Ottmar Hermann v Stadt Frankfurt am Main.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:7
Date11 January 2005
Celex Number62003CC0491
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC-491/03

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER

présentées le 11 janvier 2005 (1)

Affaire C-491/03

Ottmar Hermann (curateur à la faillite de Volkswirt Weinschänken GmbH)

contre

Stadt Frankfurt am Main

[demande de décision préjudicielle formée par le Hessischer Verwaltungsgerichtshof (Allemagne)]

«Droits d’accises – Directive 92/12/CEE – Article 3 – Produits visés par la directive – Faculté pour les États membres de créer d’autres impôts indirects – Taxe communale frappant la livraison à titre onéreux de boissons alcooliques destinées à la consommation sur place»





I – Introduction

1. Dans les conclusions que j’ai présentées le 26 octobre 2004 dans l’affaire D., j’ai rappelé que la réalisation de l’union douanière dans la Communauté a exigé la mise en place d’un tarif douanier commun et que la libre circulation des marchandises a rendu nécessaire une harmonisation de la fiscalité indirecte. De surcroît, j’ai préconisé un rapprochement des législations en matière de fiscalité directe, afin de favoriser la libre circulation des personnes et des capitaux (2). Il s’agit de trois stades successifs d’un même processus tendant à la cohésion économique, qui est un prélude à l’intégration politique.

2. Cette question préjudicielle exige de la Cour qu’elle s’interroge sur la phase intermédiaire, indispensable en raison des différences constatées dans les taxes à la consommation qui peuvent limiter la libre circulation des biens et, par conséquent, entraîner une distorsion de concurrence et entraver sérieusement la réalisation du marché intérieur.

3. Néanmoins, compte tenu des différentes taxes de cette nature qui existent en Europe et des difficultés qu’il y a à les coordonner, le législateur communautaire a choisi, plus modestement, d’agir sur trois niveaux. Le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après la «TVA»), qui est l’impôt communautaire par excellence, se situe au premier niveau, les droits d’accises se trouvent au deuxième niveau tandis que le dernier, plus spécifique, traite de la concentration des capitaux.

4. L’harmonisation de la seconde catégorie a été engagée par la directive 92/12/CEE du Conseil (3), qui tend à rapprocher les structures des droits d’accises par des critères d’unification portant, notamment, sur leur objet, sur le fait imposable, l’exigibilité, les assujettis et les exemptions.

5. Le Hessischer Verwaltungsgerichtshof (Cour administrative du Land de Hesse) (Allemagne), qui doute qu’un règlement communal taxant la fourniture, à titre onéreux, de boissons alcooliques en vue de leur consommation immédiate sur place soit compatible avec la directive-cadre, demande à la Cour d’interpréter l’article 3 de cette norme communautaire.

II – La réglementation applicable

A – La directive-cadre

6. L’article 3 de la directive-cadre est rédigé comme suit (4):

«1. La présente directive est applicable, au niveau communautaire, aux produits suivants tels que définis dans les directives y afférentes:

– les huiles minérales,

– l’alcool et les boissons alcooliques,

– les tabacs manufacturés.

2. Les produits mentionnés au paragraphe 1 peuvent faire l’objet d’autres impositions indirectes poursuivant des finalités spécifiques, à condition que ces impositions respectent les règles de taxation applicables pour les besoins des accises ou de la taxe sur la valeur ajoutée pour la détermination de la base d’imposition, le calcul, l’exigibilité et le contrôle de l’impôt.

3. Les États membres conservent la faculté d’introduire ou de maintenir des impositions frappant des produits autres que ceux mentionnés au paragraphe 1, à condition toutefois que ces impositions ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

Sous le respect de cette même condition, les États membres garderont également la faculté d’appliquer des taxes sur les prestations de services n’ayant pas le caractère de taxes sur le chiffre d’affaires, y compris celles en relation avec des produits soumis à accise.»

B – La législation allemande

7. L’article 105, paragraphe 2a, du Grundgesetz (loi fondamentale) attribue aux Länder la compétence d’instaurer des taxes locales à la consommation. Usant de ce pouvoir, le Land de Hess a adopté le Gesetz über kommunale Abgaben (loi relative aux taxes communales) du 17 mars 1970 (5), dont l’article 7, paragraphe 2, habilite les collectivités territoriales à percevoir des taxes de ce type.

8. En vertu de l’article 1er du règlement du 13 décembre 1991 (6) (Satzung über die Erhebung einer Getränkesteuer im Gebiet der Stadt Frankfurt am Main, ci‑après le «GetrStS»), modifié avec effet au 25 mai 1996 (7), la ville de Frankfurt am main a instauré une taxe sur les boissons, applicable entre le 1er janvier 1992 et le 1er janvier 2000 (8).

9. L’article 2 de ce règlement définit le fait imposable comme étant la fourniture, à titre onéreux, de boissons alcooliques en vue de leur consommation sur place, à l’exception du cidre (9). De même, la consommation par l’assujetti lui-même ou la distribution parmi son personnel sont soumises à taxation si elles représentent plus de 5 % du chiffre d’affaires réalisé grâce à la vente de boissons alcooliques. Selon l’article 5, paragraphe 2, la taxe devient exigible lorsque la marchandise est fournie ou, le cas échéant, prélevée.

10. L’article 4 fixe le taux d’imposition à 10 % du prix de vente qui est celui que l’acquéreur verse effectivement, hors montant de la taxe.

11. Enfin, l’article 5, paragraphe 1, désigne comme assujettis les personnes qui, dans l’exercice d’une activité professionnelle, fournissent des boissons alcooliques contre un paiement.

III – Les faits, le litige au principal et les questions préjudicielles

12. La Volkswirt Weinschänken GmbH exploite à Francfort un restaurant dans lequel elle sert des repas et des boissons.

13. Le 7 novembre 1995, cette société a déposé une déclaration aux fins de la taxe litigieuse pour un montant de 9 135,35 DEM afférent au troisième trimestre de 1995 et, parallèlement, elle a présenté une réclamation portant sur la légalité de la taxe. Devant le silence que lui ont opposé les autorités municipales, elle a saisi le Verwaltungsgericht (Tribunal administratif) Frankfurt am Main qui, par décision du 14 mars 2002, a fait droit à cette contestation au motif que la GetrStS était incompatible avec l’article 3, paragraphe 2, de la directive-cadre, tel que la Cour l’a interprété dans l’arrêt qu’elle a rendu le 9 mars 2000 (10).

14. L’administration défenderesse a interjeté appel devant le Hessischer Verwaltungsgerichtshof qui, avant dire droit, a suspendu la procédure et a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«Un règlement communal instaurant une taxe sur les boissons définit l’objet de cette taxe comme étant ‘la fourniture, à titre onéreux, de boissons alcooliques en vue de leur consommation immédiate’ et cette fourniture comme ‘toute fourniture en vue d’une consommation sur place’. Cette taxe constitue-t-elle une autre imposition indirecte sur des produits soumis à accise au sens de l’article 3, paragraphes 1 et 2, de la directive 92/12/CEE du Conseil, du 25 février 1992, relative au régime général, à la détention, à la circulation et aux contrôles des produits soumis à accise ou une taxe sur des prestations de services en relation avec des produits soumis à accise au sens de l’article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la directive 92/12

15. Dans le cas où serait retenue la deuxième branche de l’alternative énoncée à la première question, la juridiction allemande soumet une autre question:

«La condition ‘sous le respect de cette même condition’ édictée à l’article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa, de la directive 92/12 se réfère-t-elle également à la seule condition, énoncée à l’article 3, paragraphe 3, premier alinéa, de ladite directive, ‘à condition toutefois que ces impositions ne donnent pas lieu dans les échanges entre États membres à des formalités liées au passage d’une frontière’ ou la taxe doit-elle dans un tel cas également poursuivre des ‘finalités spécifiques’, tel qu’exigé à l’article 3, paragraphe 2, de ladite directive?»

IV – La procédure devant la Cour

16. La ville de Frankfurt am Main et la Commission ont présenté des observations écrites dans le délai imparti par l’article 20 du statut de la Cour de justice.

17. Les représentants des parties à la procédure écrite ont comparu à l’audience du 2 décembre 2004 pour présenter oralement leurs observations.

V – L’analyse des questions préjudicielles

A – La première question préjudicielle

18. Le Hessischer Verwaltungsgerichtshof souhaite savoir si la taxe municipale en cause est une accise au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive-cadre ou bien s’il s’agit de l’une des impositions visées à l’article 3, paragraphe 3, deuxième alinéa. Pour répondre à cette question, il est nécessaire de qualifier le fait imposable soit de livraison de biens, soit de prestation de services. Cependant, dès lors qu’il s’agit d’une norme nationale, il incombe à la juridiction allemande de trancher cette question, conformément aux dispositions impératives du droit communautaire en tenant compte des indications herméneutiques que la Cour pourra lui fournir.

1. Les droits d’accises et l’article 3 de la directive-cadre

19. Les dispositions d’harmonisation contenues dans la directive-cadre s’appliquent évidemment au litige au principal puisqu’il porte sur le versement d’une taxe grevant la vente de boissons alcooliques. En effet, même si elles sont fragmentaires, elles affectent les conditions d’exigibilité des droits d’accises et, plus particulièrement, le fait imposable et la perception (11).

20. Dans les conclusions que j’ai présentées le 9 novembre 2000 dans l’affaire Van de Water (12), j’ai relevé que ces dispositions ont pour objet d’assurer des revenus au Trésor public, même si elles sont aussi utilisées...

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