Comité des industries du coton et des fibres connexes de l'Union européenne (Eurocoton) and Others v Council of the European Union.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2003:26
CourtCourt of Justice (European Union)
Date16 January 2003
Docket NumberC-76/01
Celex Number62001CC0076
Procedure TypeRecours en annulation - fondé
EUR-Lex - 62001C0076 - FR 62001C0076

Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 16 janvier 2003. - Comité des industries du coton et des fibres connexes de l'Union européenne (Eurocoton) et autres contre Conseil de l'Union européenne. - Pourvoi - Dumping - Non-adoption par le Conseil d'une proposition de règlement instituant des droits antidumping définitifs - Absence de majorité simple nécessaire à l'adoption du règlement - Expiration du délai d'enquête antidumping - Notion d'acte attaquable - Obligation de motivation. - Affaire C-76/01 P.

Recueil de jurisprudence 2003 page I-10091


Conclusions de l'avocat général

1. Le présent pourvoi est dirigé contre un arrêt du Tribunal de première instance par lequel ce dernier a rejeté un recours introduit par des représentants de l'industrie communautaire du coton

- au motif qu'il était irrecevable dans la mesure où ils cherchaient à obtenir l'annulation d'une prétendue décision du Conseil rejetant la proposition par la Commission d'un règlement imposant un droit antidumping définitif sur certaines importations de coton, et

- au motif qu'il était infondé dans la mesure où ils demandaient des dommages-intérêts pour le préjudice en résultant .

2. La question principale est de savoir si le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que:

- ni le fait que le Conseil n'a pas réuni de majorité en faveur de la proposition de la Commission

- ni l'expiration du délai de quinze mois fixé pour les enquêtes antidumping par l'article 6, paragraphe 9, du règlement CE nº 384/96 ne pouvaient constituer un acte attaquable au regard de l'article 173 du traité CE (devenu, après modification, article 230 CE). Il est également question de savoir si le Tribunal avait également commis une erreur

- en rejetant l'argument relatif à l'article 6, paragraphe 9, du règlement de base au motif qu'il était en toute hypothèse irrecevable, et

- en considérant que le Conseil n'était pas tenu de motiver le défaut d'adoption du règlement proposé.

Cadre juridique

3. Le règlement nº 384/96, l'actuel règlement de base régissant l'imposition de mesures antidumping par la Communauté, a été adopté en partie pour se conformer aux nouvelles obligations internationales découlant du «code antidumping» de 1994, adopté dans le cadre des négociations commerciales multilatérales du cycle de l'Uruguay . Tant le code que le règlement de base contiennent des dispositions citées par les requérantes comme étant pertinentes pour la protection des droits des parties plaignantes.

Le code antidumping

4. L'article 6.9 du code antidumping prévoit que les autorités, avant d'adopter des mesures définitives «informeront toutes les parties intéressées des faits essentiels examinés qui constitueront le fondement de la décision d'appliquer ou non des mesures définitives», et ce suffisamment tôt pour que les parties puissent défendre leurs intérêts.

5. L'article 9.1 dispose, entre autres: «La décision d'imposer ou non un droit antidumping dans les cas où toutes les conditions requises sont remplies [...] incombe [...] aux autorités du membre importateur. Il est souhaitable que l'imposition soit facultative sur le territoire de tous les membres [...]».

6. En vertu de l'article 12.2, il faut donner avis au public de toute détermination préliminaire ou finale, qu'elle soit positive ou négative, en fournissant suffisamment de détails sur les constatations et les conclusions établies sur tous les points de fait et de droit jugés importants par les autorités chargées de l'enquête.

7. L'article 13 concerne la révision judiciaire. Il exige des membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) qu'ils prévoient des procédures judiciaires ou équivalentes aux fins, entre autres, d'examiner rapidement les «mesures administratives se rapportant aux déterminations finales».

Le règlement de base

8. En vertu du règlement de base, la Commission, en consultation avec le comité consultatif au sein duquel sont représentés les États membres, procède à des enquêtes portant sur le dumping et peut imposer des droits provisoires, tandis que c'est au Conseil qu'il revient d'imposer des droits définitifs.

9. L'article 5 concerne l'ouverture de la procédure. En vertu de l'article 5, paragraphe 1, une enquête doit être ouverte sur plainte déposée au nom de l'industrie communautaire. En vertu de l'article 5, paragraphe 9, lorsqu'il existe des éléments de preuve suffisants pour justifier l'ouverture d'une procédure, la Commission doit ouvrir une enquête dans un délai de 45 jours; lorsque les éléments de preuve sont insuffisants, le plaignant doit en être avisé dans le même délai.

10. L'article 6 concerne l'enquête. Les paragraphes 5, 6 et 7 prévoient que les parties intéressées sont informées et entendues. L'article 6, paragraphe 9, dispose: «Pour les procédures ouvertes en vertu de l'article 5, paragraphe 9, une enquête est, si possible, terminée dans le délai d'un an. En tout état de cause, ces enquêtes sont, dans tous les cas, terminées dans un délai de quinze mois [...]».

11. L'article 9 est intitulé «Clôture de la procédure sans institution de mesures; imposition de droits définitifs». En vertu de l'article 9, paragraphe 2, lorsque aucune mesure de défense ne s'avère nécessaire, la procédure est close. D'autre part, l'article 9, paragraphe 4, dispose: «Lorsqu'il ressort de la constatation définitive des faits qu'il y a dumping et préjudice en résultant et que l'intérêt de la Communauté nécessite une action conformément à l'article 21, un droit antidumping définitif est imposé par le Conseil, statuant à la majorité simple sur proposition de la Commission présentée après consultation du comité consultatif. [...]»

Le contexte de la procédure

12. Le 8 janvier 1996, le Comité des industries du coton et des fibres connexes de l'Union européenne (Eurocoton) a saisi la Commission d'une plainte aux termes de laquelle les importations de tissus de coton écrus originaires de certains pays et faisant l'objet de pratiques de dumping causeraient un préjudice important à l'industrie communautaire.

13. Le 21 février 1996, la Commission a publié un avis d'ouverture d'une procédure antidumping . Le 18 novembre 1996, elle a adopté un règlement imposant un droit antidumping provisoire . Enfin, le 21 avril 1997, elle a présenté une proposition de règlement du Conseil imposant un droit antidumping définitif .

14. Le délai de quinze mois prévu à l'article 6, paragraphe 9, du règlement de base a expiré le 21 mai 1997. À cette date, le Conseil a publié un communiqué de presse qui indique :

«À l'issue de la procédure écrite concernant l'institution de droits antidumping définitifs sur les tissus de coton originaires de certains pays tiers, qui s'est terminée le 16 mai et s'est conclue de manière négative, la délégation française a insisté à nouveau sur la nécessité de l'adoption de telles mesures.»

15. Le 23 juin 1997, Eurocoton a demandé que lui soit confirmé que le Conseil avait décidé de rejeter la proposition de la Commission, et que lui soit communiquée une copie de cette décision ou du procès-verbal incorporant cette dernière. Le jour suivant, elle a reçu une réponse indiquant que le Conseil, par une procédure écrite qui s'est terminée le 16 mai 1997, a constaté l'absence d'une majorité simple nécessaire à l'adoption du règlement en cause.

16. Par conséquent, le 18 juillet 1997, les requérantes ont introduit un recours devant le Tribunal de première instance, lui demandant

- d'annuler «la décision du Conseil rejetant la proposition de la Commission» d'un règlement instituant un droit antidumping définitif, et

- d'ordonner au Conseil de réparer le préjudice causé aux requérantes par le rejet illégal.

L'arrêt attaqué

Le recours en annulation

17. Le Conseil a contesté la recevabilité du recours en annulation en s'appuyant sur trois moyens, dont le Tribunal n'a examiné qu'un seul - l'absence d'acte attaquable - de la manière décrite ci-après aux points 39 à 64 de l'arrêt.

18. Il a considéré que, alors qu'un règlement instituant un droit antidumping définitif est clairement un acte susceptible d'être attaqué, tel n'est pas nécessairement le cas lorsque la proposition n'est pas adoptée par le Conseil; chaque cas doit être examiné indépendamment.

19. Le traité n'exige pas du Conseil qu'il adopte une proposition de la Commission, et le règlement de base ne donne pas non plus aux plaignants un droit à voir une telle proposition adoptée. L'article 1er du règlement prévoit qu'un droit «peut» être institué et l'article 9, paragraphe 4, indique qu'un droit est institué par le Conseil «statuant à la majorité simple sur proposition de la Commission» - ce qui implique nécessairement que la proposition ne sera pas adoptée si seule une minorité des États membres considère que les conditions nécessaires sont remplies. L'article 6, paragraphe 9, fixe une durée maximale pour les enquêtes, mais n'exige pas que le Conseil adhère à la proposition de la Commission; son seul but est d'éviter les procédures excessivement longues et de permettre ainsi aux parties de connaître dans un délai raisonnable les suites qui seront données.

20. De même, le code antidumping n'oblige pas non plus le Conseil à adopter des droits définitifs. Il se contente de fixer les conditions à remplir avant qu'une partie contractante puisse instituer des droits et affecter ainsi les exportations originaires d'un autre État contractant. L'article 9, paragraphe 1, dispose qu'il est «souhaitable que l'imposition [de droits antidumping] soit facultative».

21. Le Tribunal a ensuite fait observer que toute mesure qui produit des effets juridiques obligatoires et affecte les intérêts d'un plaignant en modifiant de façon caractéristique sa situation juridique - c'est-à-dire toutes les mesures adoptées par les institutions, quelles que soient leur nature et leur forme, qui sont destinées à avoir des effets juridiques - peuvent faire l'objet d'un recours en...

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