Criminal proceedings against Denis Gervais, Jean-Louis Nougaillon, Christian Carrard and Bernard Horgue.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:1995:245
Docket NumberC-17/94
Celex Number61994CC0017
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Date13 July 1995
61994C0017

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. MICHAEL B. ELMER

présentées le 13 juillet 1995 ( *1 )

1.

Dans la présente affaire, le tribunal de grande instance de Bergerac (France) a déféré à la Cour différentes questions relatives aux rapports entre la réglementation française sur les centres d'insémination de la semence de taureau et les règles du traité relatives aux monopoles d'État, au droit d'établissement et à la libre prestation de services ainsi qu'à diverses directives concernant, d'une part, les activités du vétérinaire et, d'autre part, les bovins reproducteurs de race pure. Cette affaire soulève en outre des questions quant aux exigences pouvant être posées dans le chef des juridictions de renvoi, pour ce qui est de la description du cadre factuel de l'affaire, et quant au lien pouvant être établi avec la jurisprudence de la Cour concernant des situations purement internes.

La législation nationale

2.

Les règles françaises en matière d'insémination d'animaux domestiques sont fixées dans la loi n° 66-1005, du 28 décembre 1966 sur l'élevage, ainsi que dans une série de dispositions d'application. Selon l'article 4 de la loi, les opérations de prélèvement et de conditionnement de la semence ne peuvent être exécutées que par des chefs de centre d'insémination ou sous leur contrôle. De même, l'insémination ne peut être effectuée que par des chefs de centre d'insémination ou par des inséminateurs habilités à cet effet.

Les centres d'insémination ne peuvent intervenir que si, conformément à l'article 5 de la loi, ils ont obtenu au préalable une autorisation à cet effet du ministère de l'Agriculture français. Les quatrième et cinquième alinéas de cette disposition prévoient que chaque centre d'insémination dessert une zone à l'intérieur de laquelle il est seul habilité à intervenir. Les éleveurs se trouvant dans la zone d'action d'un centre d'insémination peuvent demander à celui-ci de leur fournir de la semence provenant de centres de production de leur choix. L'article 9 de la loi prévoit des sanctions pénales en cas d'infraction aux règles précitées.

3.

Selon le décret n° 69-258, du 22 mars 1969, relatif à l'insémination artificielle, l'exercice des activités d'inséminateur suppose une autorisation délivrée par le ministre de l'Agriculture français. L'insémination ne peut être effectuée que sous le contrôle des centres d'insémination agréés par le ministère de l'Agriculture.

4.

Un arrêté du 21 novembre 1991 relatif à la formation des inséminateurs et des chefs de centre et à l'attribution des licences correspondantes prévoit des modalités d'application du décret n° 69-258, précité. Selon son article 1er, les opérations d'insémination sont effectuées sous le contrôle du centre d'insémination territorialement compétent. Le ministre de l'Agriculture français peut délivrer une licence d'inséminateur sur présentation d'une attestation délivrée par le chef d'un centre d'insémination, certifiant que le titulaire de l'attestation est, lors des opérations d'insémination, placé sous la responsabilité du chef de centre (voir article 2). L'article 3 de ce même arrêté prévoit que le certificat d'aptitude aux fonctions de chef de centre est délivré aux candidats ayant réussi un examen en tant qu'inséminateurs, aux docteurs vétérinaires et aux candidats d'une « licence de chef de centre ».

Les faits

5.

Les personnes mises en examen dans la procédure au principal, MM. Denis Gervais, Jean-Louis Nougaillon, Christian Carrard et Bernard Horgue, sont des ressortissants français domiciliés en France. Ils ont tous passé l'examen ouvrant droit au titre de docteur vétérinaire. Aucun d'entre eux n'est rattaché à un centre d'insémination agréé. Selon les éléments d'information disponibles, on doit tenir pour établi que les personnes mises en examen sont, à l'exception de M. Denis Gervais, titulaires du certificat d'aptitude aux fonctions d'inséminateur.

En mars 1992, ces personnes ont fait l'objet d'une plainte déposée par la Coopérative périgorde agenaise d'élevage et d'insémination artificielle (ci-après la « CPAEIA »), qui est titulaire du droit exclusif pour, entre autres, l'arrondissement de Bergerac, auprès du procureur de la République à Bergerac pour avoir, contrairement à l'article 5 de la loi n° 66-1005, précité, exercé des activités d'inséminateur sans être en possession des autorisations requises en droit français. Le ministère public a, par la suite, déposé des réquisitions à l'encontre de MM. Denis Gervais et Jean-Louis Nougaillon pour avoir pratiqué l'insémination sans s'être vu au préalable attribuer une zone à l'intérieur de laquelle ils auraient pu légalement effectuer de telles opérations, et à l'encontre de MM. Christian Carrard et Bernard Horgue pour avoir exploité un centre d'insémination sans autorisation.

Les personnes mises en examen n'ont pas contesté avoir enfreint les règles françaises concernant l'exercice des activités d'insémination. Elles ont cependant fait valoir qu'elles ne pouvaient faire l'objet de sanctions pénales puisque le régime d'autorisation est, selon elles, contraire au droit communautaire.

Les questions préjudicielles

6.

C'est dans ce contexte que le tribunal de grande instance de Bergerac a, par ordonnance du 14 janvier 1994, soumis à la Cour les questions suivantes:

« 1)

L'article 59 du traité CEE et les directives du Conseil 78/1026/CEE et 78/1027/CEE du 18 décembre 1978 ( 1 ), prises pour la mise en œuvre dans le domaine des activités du vétérinaire, ne font-ils pas obstacle à l'application d'une législation nationale qui, en matière d'insémination artificielle des bovins, soumet la délivrance d'une licence d'inséminateur aux vétérinaires à la production d'une attestation du directeur du centre d'insémination artificielle autorisé, certifiant que le demandeur est placé sous son autorité pour ce qui concerne les opérations de mise en place de la semence, interdisant ainsi au vétérinaire sous peine de poursuites pénales la libre prestation de service, restreignant sensiblement du même coup leur activité, au moyen de la reconnaissance d'un monopole territorial d'exercice de cette activité au profit de personnes réunies en ‘centres’ dits d'insémination artificielle et non nécessairement titulaires du titre de docteur vétérinaire?

2)

L'article 52 du traité CEE et les directives du Conseil 78/1026/CEE et 78/1027/CEE du 18 décembre 1978, prises pour la mise en oeuvre dans le domaine des activités du vétérinaire, ne font-ils pas obstacle à l'application d'une législation nationale qui, en matière d'insémination artificielle des bovins, décide d'octroyer dans certaines conditions une licence d'inséminateur aux docteurs vétérinaires mais leur interdit sous peine de poursuites pénales l'exercice de cette activité, et réduit du même coup à néant leur liberté de s'établir, sauf pour eux à s'établir obligatoirement sous l'autorité d'un centre dit d'insémination artificielle, centre constitué par des personnes non nécessairement titulaires du titre de docteur vétérinaire et à qui est reconnu un monopole territorial d'exercice de cette activité, de sorte que sur l'ensemble du territoire français la liberté de s'établir des docteurs vétérinaires ne peut correctement s'exercer en dehors du rattachement à un centre?

3)

Les directives du Conseil respectivement en date du 25 juillet 1977 (77/504/CEE) concernant les animaux de l'espèce bovine reproducteurs de race pure ( 2 ) et du 18 juin 1987 (87/328/CEE) relative à l'admission à la reproduction des bovins reproducteurs de race pure ( 3 ) prises à des fins de police sanitaire et qui entendent préserver la liberté des échanges intracommunautaires selon ce qu'elles énoncent doivent-elles s'interpréter comme autorisant une législation nationale à mettre en place un monopole territorial d'exercice de l'insémination artificielle de nature proprement économique au profit de ‘centres’ réunissant des personnes non nécessairement titulaires du titre de docteur vétérinaire?

4)

Une réglementation nationale qui subordonne l'accès à l'activité d'inséminateur à la délivrance d'une licence pour l'insémination artificielle des bovins et qui soumet la délivrance de la licence à la production d'une attestation du directeur du centre d'insémination artificielle autorisé, certifiant que le demandeur est placé sous son autorité pour ce qui concerne les opérations de mise en place de la semence, interdisant ou restreignant ainsi l'exercice de cette activité aux docteurs vétérinaires au motif qu'il doit être placé sous l'autorité du directeur d'un centre dit d'insémination artificielle à qui est octroyé un monopole territorial d'exercice, est-elle compatible avec les dispositions pertinentes des directives du Conseil 77/504/CEE et 87/328/CEE qui ne prévoient aucune restriction à l'établissement et à l'activité des docteurs vétérinaires?

5)

Un monopole de prestation de service tel que celui organisé par la loi du 28 décembre 1966 sur l'élevage et les textes pris pour son application est-il compatible avec les articles 37 et 59 du traité CEE en tant qu'il exclurait toute mise en place de semence par des personnes, même dûment qualifiées, et habilitées à intervenir, autres que les personnels des centres d'insémination artificielle qui bénéficient du monopole? »

Sur la recevabilité

7.

La Commission, le gouvernement français et la CPAEIA, qui s'est portée partie civile dans l'instance au principal, ont fait état de ce que le tribunal de renvoi n'expose, pas même en termes laconiques, ni les circonstances de l'espèce ni le cadre juridique. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner au fond les questions préjudicielles.

8.

Selon la jurisprudence de la Cour, la nécessité de parvenir à une...

To continue reading

Request your trial
1 practice notes
1 cases

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT