Ynos kft v János Varga.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2005:576
Date22 September 2005
Celex Number62004CC0302
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - inadmisible
Docket NumberC-302/04

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. ANTONIO Tizzano

présentées le 22 septembre 2005 (1)

Affaire C-302/04

Ynos kft

contre

János Varga

[demande de décision préjudicielle formée par le Szombathelyi Városi Bíróság (Hongrie)]

«Article 234 CE – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec certains consommateurs – Conditions de leur invalidité – Invalidité éventuelle des autres clauses du contrat – Législation nationale – Compatibilité – Compétence de la Cour»





1. Par ordonnance du 10 juin 2004, le Szombathelyi Városi Bíróság (Hongrie) a saisi la Cour de trois questions préjudicielles, dont deux concernent spécialement l'interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (2) (ci-après la «directive 93/13» ou simplement la «directive»), tandis que la troisième a trait à l'applicabilité du droit communautaire à un différend surgi dans un État membre avant son adhésion à l'Union européenne.

I – Cadre juridique

A – Droit communautaire

L'accord d'association et le traité d'adhésion

2. Le 16 décembre 1991 a été signé à Bruxelles l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République de Hongrie, d'autre part (3) (ci-après l'«accord d'association»). Ledit accord est entré en vigueur le 1er février 1994.

3. L'article 67 de l'accord d'association dispose:

«Les parties contractantes reconnaissent que l'intégration économique de la Hongrie dans la Communauté est essentiellement subordonnée au rapprochement de la législation existante et future de ce pays avec celle de la Communauté. La Hongrie veille à ce que sa législation future soit compatible dans toute la mesure du possible avec la législation communautaire.»

4. L'article 68 précise ensuite que:

«Le rapprochement des législations s'étend en particulier aux domaines suivants: […] protection des consommateurs […].»

5. Le 16 avril 2003 ont ensuite été signés à Athènes le traité d'adhésion de la République de Hongrie à l'Union européenne (4) et l'acte relatif aux conditions d'adhésion (5) (ci-après, l'«acte d'adhésion»), entrés en vigueur tous deux le 1er mai 2004.

6. L'article 2 de l'acte d'adhésion dispose que:

«Dès l'adhésion, les dispositions des traités originaires et les actes pris, avant l'adhésion, par les institutions et la Banque centrale européenne lient les nouveaux États membres et sont applicables dans ces États dans les conditions prévues par ces traités et par le présent acte.»

7. En particulier, eu égard aux directives déjà existantes, l'article 53 de l'acte d'adhésion prévoit que:

«Dès l'adhésion, les nouveaux États membres sont considérés comme étant destinataires des directives et des décisions, au sens de l'article 249 du traité CE […], pour autant que ces directives et décisions aient été adressées à tous les États membres actuels. Sauf en ce qui concerne les directives et les décisions qui entrent en vigueur en vertu de l'article 254, paragraphes 1 et 2, du traité CE, les nouveaux États membres sont considérés comme ayant reçu notification de ces directives et décisions au moment de l'adhésion.»

8. L'article 54 prévoit quant à lui que:

«Les nouveaux États membres mettent en vigueur les mesures qui leur sont nécessaires pour se conformer, dès l'adhésion, aux dispositions des directives et des décisions au sens de l'article 249 du traité CE […], à moins qu'un autre délai ne soit prévu dans les annexes visées à l'article 24, ou dans d'autres dispositions du présent acte ou de ses annexes.»

La directive 93/13

9. La directive 93/13 «a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur» (article 1er).

10. En vertu de l'article 2, sous b), on entend par «consommateur»:

«toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle».

11. En vertu de l'article 3, paragraphe 1:

«Une clause d'un contrat n'ayant pas fait l'objet d'une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l'exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.»

12. Il est ensuite précisé à l'article 4, paragraphe 1, que:

«Sans préjudice de l'article 7, le caractère abusif d'une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l'objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat, ou d'un autre contrat dont il dépend.»

13. L'article 6, paragraphe 1, dispose, en outre:

«Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s'il peut subsister sans les clauses abusives.»

14. Enfin, en vertu de l'article 7, paragraphe 1:

«Les États membres veillent à ce que, dans l'intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l'utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.»

15. Du moment que ni l'acte d'adhésion ni ses annexes ne prévoyaient un délai différent, la République de Hongrie était destinataire de la directive 93/13 et était tenue de mettre en vigueur les mesures nécessaires pour s'y conformer dès la date de son adhésion à l'Union, c'est-à-dire le 1er mai 2004.

B – Droit national

16. La République de Hongrie a ratifié l'accord d'association par la loi n° 1/1994.

17. En vertu de l'article 3, paragraphe 1, de cette loi, il fallait veiller, dans l'ordre juridique hongrois, à ce que la préparation et la conclusion des conventions internationales, tout comme l'élaboration et l'adoption des réglementations nationales, soient compatibles avec ledit accord. En outre, selon le paragraphe 2 de ce même article, il fallait satisfaire, dans l'élaboration et l'adoption des règles juridiques, les exigences posées à l'article 67 du même accord d'association.

18. En cohérence avec les indications de cette disposition, a été adoptée la loi n° CXLIX/97, qui a modifié plusieurs points du code civil hongrois (ci-après le «Ptk») en mettant en place, dans l'ordre juridique interne, un régime des clauses abusives insérées dans les contrats conclus avec les consommateurs compatible avec le régime prévu par la directive 93/13. Il ressort du dossier que ledit régime n'a pas subi d'autres modifications après l'adhésion.

19. En vertu de l'article 209/B du Ptk:

«1. Une condition contractuelle générale ou une clause d’un contrat conclu entre un consommateur et un professionnel est abusive lorsque, en violation des exigences de bonne foi, elle détermine unilatéralement et sans motif, au détriment d’une des parties, les droits et les obligations des parties découlant du contrat.

2. Les droits et obligations défavorables sont réputés déterminés unilatéralement et sans motif:

a) s’ils s’écartent sensiblement d’une disposition essentielle, applicable au contrat; ou

b) s’ils sont incompatibles avec l’objet ou le but du contrat.

3. Pour déterminer si une clause est abusive, il faut examiner toutes les circonstances existant au moment de la signature du contrat et qui ont conduit à cette signature, ainsi que la nature de la prestation de services et le lien entre la clause concernée et d’autres clauses du contrat ou d’autres contrats» (6).

20. Pour ce qui nous intéresse ici, il convient de rappeler notamment les dispositions du Ptk relatives à la contestation des clauses abusives et celles qui régissent les conséquences de leur insertion dans les contrats.

21. Pour ce qui est de la contestation, le Ptk prévoit que, si une condition générale du contrat est abusive, la partie lésée peut la contester (article 209, paragraphe 1). La contestation doit être notifiée par écrit à l'autre partie dans le délai d'un an. Après ce délai, le droit à contestation peut aussi être exercé en opposant une exception à une demande d'exécution des obligations découlant du contrat [article 236, paragraphes 1, 2, sous c), et 3].

22. Quant aux conséquences de la présence de telles clauses, le Ptk renvoie à cet égard au principe selon lequel le contrat est intégralement invalide si les parties ne l’auraient pas conclu sans la clause invalide (article 239).

II – Faits et procédure

23. L'affaire au principal oppose la Ynos kft (ci-après la «Ynos»), société exerçant l'activité d'agence immobilière, à M. János Varga, constructeur.

24. Souhaitant vendre un immeuble appartenant à son fils (7) et restauré depuis peu pour en faire un complexe de bureaux commerciaux, M. Varga a conclu le 10 janvier 2002, avec la Ynos, un contrat d'entremise pour transaction sur immeuble, basé sur un contrat type contenant différentes conditions générales.

25. En vertu de ce contrat, si l'entremise s'avérait fructueuse, la Ynos aurait eu droit à une commission égale à 2 % du prix de vente convenu. Au point 5, le contrat précisait que l'entremise serait considérée fructueuse dès lors qu'un contrat aurait été conclu entre les parties mises en rapport par l’intermédiaire; dans la deuxième phrase dudit point, il était en outre ajouté que l'intermédiaire aurait droit à la commission même dans le cas où le propriétaire refuserait une offre écrite d'achat ou de location de l'immeuble à un prix au moins égal à celui indiqué dans le contrat d'entremise.

26. Le 11 mars 2002, les...

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