RAL (Channel Islands) Ltd and Others v Commissioners of Customs & Excise.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:65
Date27 January 2005
Celex Number62003CC0452
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-452/03

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. L. M. POIARES MADURO

présentées le 27 janvier 2005 (1)

Affaire C-452/03

RAL (Channel Islands) Ltd

RAL Ltd

RAL Services Ltd

RAL Machines Ltd

contre

Commissioners of Customs & Excise

[demande de décision préjudicielle formée par la High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume-Uni)]

«TVA – Prestation de services – Montage opéré dans un but d’évasion fiscale – Société établie hors de l’Union et autres sociétés du même groupe établies dans un État membre – Salles de jeux automatiques – Remboursement de la taxe payée en amont»






1. La High Court of Justice (England & Wales), Chancery Division (Royaume‑Uni), a posé plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice des Communautés européennes relatives à l’interprétation de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme (2) (ci‑après la «sixième directive»), modifiée, ainsi que, à un deuxième degré, de la treizième directive 86/560/CEE du Conseil, du 17 novembre 1986, en matière d’harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d’affaires – Modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis sur le territoire de la Communauté (3) (ci‑après la «treizième directive»).

2. Ces questions portent essentiellement sur la détermination du lieu où s’effectue une prestation de services, le litige au principal dont est saisie la High Court concernant une société qui assure la prestation de services de jeux sur des machines à sous à des consommateurs dans un État membre, mais a établi le siège de son activité économique en dehors de la Communauté aux seules fins, voire surtout, d’échapper à l’assujettissement à la TVA.

I – Les faits de l’espèce au principal, le droit applicable et les questions posées à la Cour

3. RAL (Channel Islands) Ltd (ci‑après «CI») est une société constituée à Guernesey. RAL Ltd (ci‑après «RAL»), RAL Services Ltd (ci‑après «Services») et RAL Machines Ltd (ci‑après «Machines») sont des sociétés constituées au Royaume‑Uni. Ces quatre sociétés sont des filiales de RAL Holdings Ltd (ci‑après «Holdings»), également constituée au Royaume‑Uni. CI, RAL, Services, Machines et Holdings sont ci‑après collectivement désignées comme constituant le «groupe RAL». Le groupe RAL opère dans l’industrie du jeu. Sa principale activité concerne l’exploitation de machines à sous.

4. Jusqu’en octobre 2000, RAL fournissait des services de jeux sur des machines à sous dans des locaux qu’elle possédait ou louait au Royaume‑Uni. Elle était propriétaire des machines utilisées dans ses «salles de jeux automatiques» et détenait les licences nécessaires tant à l’exploitation des salles que des machines. Elle employait son propre personnel, bien que certains services soient exécutés par des contractants indépendants, et la TVA était due sur les recettes nettes des machines à sous.

5. Le litige au principal a pour origine un mécanisme d’évasion fiscale préparé par des conseillers fiscaux externes du groupe RAL portant sur les machines à sous exploitées par RAL au Royaume‑Uni. Ce mécanisme se fonde sur le fait que le lieu de la prestation des services de jeux sur des machines à sous aux clients soit situé en dehors du territoire de la Communauté au regard de la TVA. Le groupe RAL ne serait donc plus assujetti à la TVA sur les services des machines à sous et pourrait récupérer la TVA en amont. À cette fin, un prestataire, CI, a été constitué en tant que filiale offshore de Holdings. CI a été constituée en tant que société à responsabilité limitée à Alderney. Son établissement commercial est situé à Guernesey avec des bureaux employant trois dirigeants à temps partiel et deux salariés à temps plein. Dans le cadre de la même restructuration, deux autres filiales de Holdings ont été constituées au Royaume-Uni: Machines et Services. Concomitamment, CI, Services, Machines, RAL et Holdings ont conclu une série d’accords.

6. En vertu de ces accords, RAL est titulaire des baux relatifs aux locaux dans lesquels les machines à sous sont installées ainsi que des licences autorisant l’exploitation de salles de jeux automatiques. RAL a accordé à CI le droit d’installer et d’exploiter les machines à sous dans ces locaux. Elle a en outre autorisé l’accès du public aux locaux pendant les heures d’ouverture et veille à ce qu’ils soient nettoyés, chauffés, ventilés et éclairés. Machines possède la totalité des machines à sous, des changeurs de monnaie, des accessoires et pièces détachées utilisés par le groupe RAL et est titulaire des licences nécessaires à l’exploitation de ces machines. En vertu d’un contrat de location conclu avec CI, Machines est tenue de fournir des machines à CI et d’assurer leur bon état de marche.

7. L’activité de CI consiste à permettre au public l’utilisation des machines à sous fournies par Machines, dans les locaux mis à sa disposition par RAL. Pour exercer cette activité, CI a sous‑traité la quasi‑totalité du travail quotidien à Services, l’une des autres filiales de Holdings, en tant que cocontractant exclusif. À la suite de la réorganisation interne du groupe RAL, cette société est l’employeur de l’ensemble du personnel du groupe RAL affecté au travail quotidien dans les salles de jeux automatiques, soit environ 600 salariés. Les fonctions qui restent dévolues à CI directement, avec ses effectifs de cinq personnes travaillant exclusivement dans les bureaux de CI à Guernesey, sont essentiellement limitées à la comptabilité et au suivi des flux d’espèces des machines.

8. À la suite de la restructuration décrite ci‑dessus, CI affirmait, en s’appuyant sur les articles 2, 4 et 9 de la sixième directive, que le lieu de la prestation de services liés aux machines à sous était Guernesey et que, dès lors, elle n’était pas assujettie à la TVA au Royaume‑Uni. Elle demandait également le remboursement de la TVA payée en amont sur les services qui lui ont été fournis par les autres sociétés du groupe RAL, conformément aux articles 1er et 2 de la treizième directive.

9. Par décision du 28 août 2001, les Commissioners of Customs and Excise (ci‑après les «Commissioners») ont rejeté les demandes de CI, estimant que CI était assujettie à la TVA au Royaume‑Uni. À titre subsidiaire, les Commissioners ont jugé que la structure constituée par le groupe RAL devait être considérée comme revenant à un abus de droit. En conséquence, la prestation de services de jeux sur des machines à sous continue à être effectuée par Holdings au Royaume‑Uni.

10. CI, RAL, Machines et Services (ci‑après les «demanderesses au principal») ont contesté cette décision devant le VAT and Duties Tribunal London. Celui‑ci a jugé que les services de jeux sur des machines à sous étaient fournis par CI à partir d’établissements stables au Royaume‑Uni, au sens de l’article 9, paragraphe 1, de la sixième directive. Il a toutefois accueilli le recours en sa partie dirigée contre les conclusions subsidiaires des Commissioners au motif que les prestations de services étaient effectuées par CI et que la doctrine de l’abus de droit n’était pas applicable. CI a interjeté appel de la décision du VAT Tribunal devant la High Court et les Commissioners ont interjeté un appel incident contre la partie du dispositif par lequel ledit tribunal rejette leurs conclusions subsidiaires.

11. Pour une parfaite compréhension des mécanismes décrits ci‑dessus et des questions posées à titre préjudiciel à la Cour, il convient de tenir compte de certaines dispositions des sixième et treizième directives.

12. L’article 2, point 1, de la sixième directive dispose que «les livraisons de biens et les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l’intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel» sont soumises à la TVA.

13. L’article 4, paragraphe 1, de la sixième directive définit l’«assujetti» comme «quiconque accomplit, d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une des activités économiques mentionnées au paragraphe 2, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité».

14. L’article 4, paragraphe 2, dispose en outre que «[l]es activités économiques visées au paragraphe 1 sont toutes les activités de producteur, de commerçant ou de prestataire de services».

15. S’agissant de la détermination du lieu d’exécution d’une opération assujettie, l’article 9 de la sixième directive dispose:

«1. Le lieu d’une prestation de services est réputé se situer à l’endroit où le prestataire a établi le siège de son activité économique ou un établissement stable à partir duquel la prestation de services est rendue ou, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, au lieu de son domicile ou de sa résidence habituelle.

2. Toutefois:

[…]

c) le lieu des prestations de services ayant pour objet:

– des activités culturelles, artistiques, sportives, scientifiques, d’enseignement, de divertissement ou similaires, y compris celles des organisateurs de telles activités ainsi que, le cas échéant, des prestations de services accessoires à ces activités,

[…]

est l’endroit où ces prestations sont matériellement exécutées».

16. Il convient en outre de tenir compte de certaines dispositions de la treizième directive pertinentes à l’espèce, à savoir son article 1er qui dispose:

«Au sens de la présente directive, on entend par:

1) assujetti qui n’est pas établi sur le territoire de la Communauté, l’assujetti visé à l’article 4 paragraphe 1 de la directive 77/388/CEE qui, au cours de la période visée à l’article 3 paragraphe 1 de la présente directive, n’a eu sur ce territoire, ni le siège de son activité économique, ni un établissement stable à partir duquel les opérations sont effectuées, ni, à défaut d’un tel siège ou d’un tel établissement stable, son...

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