciser quels sont les pouvoirs de l’autorité compétente d’expédition dans le cadre de la procédure de transfert de déchets et, éventuellement, si la libre circulation des déchets destinés à être valorisés, prévue par le règlement, s’oppose à ce que cette autorité fasse prévaloir les normes de protection de la santé et de l’environnement applicables dans son État lorsque celles-ci sont plus strictes que celles en vigueur dans l’État membre de destination. 3. Avant d’exposer le contexte factuel du litige au principal, nous allons rappeler succinctement l’évolution et les principes de la politique communautaire dans le domaine de l’environnement ainsi que les dispositions de droit dérivé les plus pertinentes pour la réponse à apporter aux questions de la juridiction de renvoi. I – Le droit communautaire A – La politique communautaire de l’environnement 4. La protection de l’environnement a fait l’objet d’une consécration récente et progressive en droit communautaire. Ainsi, cette notion était absente ou presque dans les traités originaires (3) . De manière prétorienne, la Cour de justice, dans l’arrêt du 7 février 1985, ADBHU (4) , a énoncé qu’elle constituait «un des objectifs essentiels de la Communauté», lui reconnaissant ainsi le statut d’une exigence impérative susceptible de justifier des mesures nationales portant atteinte à la libre circulation des marchandises. En 1987, avec l’entrée en vigueur de l’Acte unique européen, l’action de la Communauté dans le domaine de la protection de l’environnement s’est vu reconnaître une base juridique en droit primaire, avec l’insertion des articles 130 R, 130 S et 130 T dans le traité CE (5) . Le traité sur l’Union européenne, signé à Maastricht le 7 février 1992, a élevé cette action au rang de politique à part entière. Le traité d’Amsterdam, entré en vigueur le 1er mai 1999, a encore renforcé la position prioritaire de cette politique en faisant figurer le principe d’intégration des exigences de l’environnement par les autres politiques de la Communauté dans l’article 6 CE, créé à cet effet et intégré dans la partie du traité consacrée aux principes sur lesquels ladite Communauté repose. 5. La politique environnementale de la Communauté doit contribuer à la poursuite de quatre objectifs qui sont énumérés à l’article 174 CE. Le premier porte sur la qualité de l’environnement à travers trois aspects, sa préservation, sa protection et son amélioration. Le deuxième objectif est la protection de la santé des personnes. Le troisième est l’utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles. Le quatrième est la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l’environnement. 6. Cette politique est fondée sur les quatre principes suivants: le principe de précaution, qui permet de prendre des mesures immédiates en cas de menace d’atteinte grave et irréversible à l’environnement; le principe d’action préventive, qui recommande d’empêcher, dès l’origine, la création de pollutions ou de nuisances par l’adoption de mesures de nature à éradiquer un risque connu; le principe de la correction par priorité à la source des nuisances à l’environnement, qui signifie que l’intervention doit porter sur l’objet même qui provoque directement ou indirectement l’impact sur l’environnement et qui se traduit, dans la législation communautaire sur les transferts de déchets, par les principes dits «d’autosuffisance et de proximité», et le principe du pollueur-payeur, qui impose à celui qui fait courir un risque de pollution ou qui cause une pollution de supporter les coûts de la prévention ou de la réparation. 7. Il convient également de souligner que les actions de la Communauté en matière d’environnement doivent viser un niveau élevé de protection. Cette exigence, affirmée à l’article 2 CE depuis le traité d’Amsterdam, est reprise dans plusieurs articles du traité CE (6) . 8. Enfin, la compétence de la Communauté en matière d’environnement n’est pas exclusive. D’une part, elle est soumise au principe de subsidiarité. D’autre part, les États membres disposent d’une compétence concurrente de celle de la Communauté. Ainsi, conformément à l’article 176 CE, lorsque la Communauté a pris des mesures de protection de l’environnement, les États membres peuvent maintenir et même prendre des mesures de protection renforcées. Cette compétence concurrente se manifeste également au travers des clauses de sauvegarde, qui permettent à un État membre, lorsque la Communauté a pris des mesures d’harmonisation ayant pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur, de maintenir des mesures nationales dérogatoires justifiées par des exigences visées à l’article 30 CE ou relatives à la protection de l’environnement, voire de prendre des dispositions nationales dérogatoires, à condition que ces dernières soient basées sur des preuves scientifiques nouvelles (7) . 9. À l’avenir, les principes qui encadrent le droit de l’environnement pourraient se voir reconnaître une importance accrue, puisque le projet de traité établissant une constitution pour l’Europe, adopté par les chefs d’État et de gouvernement des États membres le 18 juin 2004, fixe parmi les objectifs de l’Union européenne le développement durable de l’Europe, et même de la planète, ainsi qu’un niveau élevé de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement (8) . La charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, proclamée le 7 décembre 2000 à Nice et reprise dans la deuxième partie du projet de traité susvisé, prévoit quant à elle qu’«[u]n niveau élevé de protection de l’environnement et l’amélioration de sa qualité doivent être intégrés dans les politiques de l’Union et assurés conformément au principe du développement durable» (9) . Il convient encore de signaler que la protection de l’environnement figure dans la constitution de plusieurs États membres (10) . B – La législation communautaire en matière de transfert de déchets 1. La directive 10. La directive 75/442/CEE (11) , dont les dispositions applicables ont été adoptées sur le fondement de l’article 130 S du traité, qui habilite le Conseil de l’Union européenne à prendre les mesures destinées à mettre en œuvre la politique de la Communauté dans le domaine de l’environnement, vise à garantir un niveau élevé de protection de l’environnement (12) . Elle indique que, pour atteindre ce but, les États membres doivent non seulement veiller de manière responsable à l’élimination et à la valorisation des déchets, mais aussi prendre des mesures visant à limiter la production de déchets, notamment en promouvant des technologies propres et des produits recyclables et réutilisables (13) . Elle tend également à réduire les mouvements de déchets par la création d’un réseau intégré et adéquat d’élimination devant permettre à la Communauté d’assurer elle-même l’élimination des déchets qu’elle produit et aux États membres de tendre aussi vers ce but. 11. Elle prévoit à son article 4, premier alinéa, que «[l]es États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que les déchets seront valorisés ou éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans que soient utilisés des procédés ou méthodes susceptibles de porter préjudice à l’environnement […]». 12. Elle énonce, à son article 7, que, pour réaliser les objectifs visés, notamment, à l’article 4, les États membres sont tenus d’établir dès que possible un ou plusieurs plans de gestion des déchets. 13. Elle dispose également que les entreprises qui assurent l’élimination et la valorisation des déchets doivent faire l’objet d’un agrément et de contrôles (14) . 2. Le règlement 14. Le règlement a également été adopté sur la base de l’article 130 S du traité. Il remplace la directive 84/631/CEE (15) afin de mettre en œuvre dans la Communauté, notamment, la convention de Bâle, du 22 mars 1989, sur le contrôle des mouvements transfrontières de déchets dangereux et de leur élimination (16) . Il a pour objectif d’établir un...

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