Stoilov i Ko EOOD v Nachalnik na Mitnitsa Stolichna.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:492
Docket NumberC-180/12
Celex Number62012CC0180
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeCuestión prejudicial - sobreseimiento
Date18 July 2013
62012CC0180

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PAOLO MENGOZZI

présentées le 18 juillet 2013 ( 1 )

Affaire C‑180/12

Stoilov i Ko EOOD

contre

Nachalnik na Mitnitsa Stolichna

[demande de décision préjudicielle formée par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie)]

«Décisions et voies de recours distinctes portant sur la même dette douanière — Recevabilité de la demande de décision préjudicielle — Non-lieu à statuer — Autorité de la chose jugée — Articles 41 et 47 de la Charte — Principe de bonne administration — Droit à un recours juridictionnel effectif»

I – Introduction et recevabilité de la demande de décision préjudicielle

1.

Le présent renvoi préjudiciel, qui est adressé par l’Administrativen sad Sofia-grad (Bulgarie), porte sur l’interprétation des sous-positions 54076130 et 63039210 de la nomenclature combinée pour l’année 2009 (ci-après la «NC») ( 2 ), de même que sur l’interprétation du code des douanes ( 3 ), du principe de la confiance légitime, ainsi que des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la «Charte»).

2.

En réalité, comme j’aurai l’occasion de le démontrer dans les présentes conclusions, ce renvoi dissimule une autre question relative à sa recevabilité ou, plus exactement, à la perte, en cours d’instance, de son objet, ce qui devrait, selon moi, entraîner la Cour à constater qu’il n’y a plus lieu de répondre aux questions préjudicielles.

3.

L’examen de cette question est toutefois tributaire d’un exposé sommaire du déroulement des procédures juridictionnelles nationales par lesquelles Stoilov i Ko EOOD (ci-après «Stoilov») a introduit deux recours quasiment concomitants – et dont l’objet se confond – à l’encontre de deux décisions adoptées par le Nachalnik na Mitnitsa Stolichna (directeur des douanes de Sofia, ci-après le «Nachalnik»), en application du code des douanes.

4.

En résumé, tandis que, par déclaration en douane déposée le 8 janvier 2009, Stoilov a déclaré des «matériaux pour la fabrication de stores», en provenance de Chine, dans la sous-position 6303 92 10 de la NC, à la suite d’une vérification et d’une analyse d’échantillons en laboratoire, les autorités douanières ont considéré que les biens visés par ladite déclaration remplissaient les conditions pour être classés dans le chapitre 54 de la NC, plus spécifiquement dans la sous-position 5407 61 30.

5.

Par conséquent, le 27 avril 2009, en application de l’article 221, paragraphe 1, du code des douanes ( 4 ), le Nachalnik a notifié à Stoilov une décision (ci-après la «décision de notification») par laquelle les biens visés par la déclaration en douane du 8 janvier 2009 étaient classés dans la sous-position 5407 61 30, ce qui entraînait une majoration du taux des droits de douane de 6,5 % à 8 % et l’application d’un droit antidumping définitif de 74,8 %. En vertu de cette même décision, Stoilov s’est vu accorder un délai de sept jours pour s’acquitter volontairement des sommes correspondantes, conformément à l’article 222 du code des douanes ( 5 ).

6.

Stoilov n’ayant pas réglé les sommes réclamées dans le délai imparti, le Nachalnik a adopté une décision de recouvrement forcé de créances de l’État en date du 7 août 2009 (ci-après la «décision de recouvrement»), en application de l’article 232 du code des douanes ( 6 ).

7.

Après avoir contesté cette décision, en septembre 2009, par voie administrative, en demandant que soit diligentée une expertise indépendante, Stoilov a introduit un recours en annulation contre la décision de recouvrement devant la juridiction de renvoi au mois d’octobre 2009.

8.

Stoilov avait cependant attaqué, quelques mois auparavant, la décision de notification devant l’Administrativen sad Sofia-grad, qui l’a déboutée de sa demande par jugement du 30 décembre 2010.

9.

Ce jugement a été frappé d’un pourvoi devant le Varhoven administrativen sad (Cour administrative suprême), lequel demeurait encore saisi au moment du présent renvoi préjudiciel. Il ressort néanmoins des observations écrites soumises à la Cour ainsi que de la réponse de la juridiction de renvoi à la demande d’éclaircissements adressée par la Cour que, par arrêt du 5 juillet 2012, le Varhoven administrativen sad a annulé le jugement du 30 décembre 2010 de l’Administrativen sad Sofia-grad et a réformé ledit jugement en annulant la décision de notification. D’après les explications fournies par la juridiction de renvoi dans sa réponse à la demande d’éclaircissements, le Varhoven administrativen sad a jugé, en substance, que le classement tarifaire retenu par le Nachalnik, qui avait été confirmé par l’Administrativen sad Sofia-grad, était erroné au vu des pièces et des expertises versées au dossier. En outre, le Varhoven administrativen sad a considéré que Stoilov avait acquis une confiance légitime de voir les marchandises en cause classées dans la sous-position 6303 92 10, dans la mesure où, pour de nombreuses déclarations précédentes de marchandises identiques provenant du même fournisseur en Chine, les autorités douanières avait accepté ces importations, y compris en contrôlant les documents, et avaient appliqué ladite sous-position sans imposer de sanction.

10.

Dans sa réponse à la demande d’éclaircissements adressée par la Cour quant à l’effet de l’annulation de la décision de notification sur le litige au principal, la juridiction de renvoi a admis, entre autres, qu’il lui incombe de vérifier si les conditions procédurales présidant à la légalité de la décision de recouvrement sont satisfaites, parmi lesquelles figure la décision de notification.

11.

À l’audience devant la Cour, le Nachalnik a concédé que, du fait de son annulation par le Varhoven administrativen sad, la décision de notification n’existait plus dans l’ordre juridique bulgare.

12.

Tenant à l’esprit ces éléments, il importe de rappeler que la mission confiée à la Cour dans le cadre de la coopération prévue à l’article 267 TFUE ne consiste pas à donner des opinions consultatives in abstracto et que l’objet d’une demande de décision préjudicielle peut, en cours de procédure devant la Cour, perdre tout ou partie de sa pertinence de sorte à priver les réponses que donnerait la Cour à cette demande de leur fonction de concourir à la solution effective d’un contentieux ( 7 ). En d’autres termes, le concours qu’apporte la Cour aux juridictions nationales dans le cadre de l’article 267 TFUE doit assurer que celles-ci sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel à intervenir ( 8 ).

13.

Ainsi, en application de cette jurisprudence, la Cour a déjà constaté qu’il n’y a pas lieu de statuer sur une demande de décision préjudicielle lorsque, en dépit du souhait de la juridiction nationale de maintenir celle-ci, l’objet du litige à l’origine de cette demande a disparu en cours d’instance, en particulier en raison d’un accord entre les parties ( 9 ) ou du retrait du recours au principal ( 10 ).

14.

De même, à la lumière de la situation de fait exposée devant elle, la Cour estime qu’il n’y a pas lieu, à défaut d’objet, de répondre à une demande de décision préjudicielle lorsque cette demande ne permet pas de dégager les éléments d’interprétation de droit de l’Union que le juge de renvoi pourrait appliquer utilement pour résoudre, en fonction de ce droit, le litige pendant devant lui ( 11 ).

15.

Il est vrai que la situation en cause dans la présente affaire ne correspond pas exactement à ces cas de figure.

16.

Toutefois, il est clair que, conformément à la jurisprudence précitée et compte tenu des éléments d’information dont dispose la Cour, la juridiction de renvoi ne sera plus appelée, pour résoudre le litige au principal, à adopter une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel si la Cour devait répondre aux questions posées.

17.

En effet, ainsi que l’a admis la juridiction de renvoi dans sa réponse à la demande d’éclaircissements adressée par la Cour, la décision de recouvrement est désormais privée, à la suite de l’annulation de la décision de notification par le Varhoven administrativen sad, de l’une de ses conditions de légalité externe, cette décision n’existant plus dans l’ordre juridique bulgare, comme l’a également concédé le Nachalnik. Il suffira donc à la juridiction de renvoi de constater – ce qu’elle aurait d’ailleurs déjà pu faire depuis le prononcé de l’arrêt du Varhoven administrativen sad – que ladite décision de recouvrement doit nécessairement être annulée en fonction du seul droit interne, comme l’a justement fait valoir Stoilov à l’audience devant la Cour.

18.

Quand bien même il est possible de comprendre l’argument du Nachalnik selon lequel, en droit bulgare, la communication du montant d’une dette douanière, au sens de l’article 221 du code des douanes (à savoir, en l’occurrence, la décision de notification), et le recouvrement forcé de ladite dette, adopté en application de l’article 232 dudit code, doivent être qualifiés d’actes juridiques autonomes susceptibles de recours juridictionnels séparés, il n’en demeure pas moins, comme l’a fort logiquement indiqué la Commission européenne à l’audience devant la Cour, qu’une dette douanière ne saurait être légalement recouvrée par l’administration nationale si elle est privée de son existence même en raison de l’annulation, par les juridictions nationales compétentes, de la décision l’ayant constatée. Une interprétation différente entraînerait l’enrichissement sans cause de l’État.

19.

La juridiction de renvoi sera donc irrémédiablement amenée, en raison de...

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