Daiichi Sankyo Co. Ltd and Sanofi-Aventis Deutschland GmbH v DEMO Anonymos Viomichaniki kai Emporiki Etairia Farmakon.

JurisdictionEuropean Union
ECLIECLI:EU:C:2013:49
Date31 January 2013
Celex Number62011CC0414
CourtCourt of Justice (European Union)
Procedure TypeReference for a preliminary ruling
Docket NumberC‑414/11
62011CC0414

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

M. PEDRO CRUZ VILLALÓN

présentées le 31 janvier 2013 ( 1 )

Affaire C‑414/11

Daiichi Sankyo Co. Ltd

Sanofi-Aventis Deutschland GmbH

contre

DEMO Anonymos Viomichaniki kai Emporiki Etairia Farmakon

[demande de décision préjudicielle formée par le Polymeles Protodikeio Athinon (Grèce)]

«Accord ADPIC — Interprétation de son effet direct — Compétence de l’Union ou des États membres — Brevet concernant des médicaments — Produits pharmaceutiques et procédés de production — Article 207, paragraphe 1, TFUE — ‘Aspects commerciaux de la propriété intellectuelle’ — Arrêt Merck Genéricos — Produtos Farmacêuticos»

1.

Dans le contexte d’une procédure nationale concernant des questions relatives à la brevetabilité de produits pharmaceutiques, soulevées par l’entrée en vigueur de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce ( 2 ) (ci-après l’«accord ADPIC»), la Cour a l’occasion de se prononcer sur la portée de la compétence exclusive de l’Union en matière de politique commerciale commune (article 3, paragraphe 1, sous e), TFUE), puisque cette politique comprend désormais, en vertu de l’article 207, paragraphe 1 TFUE, les «aspects commerciaux de la propriété intellectuelle».

2.

Selon moi, il s’agit de la question centrale de la présente affaire, à savoir si, depuis qu’elle relève d’une compétence exclusive de l’Union, cette notion joue un rôle différent de celui qui était le sien sous l’empire de l’article 133 TFUE.

3.

Plus concrètement, la question est de savoir si la jurisprudence tirée de l’arrêt du 11 septembre 2007, Merck Genéricos – Produtos Farmacêuticos ( 3 ), relative à la «compétence principale» des États membres dans le domaine régi par l’accord ADPIC est toujours d’application.

4.

Les autres questions ne sont formulées que pour le cas où la jurisprudence Merck Genéricos – Produtos Farmacêuticos ne serait plus applicable. Dans la mesure où il me semble qu’elles présentent moins de difficultés, je concentrerai mon analyse sur la première.

5.

Conscient de l’extraordinaire difficulté d’interprétation que, comme vous le verrez, la présente question préjudicielle soulève, je proposerai à la Cour de répondre au Polymeles Protodikeio Athinon (Grèce) que, dans l’état actuel de développement du droit de l’Union, le domaine régi par l’article 27 de l’accord ADPIC («objet brevetable») ne relève pas des «aspects commerciaux de la propriété intellectuelle et industrielle», au sens de l’article 207, paragraphe 1, TFUE, avec les effets qui s’ensuivent en ce qui concerne la compétence pour interpréter cette disposition.

6.

Subsidiairement, et au cas où la Cour considérerait que, en définitive, il lui appartient d’interpréter l’article 27 de l’accord ADPIC, je proposerai à la Cour, en application de sa jurisprudence consolidée, renforcée en l’espèce par les caractères du mandat contenu dans cette disposition, de constater que cette disposition est dépourvue d’effet direct.

7.

En outre, et au cas où la Cour accueillerait les motifs pour procéder à une modification de sa jurisprudence, je me permettrai cependant de proposer à la Cour de constater que le brevet sur un procédé de fabrication d’un produit pharmaceutique n’acquiert pas en plus le caractère d’un brevet sur le produit pharmaceutique, du seul fait que, au moment du dépôt de la demande de brevet de fabrication, et alors qu’il était prohibé de breveter des produits pharmaceutiques, la demande de brevet portait également sur le produit en tant que tel.

8.

Enfin, quelle que soit l’interprétation que la Cour retiendra, et s’agissant de l’effet dans le temps de son arrêt, je proposerai que l’interprétation en cause, eu égard aux spécificités de l’espèce, n’ait pas de conséquences sur les situations consolidées par une décision judiciaire définitive.

I – Cadre normatif

A – L’accord ADPIC

9.

Sous l’intitulé «Objet brevetable», l’article 27 de l’accord ADPIC dispose ce qui suit:

«1. Sous réserve des dispositions des paragraphes 2 et 3, un brevet pourra être obtenu pour toute invention, de produit ou de procédé, dans tous les domaines technologiques, à condition qu’elle soit nouvelle, qu’elle implique une activité inventive et qu’elle soit susceptible d’application industrielle. Sous réserve des dispositions du paragraphe 4 de l’article 65, du paragraphe 8 de l’article 70 et du paragraphe 3 du présent article, des brevets pourront être obtenus et il sera possible de jouir de droits de brevet sans discrimination quant au lieu d’origine de l’invention, au domaine technologique et au fait que les produits sont importés ou sont d’origine nationale.

2. Les Membres pourront exclure de la brevetabilité les inventions dont il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur territoire pour protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l’environnement, à condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l’exploitation est interdite par leur législation.

3. Les Membres pourront aussi exclure de la brevetabilité:

a)

les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales pour le traitement des personnes ou des animaux;

b)

les végétaux et les animaux autres que les micro-organismes, et les procédés essentiellement biologiques d’obtention de végétaux ou d’animaux, autres que les procédés non biologiques et microbiologiques […]»

10.

Quant à l’article 70 de l’accord ADPIC, sous l’intitulé «Protection des objets existants», celui-ci dispose:

«1. Le présent accord ne crée pas d’obligations pour ce qui est des actes qui ont été accomplis avant sa date d’application pour le Membre en question.

2. Sauf disposition contraire du présent accord, celui-ci crée des obligations pour ce qui est de tous les objets existant à sa date d’application pour le Membre en question, et qui sont protégés dans ce Membre à cette date, ou qui satisfont ou viennent ultérieurement à satisfaire aux critères de protection définis dans le présent accord […].

[…]

6. Les Membres ne seront pas tenus d’appliquer l’article 31, ni la prescription énoncée au paragraphe 1 de l’article 27 selon laquelle des droits de brevet seront conférés sans discrimination quant au domaine technologique, à l’utilisation sans l’autorisation du détenteur du droit, dans les cas où l’autorisation pour cette utilisation a été accordée par les pouvoirs publics avant la date à laquelle le présent accord a été connu.

7. Dans le cas des droits de propriété intellectuelle pour lesquels l’enregistrement est une condition de la protection, il sera permis de modifier les demandes de protection en suspens à la date d’application du présent accord pour le Membre en question en vue de demander une protection accrue au titre des dispositions du présent accord. Ces modifications n’introduiront pas d’éléments nouveaux.

8. Dans les cas où un Membre n’accorde pas, à la date d’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC, pour les produits pharmaceutiques et les produits chimiques pour l’agriculture, la possibilité de bénéficier de la protection conférée par un brevet correspondant à ses obligations au titre de l’article 27, ce Membre:

a)

nonobstant les dispositions de la Partie VI, offrira, à compter de la date d’entrée en vigueur de l’Accord sur l’OMC, un moyen de déposer des demandes de brevet pour de telles inventions;

b)

appliquera à ces demandes, à compter de la date d’application du présent accord, les critères de brevetabilité énoncés dans le présent accord comme s’ils étaient appliqués à la date de dépôt de la demande dans ce Membre ou, dans les cas où une priorité peut être obtenue et est revendiquée, à la date de priorité de la demande; et

c)

accordera la protection conférée par un brevet conformément aux dispositions du présent accord à compter de la délivrance du brevet et pour le reste de la durée de validité du brevet fixée à partir de la date de dépôt de la demande conformément à l’article 33 du présent accord, pour celles de ces demandes qui satisfont aux critères de protection visés à l’alinéa b).

[…]»

B – Les dispositions nationales

11.

La République hellénique a ratifié la convention de Munich en 1986 avec une réserve, au sens de l’article 167, paragraphe 2, sous a), de la convention sur le brevet européen (ci-après la «CBE»), concernant les produits pharmaceutiques. En vertu de l’article 167, paragraphe 3, de la CBE, cette réserve a expiré le 7 octobre 1992.

12.

En 1995, la République hellénique a également ratifié l’accord ADPIC.

13.

En Grèce, le domaine des brevets est en outre régi par la loi no 1733/1987, relative au transfert de technologies, aux inventions, à l’innovation technologique et à l’institution d’une commission pour l’énergie atomique, en vigueur depuis le 22 avril 1987.

14.

L’article 5 de la loi no 1733/1987 dispose qu’un produit, un procédé ou une application peuvent faire l’objet d’un brevet et, en vertu de l’article 7 de la loi, il incombe au demandeur d’indiquer l’objet de la protection demandée.

15.

Conformément à l’article 11 de la loi no 1733/1987, la durée de la protection conférée par le brevet est de vingt ans et débute le lendemain du dépôt de la demande de brevet.

16.

L’article 25, paragraphe 3, de la loi no 1733/1987 disposait que, tant qu’était maintenue la réserve formulée par la République hellénique, en vertu de l’article 167, paragraphe 2, sous a), de la CBE, il n’était pas...

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