Déborah Prete v Office national de l'emploi.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2012:501
Docket NumberC-367/11
Celex Number62011CC0367
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date19 July 2012
62011CC0367

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 19 juillet 2012 ( 1 )

Affaire C‑367/11

Déborah Prete

contre

Office national de l’emploi

[demande de décision préjudicielle formée par la Cour de cassation (Belgique)]

«Libre circulation des travailleurs — Prestations en faveur de jeunes recherchant un premier emploi — Droit des demandeurs d’emploi de percevoir des prestations — Octroi de la prestation subordonné à une condition d’études dans l’État d’accueil pendant au moins six ans — Discrimination indirecte — Proportionnalité»

1.

La Cour de cassation (Belgique) introduit la présente demande de décision préjudicielle afin que la Cour se prononce une fois de plus sur le régime belge de prestations sociales de première insertion sur le marché du travail (ci-après les «allocations d’attente») pour les jeunes demandeurs d’emploi. Après les arrêts Deak ( 2 ), Kziber ( 3 ), Commission/Belgique ( 4 ), D’Hoop ( 5 ) et Ioannidis ( 6 ), l’ordre juridique belge a été modifié à plusieurs reprises en vue de son adaptation successive aux exigences de la libre circulation des personnes et des travailleurs. Toutefois, la dernière modification soulève encore des doutes, puisqu’il est exigé des personnes demandant lesdites allocations d’attente qu’elles aient préalablement étudié dans un établissement d’enseignement belge pendant au moins six ans. Cette condition est étendue aux ressortissants d’autres États membres ayant fait leurs études dans d’autres États que le Royaume de Belgique, comme la requérante au principal.

2.

La présente affaire permettra à la Cour de développer sa jurisprudence relative aux prestations sociales en lien avec les demandeurs d’emploi. Cette matière, qui, après l’arrêt Collins ( 7 ), a fait l’objet d’une constante évolution jurisprudentielle et législative, nécessite encore des éclaircissements de la Cour, notamment en ce qui concerne l’existence d’un lien entre le demandeur d’emploi et l’État d’accueil, question délicate qui justifie les présentes conclusions.

I – Le cadre réglementaire

A – Le cadre réglementaire de l’Union

3.

Aux termes de l’article 18 CE (article 21 TFUE), «[t]out citoyen de l’Union a le droit de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, sous réserve des limitations et conditions prévues par le présent traité et par les dispositions prises pour son application».

4.

L’article 39 CE (article 45 TFUE), relatif à la libre circulation des travailleurs, dispose:

«1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l’intérieur de la Communauté.

2. Elle implique l’abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des États membres, en ce qui concerne l’emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d’ordre public, de sécurité publique et de santé publique:

a)

de répondre à des emplois effectivement offerts;

b)

de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des États membres;

[…]»

5.

Le règlement (CEE) no 1612/68 relatif à la libre circulation des travailleurs à l’intérieur de la Communauté ( 8 ) (récemment abrogé par le règlement 492/11) prévoit, à ses articles 3 et 7:

«Article 3

1. Dans le cadre du présent règlement, ne sont pas applicables les dispositions législatives, réglementaires ou administratives ou les pratiques administratives d’un État membre:

qui limitent ou subordonnent à des conditions non prévues pour les nationaux la demande et l’offre de l’emploi, l’accès à l’emploi et son exercice par les étrangers,

ou qui, bien qu’applicables sans acception de nationalité, ont pour but ou effet exclusif ou principal d’écarter les ressortissants des autres États membres de l’emploi offert.

[…]

Article 7

1. Le travailleur ressortissant d’un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d’emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s’il est tombé en chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux.

[…]»

B – Le cadre réglementaire belge

6.

L’article 36, paragraphe 1, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage prévoit que, pour pouvoir être admis au bénéfice des allocations d’attente, le jeune travailleur doit satisfaire aux conditions suivantes:

«[…]

1o

ne plus être soumis à l’obligation scolaire;

2o

a)

soit avoir terminé ses études de plein exercice du cycle secondaire supérieur ou la troisième année d’études de plein exercice de l’enseignement secondaire technique, artistique ou professionnel dans un établissement d’enseignement organisé, subventionné ou reconnu par une communauté;

[…]

j)

soit avoir obtenu un titre délivré par une communauté établissant l’équivalence au certificat visé sous b) ou un titre donnant accès à l’enseignement supérieur; ce littera n’est d’application qu’à condition d’avoir suivi préalablement au moins six années d’études dans un établissement d’enseignement organisé, reconnu ou subventionné par une communauté.

[…]»

7.

Le littera j) susmentionné a été introduit par l’arrêté royal du 11 février 2003, à la suite de l’arrêt D’Hoop, précité, rendu par la Cour.

II – Les faits

8.

Mme Prete est une ressortissante française née en 1981 et mariée à un ressortissant belge depuis l’année 2001. À partir de l’année de son mariage, Mme Prete s’est installée en Belgique avec son mari et, peu de temps après, le 1er février 2002, elle s’est inscrite comme demandeur d’emploi auprès du service de l’emploi belge.

9.

Du 3 au 8 juin 2002 et le 5 septembre 2002, Mme Prete a exercé une activité dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée.

10.

Le 1er juin 2003, Mme Prete a demandé les allocations d’attente aux autorités belges, prestations octroyées aux jeunes qui viennent de terminer leurs études et qui sont à la recherche de leur premier emploi. La demande a été rejetée par décision du 11 septembre 2003, car Mme Prete n’avait pas effectué le minimum exigible, conformément à l’arrêté royal du 25 novembre 1991, de six années d’études en Belgique.

11.

En effet, Mme Prete a effectué ses études secondaires en France, où elle a obtenu un diplôme du baccalauréat professionnel en secrétariat. Par conséquent, elle ne satisfaisait pas à l’une des conditions fondamentales prévues par l’arrêté royal susmentionné.

12.

Mme Prete a introduit un recours en première instance contre la décision de refus auprès du tribunal du travail de Tournai (Belgique), qui lui a fait droit. Toutefois, l’administration défenderesse, l’Office national de l’emploi, a fait appel de l’arrêt de première instance devant la cour du travail de Mons (Belgique), qui a confirmé le bien-fondé de la décision administrative de refus, ce qui a motivé l’introduction d’un pourvoi en cassation par Mme Prete devant la Cour de cassation, qui pose la présente question préjudicielle.

III – La question préjudicielle posée à la Cour

13.

Le 11 juillet 2011, une demande de décision préjudicielle émanant de la Cour de cassation a été enregistrée au greffe de la Cour. Les deux questions suivantes y sont posées:

«1)

Les articles 12, 17, 18 et, pour autant que de besoin, 39 du traité instituant la Communauté européenne, dans sa version consolidée à Amsterdam le 2 octobre 1997, s’opposent-ils à une disposition du droit national qui, tel l’article 36, paragraphe 1, point 2, sous j), de l’arrêté royal belge du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage, soumet le droit aux allocations d’attente d’un jeune, ressortissant de l’Union européenne, qui n’a pas la qualité de travailleur au sens de l’article 39 du traité, qui a effectué ses études secondaires dans l’Union européenne mais non dans un établissement d’enseignement organisé, subventionné ou reconnu par l’une des communautés de la Belgique et qui a obtenu, ou bien un titre délivré par une de ces communautés établissant l’équivalence de ces études au certificat d’études, délivré par le jury compétent d’une de ces communautés pour les études effectuées dans ces établissements d’enseignement belges, ou bien un titre donnant accès à l’enseignement supérieur, à la condition que ce jeune ait suivi préalablement six années d’études dans un établissement d’enseignement organisé, reconnu ou subventionné par l’une des communautés de la Belgique, si cette condition est exclusive et absolue?

2)

Dans l’affirmative, les circonstances que le jeune décrit à la première question, qui n’a pas suivi six années d’études dans un établissement d’enseignement belge, réside en Belgique avec son conjoint belge et est inscrit comme demandeur d’emploi auprès d’un service belge de l’emploi constituent-elles des éléments à prendre en considération pour apprécier le lien du jeune avec le marché du travail belge, au regard des articles 12, 17, 18 et, le cas échéant, 39 du traité? Dans quelle mesure la durée de ces périodes de résidence, de mariage et d’inscription comme demandeur d’emploi doit-elle être prise en considération?»

14.

Le représentant de Mme Prete, les gouvernements belge et tchèque ainsi que la Commission européenne ont présenté des observations écrites.

IV – Sur les questions posées par la Cour de cassation

15.

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