Karlheinz Fischer v Finanzamt Donaueschingen.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1997:167
Date20 March 1997
Celex Number61995CC0283
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-283/95
EUR-Lex - 61995C0283 - FR 61995C0283

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 20 mars 1997. - Karlheinz Fischer contre Finanzamt Donaueschingen. - Demande de décision préjudicielle: Finanzgericht Baden-Württemberg, Freiburg - Allemagne. - Dispositions fiscales - Sixième directive TVA - Application à l'organisation de jeux de hasard illicites - Détermination de la base d'imposition. - Affaire C-283/95.

Recueil de jurisprudence 1998 page I-03369


Conclusions de l'avocat général

1 Les questions soulevées dans l'affaire, qui a été déférée par le Finanzgericht Baden-Württemberg, Freiburg, sont les suivantes: les opérations consistant en l'organisation illicite de jeux de roulette relèvent-elles du champ d'application de la TVA; dans l'affirmative, un État membre doit-il les exonérer de la TVA, lorsqu'il exonère l'organisation de tels jeux par des casinos publics agréés; dans la négative, quelle est la base d'imposition aux fins de la TVA?

Dispositions communautaires et nationales pertinentes

2 L'article 2 de la sixième directive (1) dispose:

«Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée:

1. les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel;

...».

3 L'article 11, A, paragraphe 1, sous a), énonce que la base d'imposition pour les opérations à l'intérieur du pays est constituée:

«... par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations».

4 L'article 13, B, sous f), exonère de la taxe:

«les paris, loteries et autres jeux de hasard ou d'argent, sous réserve des conditions et limites déterminées par chaque État membre».

5 L'article 33 de la directive prévoit:

«Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les dispositions de la présente directive ne font pas obstacle au maintien ou à l'introduction par un État membre de taxes sur les contrats d'assurance, sur les jeux et paris, d'accises, de droits d'enregistrement, et, plus généralement, de tous impôts, droits et taxes n'ayant pas le caractère de taxe sur le chiffre d'affaires.»

6 L'article 1er, paragraphe 1, de la loi allemande relative à la taxe sur le chiffre d'affaires met en oeuvre l'article 2, point 1, de la directive, en soumettant à la taxe sur la valeur ajoutée les opérations effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un entrepreneur dans le cadre de son activité. Conformément à l'article 13, B, sous f), de la directive, l'article 4, paragraphe 9, sous b), de la loi exonère entre autres les chiffres d'affaires réalisés au moyen du jeu par les casinos publics agréés.

Les faits et les questions déférées par la juridiction nationale

7 En vertu du droit allemand, les jeux de roulette ne peuvent être organisés à des fins commerciales que par des casinos publics agréés. De 1987 à 1989, M. Fischer a organisé des jeux de roulette à plusieurs endroits en Allemagne fédérale. M. Fischer ne disposait pas de l'autorisation d'exploiter un casino et, par voie de conséquence, d'organiser des jeux de roulette, mais avait l'autorisation d'exploiter un jeu d'adresse exigeant le recours à un appareil nommé «Roulette Opta II». Il s'est, toutefois, à un point tel, écarté des termes de cette autorisation que le jeu a fini par être un jeu de roulette.

8 Les appareils utilisés par M. Fischer comportaient une couronne de cases numérotées de 1 à 24, plus deux cases pour les «chiffres» 0 et X. Les chiffres 1 à 12 se trouvaient sur des cases noires, les chiffres 13 à 24 sur des cases rouges. Le but du jeu était de prévoir, en plaçant les jetons sur les cases correspondantes, l'endroit où la boule lancée par le croupier s'arrêterait. Les joueurs achetaient des jetons d'une valeur de 5 DM la pièce. A chaque partie, ils pouvaient miser un ou plusieurs jetons sur l'un des chiffres de 1 à 24, 0 et X (en plein), ou sur la ligne séparant les deux chiffres (à cheval) et/ou sur le groupe de cases rouges et/ou noires. Le joueur recevait 24 fois le montant de sa mise lorsque la boule tombait sur le chiffre qui avait été joué, douze fois sa mise lorsque la boule s'arrêtait sur un des deux numéros joués à cheval, et deux fois sa mise lorsqu'il avait joué le rouge ou le noir. Les gains étaient payés en jetons immédiatement après le jeu gagnant et les jetons ramassés par le croupier servaient à payer les gains et à être achetés par les joueurs. Les joueurs qui voulaient cesser de jouer pouvaient échanger les jetons qui leur restaient contre de l'argent.

9 M. Fischer déclarait comme chiffre d'affaires taxable ses recettes nettes, c'est-à-dire l'excédent lui restant en caisse à la fin de chaque journée. Le Finanzamt a, cependant, estimé que la base d'imposition était constituée par les mises (sous forme de jetons) placées par les joueurs, déduction faite des gains distribués (également sous forme de jetons). Bien que cela ne soit pas tout à fait clair, il semble que le Finanzamt ait tenté de ne prendre en considération que les parties où l'établissement réalisait un bénéfice net, ignorant celles où une perte nette était enregistrée. Comme M. Fischer n'avait pas tenu ce type de comptabilisation (ce qui aurait impliqué que les mises et gains de chaque joueur soient notés), le Finanzamt a procédé à une évaluation en multipliant les recettes nettes par le facteur 6, sur la base d'un calcul de probabilité tenant compte des possibilités de pertes et de gains de chaque joueur.

10 Le Finanzgericht se pose d'abord la question de savoir si l'organisation des jeux de roulette en cause est imposable. M. Fischer n'exploitait pas de casino public agréé, au sens de l'article 4, paragraphe 9, sous b), de la loi relative à la taxe sur le chiffre d'affaires et a effectivement été condamné au titre de l'article 284 du code pénal allemand pour organisation illicite d'un jeu de hasard. Étant donné que le chiffre d'affaires de M. Fischer ne bénéficie, dès lors, pas de l'exonération en vertu de l'article 4, paragraphe 9, sous b), le Finanzgericht conclut qu'il est taxable conformément à la loi allemande au vu de la disposition d'imposition générale contenue à l'article 1er, paragraphe 1, première phrase, de la loi. Se référant, toutefois, aux arrêts de la Cour dans les affaires Happy Family (2) et Mol 12 (3), où il avait été déclaré que la livraison illégale de stupéfiants ne relevait pas du champ d'application de la TVA, le Finanzgericht se demande si le droit communautaire ne s'oppose pas à la taxation des opérations de M. Fischer au motif qu'elles étaient illicites en droit allemand.

11 En deuxième lieu, au cas où les opérations de M. Fischer sont imposables, le Finanzgericht se pose la question de savoir quelle est la base d'imposition. Le Finanzgericht est enclin à accepter le point de vue du Finanzamt, mais considère qu'il est empêché de se prononcer en ce sens eu égard à l'arrêt de la Cour dans l'affaire Glawe (4), où il a été jugé que la base d'imposition pour les prestations de service consistant en l'exploitation de machines à sous était constituée par les recettes nettes provenant des machines après paiement des gains, plutôt que le total des mises insérées dans les machines par les joueurs. Le Finanzgericht note les similitudes entre les deux formes de jeux. Il ajoute que, bien que dans son arrêt la Cour ait observé que les machines à sous étaient, en vertu de prescriptions légales, conçues de manière à ce que 60 % au moins des mises engagées soient distribués à titre de gains, cet élément ne doit pas être considéré comme ayant été déterminant au regard de la décision de la Cour.

12 Le Finanzgericht a, par conséquent, posé les questions suivantes à la Cour:

«1) L'article 2, point 1, de la sixième directive CE doit-il être interprété en ce sens que les prestations de services fournies aux joueurs par un organisateur de jeux de hasard illicites et punissables ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée?

2) En cas de réponse négative à la première question: l'article 11, A, paragraphe 1, sous a), de la sixième directive CE doit-il être interprété en ce sens que, pour les jeux de hasard illicites, en l'occurrence pour la roulette, la base d'imposition des prestations de services fournies par l'organisateur aux joueurs est constituée par le montant qui est resté à l'organisateur au cours d'une période fiscale donnée?

3) En cas de réponse négative à la deuxième question: comment faut-il déterminer la base d'imposition dans les cas visés aux première et deuxième questions?»

Première question

13 La jurisprudence de la Cour relative à la TVA sur les transactions illicites trouve son origine dans des affaires ayant trait aux droits de douane. Dans ses arrêts Horvath (5), Wolf (6) et «Einberger I» (7), la Cour a estimé qu'aucune dette douanière ne prenait naissance lors de l'importation de stupéfiants qui ne font pas partie du circuit économique strictement surveillé par les autorités compétentes en vue d'une utilisation à des fins médicales et scientifiques. La Cour a considéré que l'importation et la commercialisation de stupéfiants en dehors de ce circuit économique étaient interdites dans les États membres en vertu d'un traité international signé par tous les États membres, à savoir la Convention unique sur les stupéfiants. Une dette douanière ne pouvait pas prendre naissance lors de l'importation de stupéfiants, qui n'étaient pas susceptibles d'être mis dans le commerce et intégrés à l'économie de la Communauté. Elle a ajouté que les importations illégales de stupéfiants étaient tout à fait étrangères aux buts assignés à la Communauté par l'article 2 du traité et aux lignes de conduite établies à l'article 29 pour la gestion de l'union douanière.

14 Dans l'affaire «Einberger II» (8), la Cour a étendu sa...

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